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Nicolas Raccah dit la poésie érotique à domicile

Nicolas Raccah à la bibliothèque de la Cité Nicolas Raccah à la bilbiothèque de la Cité Nicolas Raccah à la bilbiothèque de la Cité
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Nicolas Raccah à la bibliothèque de la Cité

C’est par une fin de journée printanière il y a un an que j’ai rencontré le comédien Nicolas Raccah pour la première fois. Des amis m’avaient invitée dans leur jardin pour assister à un « spectacle théâtral seul en scène ». L’idée était simple : Nicolas Raccah donnerait son spectacle dans leur jardin contre rétribution puis nous partagerions un repas composé des plats que nous aurions amenés. Ce soir-là, j’ai fait connaissance à la fois avec la poésie érotique du XVI ème siècle et avec le concept de théâtre à domicile.
Nicolas Raccah étant à nouveau de passage à Genève ce printemps, j’en ai profité pour l’interroger sur son parcours et la conception de ses spectacles.

-Nicolas Raccah, quel a été votre parcours ?
-J’ai d’abord fait une maîtrise de philosophie puis, ne souhaitant pas enseigner, j’ai tout arrêté pour me lancer dans le théâtre. Après une première école, je suis entré à L’ENSATT (Ecole Nationale Supérieure des Arts et Techniques du Théâtre) que j’ai terminée en 1999. Pendant les huit années qui ont suivi, j’ai joué dans des petites et grandes productions. Puis en 2008, j’ai vécu une deuxième grande remise en question. Le théâtre tel que je le pratiquais avait perdu son sens pour moi. J’ai donc envisagé d’arrêter mon métier. A ce moment-là, une amie photographe m’a proposé de lire des textes dans le cadre d’une exposition de photos érotiques. En faisant des recherches, j’ai découvert la poésie érotique, dans des anthologies. Cette poésie m’a passionné car la versification permet d’y maintenir distance et élégance : les choses sont dites, mais dans une langue gourmande et drôle, sans qu’on tombe jamais dans l’obscène.

-Pourquoi avoir choisi la poésie érotique du 16 ème siècle en particulier ?
-En travaillant sur ces anthologies, je me suis découvert une grande affinité avec cette époque. La langue commence à s’apparenter au français moderne tout en conservant un vocabulaire riche et truculent. Par ailleurs, ce qui me réjouit infiniment, dans ces textes, c’est la vitalité, la joie de vivre qui en émane. En effet les auteurs de cette époque ont cherché à dire le plaisir, à le mettre en mots, à lui donner corps et chair. Il s’agissait de « donner du plaisir par l’oreille ». La découverte de cette poésie m’a redonné l’envie de me mettre au service du texte.

-Quelle forme prend votre spectacle Le Petit Traité du Plaisir qui met Oubli à la Mort?
-Les poèmes sont ordonnés en une progression linéaire en cinq chapitres, du désir au plaisir. Au fil de mes tournées, j’ai ajouté entre les textes des digressions historiques qui expliquent comment un tel degré de liberté dans l’écriture a été rendu possible à l’époque. Ce qui fait qu’aujourd’hui, le spectacle a atteint en quelque sorte sa maturité et dure une heure vingt. En même temps que je dis ces textes, je raconte la liberté érotique de cette époque, mais aussi la rapide disparition de cette liberté après le Concile de Trente. Ce Concile a débouché à la fois sur les guerres de religion et sur une culpabilisation des plaisirs. Dès ses débuts, le spectacle a été joué dans des appartements, suivi d’un repas partagé. Ce théâtre de proximité m’a permis de retrouver à la fois le plaisir du texte et celui du partage induit par l’intimité de la représentation à domicile. Par la suite, grâce au bouche-à- oreille, des institutions comme des bibliothèques et des écoles m’ont demandé de présenter mon spectacle dans leurs murs.

-Et votre second spectacle ?
-Le second spectacle, Les Silencieuses (récit d’un voyage), tire son origine d’une remarque d’une spectatrice du Petit Traité, désappointée qu’il n’y ait que des textes d’hommes, un fait que je n’avais pas remarqué jusque-là. En 2013, j’ai rencontré la metteuse en scène Frédérique Aït-Touati qui s’est dite intéressée à monter avec moi un projet autour de la littérature érotique féminine de la Renaissance. Au fil de nos recherches, il nous est apparu que cette littérature était quasiment inexistante. Par contre nous avons trouvé une masse énorme de textes, de l’Antiquité à nos jours, qui interdisaient aux femmes d’exprimer leurs désirs et leurs plaisirs érotiques. A cet égard, les manuels d’éducation à destination des jeunes filles sont particulièrement édifiants. C’est donc à la fois de la parole libre des hommes et de celle bâillonnée des femmes, que parle ce second spectacle, Les Silencieuses. J’y parle à la première personne et je raconte comment ma découverte de l’ampleur de la misogynie dans notre histoire occidentale a bouleversé toute ma vision du monde, en tant qu’homme. En France plusieurs Délégations départementales aux droits des femmes ont déjà programmé le spectacle.

-Vos spectacles sont-ils réservés à certains publics ?
– Du fait de leurs thématiques, les deux spectacles sont ouverts aux publics adultes. Ce qui ne m’empêche pas de les présenter régulièrement dans des écoles à des jeunes de 16/18 ans ainsi que dans des EMS. Avec les jeunes, le défi est de leur permettre d’apprivoiser la langue et d’éveiller en eux le plaisir de la parole, le goût de l’imaginaire par les mots ; ceci alors qu’ils vivent dans un monde pétri d’images, parfois très trash. En EMS, j’ai eu cette très jolie rencontre avec une vieille dame qui m’a dit en souriant qu’en une heure, elle avait plus entendu parler de sexe que dans toute son existence passée.

http://compagnie-fataleaubaine.com

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Photo du profil de Anne Pastori Pastori
Anne est aux premières loges pour assister au développement fulgurant de sa commune de Plan-les-Ouates. Elle s’intéresse particulièrement à «ce mélange fascinant entre la campagne et l’évolution urbaine qui fait apparaître de nouvelles problématiques.» Experte en communication et réseaux sociaux, passionnée par le graphisme, elle réside et participe à la vie publique de Plan-les-Ouates depuis près de quinze ans.

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