Accueil | Thématique | Actu | L’Exil au féminin

Partager l'article

Actu | Centre

L’Exil au féminin

© Lucien Fortunati
<
>
© Lucien Fortunati

Les hommes rament, tels des timoniers. Ces hommes sont à la barre des navires qui naviguent à vue transportant toute la Société humaine. Ces navires voguent sur les vagues
de l’existence….de l’espérance… Des capitaines au long cour, des présidents et leurs nombreux ministres, des directeurs et autres gouverneurs, des princes de sang et pas seulement, des rois aux trônes disparus, des magnats de métaux et de finances, des dictateurs permanents et ceux de passage, tous nous gouvernent et nous dirigent.

La Femme, elle, suit tant bien que mal. C’est une soumise…insoumise.

Entre-temps, des exilés désespérés, des immigrés sans espoir, des réfugiés qui entrevoient un horizon, des apatrides qui espèrent trouver une nouvelle patrie, des expulsés qui sont
humiliés, des exclus qui n’ont plus de place dans leur pays, des personnes déplacées et celles qui sont «non gratta» dans leur propre patrie, s’agglutinent aux frontières des pays
démocratiques où travaillent sans relâche et avec dévouement, des organisations et des associations humanitaires pour les accueillir, les nourrir, les habiller, les loger, les soigner et
les consoler.
A la vue de ce désastre humain, j’ai eu une forte envie de servir, d’aider et de me rendre utile.

– Vas-y, vas-y! Qu’attends-tu, avec toutes tes langues, tu pourrais nous faciliter la communication, me disait Marie-Laure, une amie très chère depuis 20 ans, bénévole dans
l’humanitaire.

Grâce à cet encouragement et conseillée par Marie-Laure, je me suis présentée au service d’accueil des immigrés, politiques ou non.
La première exilée ou immigrée qu’on m’a confiée était une femme entre deux âges, d’un physique plaisant, qui venait des Pays baltes. Trouvant une personne à qui elle pouvait se confier, elle m’a raconté son étrange histoire.
Mon récit termine là où commence le sien. Je me permets d’en reproduire quelques extraits de ce que j’ai compris et entendu.
Je vais le partager en plusieurs parties, la lecture en sera d’autant plus facile.

Ma rencontre avec Elle :
Elle est jolie, un peu potelée, paumée, désespérée
Elle a un regard un peu craintif, malicieux, espiègle, rusé
Elle est quelque peu aimable, misérable, épuisée
Elle est énergique, hésitante, voire impertinente
Elle est un peu simple, très intelligente: Elle est déconcertante

Son passé : Son père, lieutenant de l’armée rouge menait son petit ménage tel un régiment. Fille unique d’un couple mal assorti, pendant toute son enfance, Elle faisait de son mieux
pour remplacer, par amour de son lieutenant de père, ce fils qu’il n’a pas eu. La petite fille était soldat. Son quotidien se composait de discipline, d’action, d’obéissance, d’hymnes,
d’exercices, d’exécution et de salut au drapeau !

-»Gauche, droite, gauche, droite», répétait-elle en marchant autour de la table de la cuisine, au son d’une marche militaire jouée à la radio.
Un tank en plastique remplaçait sa poupée Dolly en tissu.

Elle étudiait un peu de communication, un peu de commerce, un peu d’informatique. Elle s’avérait être une élève appliquée avec des capacités intellectuelles au-dessus de la
moyenne. Malgré cette féminité cachée, dissimulée, ignorée, piétinée et refoulée, Elle se mariait avec un homme trop âgé, tyrannique, égoïste qui la faisait souffrir et qui finalement,
la brusquait et la frappait.
Un jour de printemps, il ne rentra tout simplement plus au foyer. Ses «collègues de travail» auxquels Elle s’était adressée, lui avait fait comprendre que son «homme d’affaire de mari»
ne rentrerait plus, qu’il était un «homme d’affaire» ça d’accord, mais qu’Elle ferait mieux de l’oublier ainsi que tout le reste: sa maison, son pays et de se tirer…sinon: TON FILS!!!…
Et que de toute façon, lui disaient-ils, «inutile de chercher la raison de sa disparition! La vendetta, avaient-ils ajouté en ricanant,«n’est plus d’actualité, elle n’est plus de mise! Et
puis, la justice, vous nous faites rire! Parlons-en…».

Ainsi termina l’échange verbal avec «les ex-collègues» de son mari. Elle avait compris que le monde auquel avait appartenu son mari, était celui de la Mafia!!

Elle eut froid au dos…tout en se rendant compte que son bonheur conjugal avait pris fin. C’est curieux, dehors il faisait beau. En profitant de ce beau temps et faisant mine d’aller en
promenade, Elle se dirigeait vers la gare. Sa main droite était dans la poche du pantalon beige qu’Elle aimait tant, ses doigts y serraient fébrilement les 2 passeports et quelques
billets de banque. Sa main gauche tenait celle de son fils. Le porteur n’était pas indispensable, le bagage était inexistant.
Ils débarquaient à Bâle et arrivaient à Genève: Cité Refuge.
Son présent : La routine d’exilée politique commençait: cours de français gratuits, Hospice général, Caisse de chômage, celle de maladie, location d’une chambrette au galetas qu’elle
partageait avec son fils. C’était une chambre exigüe au 6 ème étage, sans ascenseur. La logeuse était une vieille demoiselle de 90 ans qui interdisait à ses locataires d’aller aux
toilettes après 22h …! Par ailleurs, la vie de tous les jours accompagnée de misère frappait à la porte: comment se procurer l’argent nécessaire pour vivre? Femme travailleuse, énergique, elle n’était pas habituée à tout recevoir et ne tenait pas à profiter des organismes de charité. Elle voulait travailler, être utile à ce pays d’accueil!
Sans connaissance de la langue, son avenir professionnel était compromis et se résumait aux heures de ménage que d’ailleurs elle entreprenait avec beaucoup de courage, tous les soirs,
dans les bâtiments scolaires, vides.
La Fin:
Elle est toujours jolie, à ses cheveux aux reflets auburn se mêlent actuellement quelques
mèches grises
Elle est un peu grave, angoissée, égarée, fatiguée
Elle est un peu aigrie, amaigrie, dépaysée, déracinée, oubliée
Elle est courageuse, nerveuse, fragile, vidée
Elle a tout perdu Elle a tout compris Elle a tout saisi
Elle n’est pas d’ici…

Partager l'article

J'écris un article

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas affichée. Les champs obligatoires sont indiqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

J'accepte les CGU

Mot de passe oublié

Inscription