Un titre dans le Matin Dimanche a attiré mon attention : « Hospitalisé, un dirigeant de Debiopharm œuvre pour améliorer le milieu hospitalier ». En parcourant l’article, je découvre qu’un biochimiste de 48 ans, David Deperthes, cadre dirigeant dans la pharma Debiopharm Group, chercheur de pointe et expert de la propriété intellectuelle, a été frappé par un accident vasculaire cérébral. Après plusieurs opérations, voilà maintenant six mois que cet homme, comme tant d’autres, est « condamné » à vivre, pour revivre, en milieu (in)hospitalier. Il se confie au Matin par ces termes : « Comme seul horizon entre les soins et la rééducation, des murs, le plafond, l’attente des visites de ma famille. Et la tristesse des lieux où je suis sensé me reconstruire »…
Il doit très probablement parler du CHUV à Lausanne, où il dit avoir découvert le « cinquième mur », comme il nomme ce plafond qu’un patient est contraint de contempler des semaines, des mois, voir des années durant. Mais, pour le coup, cette réflexion sur le fait qu’il faudrait également s’impliquer dans le bien-être des patients, son employeur lance une initiative avec la fondation Inartis sise à Renens : un concours annuel devrait en effet sensibiliser l’opinion publique sur cette problématique, en mobilisant créateurs, artistes, architectes, professionnels de la santé, ingénieurs, voire politiciens qui présenteraient des idées innovantes, aptes à améliorer la qualité de vie de tous les malades (les projets peuvent être adressés à challenge@debiopharm.com).
Thierry Mauvernay, coprésident et administrateur-délégué du groupe pharmaceutique basé à Lausanne s’exprime sur ce challenge dédié à améliorer le confort du patient : « Nous ne devons pas nous concentrer uniquement sur la découverte de nouveaux traitements (…), sans prendre également en compte la qualité de vie des patients ».
David Deperthes sera le président du jury de ce concours, qui en appelle à l’imagination et à l’intelligence collective, afin de rendre dignité et espoir de vivre aux malades, et permettre les séjours en milieu hospitalier plus supportables.
Je suis très content de voir que quelqu’un se (re)soucie enfin du confort moral et du bien-être physique et psychique des patients hospitalisés. Et dire qu’aux HUG à Genève, tout était pourtant en effet prévu à l’époque pour offrir aux patients des espaces de détente, de loisirs et d’activités bénéfiques qui agrémentaient le quotidien de l’hospitalisation : animations socioculturelles, concerts, spectacles, sorties-excursions et même un centre de loisirs très actif situé judicieusement dans le Pavillon Louis XVI de Beau-Séjour, magnifique annexe dans un cadre chaleureux, permettant d’offrir un « supplément d’âme » aux malades et même parfois à leurs familles et visites.
Les patients n’avaient alors pas le temps « d’admirer le plafond » de leur chambre. Durant leur séjour à l’hôpital, nombre d’entre eux fréquentaient régulièrement l’Atelier d’Animation et en ressentaient les effets positifs. C’était pour eux un peu la « récompense » d’une journée éprouvante, ponctuée par les exercices et les efforts demandés : certains disaient même qu’ils retrouvaient un lieu enfin « normal » à l’hôpital, où la « vie existe encore »… Cependant, malgré l’action bénéfique de l’animation qui a allégé la qualité de vie des malades durant plus de deux décennies, l’Atelier d’Animation a pourtant été supprimé par la Direction des HUG elle-même en été 2014 (voir mes articles à ce propos en cliquant sur le lien ci-dessous).
J’espère que la démarche de la fondation Inartis et Debiopharm pour essayer de rendre la vie des malades plus supportable portera ses fruits. Ce serait un beau projet à insérer dans les vœux et souhaits pour 2016 ! Je suis convaincu, de par mon expérience et mon travail auprès des patients durant de longues années, qu’ils doivent bénéficier également de prises en charge autres que médicamenteuses, thérapeutiques ou traditionnelles, dans la plupart des grands hôpitaux et surtout lors de la rééducation et la réhabilitation. En offrant aux personnes hospitalisées un entourage sécurisant, amical, des manifestations d’altruisme et de générosité de cœur, des valeurs offrant un peu plus d’amour à son prochain – et moins de discours traitant des « frais », des « coûts » et d’autres arguments « chiffrés »- le séjour des patients (et non des « clients » comme on les nomme souvent) pourrait en effet redevenir beaucoup plus agréable et serein.
Il vaut la peine de leur faire découvrir ou retrouver le goût aux loisirs et aux échanges sociaux, recréer des liens, retrouver des sensations plaisantes, renouer avec la vie culturelle, donner un nouveau sens à leur existence : cela faisait aussi partie des objectifs que les professionnels et les bénévoles de l’Atelier d’Animation s’employaient à développer au sein de l’hôpital, jour après jour. Dommage qu’il faut maintenant utiliser le passé pour en parler…