L’Escalade, célébrée avec toujours autant de ferveur depuis 413 ans par la population genevoise, recèle de nombreuses anecdotes authentiques et parfois méconnues. Extraits.
Noël à Genève ! La conquête de Genève, ardemment désirée par ses ancêtres depuis plusieurs siècles, devient une obsession pour Charles-Emmanuel 1er, Duc de Savoie, surnommé « Le Chat » par les Genevois. Belliqueux et ambitieux, le bouillonnant jeune homme veut en finir avec la petite République indépendante, faire de la ville rebelle la capitale de la Maison de Savoie et y passer les fêtes de Noël. Certain de son triomphe, il fait charger quelques jours auparavant depuis Turin « soixante quintaux de cire blanche destinés aux flambeaux pour éclairer la collégiale de Saint-Pierre, en compagnie de tout le clergé de Savoie. »
L’attaque est prévue « par une nuit aussi noire que d’encre », du 20 au 21 décembre, pendant le solstice d’hiver selon le calendrier grégorien. Mais, pour les Genevois, elle aura lieu pendant la nuit du 11 au 12 décembre selon le calendrier julien ! En effet, Genève, à l’instar d’autres cantons protestants, ayant refusé la réforme du calendrier décidée par le pape Grégoire XIII en 1582, préfère « être en désaccord avec le Soleil plutôt qu’en accord avec le pape ».
Fidèles à la tradition, les Genevois continuent de célébrer leur victoire pendant la nuit du 11 au 12 décembre, date pendant laquelle ils furent assiégés en 1602 ! (Le calendrier grégorien sera finalement adopté par Genève en 1701).
Les préparatifs de l’escalade
L’attaque est minutieusement préparée pendant toute l’année 1602 par le lieutenant-général du Duc, le Seigneur D’Albigny, qui viendra, en personne et discrètement, mesurer les imposantes murailles encerclant Genève, aux abords de la Corraterie. Pour les escalader, il fera la commande auprès des autorités de Turin, de trois échelles légères, mais solides, confectionnées de sapin et de chêne, mesurant chacune 6 mètres 89, démontables en cinq tronçons, peintes de brou de noix et munies à leur sommet de roulettes enrobées de tissu afin de les glisser sans bruit contre les murs, ainsi que de pointes en fer fixées à l’autre extrémité.
Pour traverser les fossés boueux de ce début d’hiver, les assaillants déposeront des fascines (claies) et s’équiperont de lanternes sourdes, éclairant seulement leurs visages.Arquebuses, marteaux, pistolets, armures, pétards et autres armes de guerre feront également partie de l’artillerie savoyarde – exposée désormais au MAH – et commandée spécialement pour cette nuit fameuse et brumeuse, qui s’avérera bien fumeuse pour Charles-Emmanuel, devant renoncer avec amertume à déguster sa dinde de Noël à Genève !
Les banquets
Un jeûne est décrété par les autorités de Genève dix jours après l’Escalade afin de « remercier Dieu pour sa miraculeuse délivrance ». S’ensuivront des repas officiels avec les blessés jusqu’en 1625, à la mort du dernier combattant. Le festin était composé de soupe au riz (ou au fromage !), d’autruche de Jussy (comprenez de la dinde !), des cardons, de la morue et du civet de lièvre. La soupe, principal repas au 17e siècle pour le commun des mortels, était constituée de légumes de saison : choux, raves, navets, poireaux, oignons. Quant aux plus chanceux, un peu de « vieille vache longuement cuite » pouvait agrémenter leur pitance ! Alors vive le bouillon de 1602, prélude à notre fameuse fondue « chinoise » pour les fêtes de Noël !
Pour en savoir plus, suivez la guide jeudi 10 décembre pour une visite nocturne. Rdv devant la fontaine de l’Escalade, en bas de la rue de la Cité à 18h. Réservation obligatoire au 079 777 07 95. Tarif 20 francs. Durée: 1 heure environ