La Fondation Clair Bois s’occupe de personnes en situation de poly-handicap. Elle dispose de cinq foyers ayant chacun sa spécificité. Chambésy pour les enfants, Lancy pour les adolescents, La Gradelle, Pinchat et les Minoteries pour les adultes. Le directeur général, Pierre Coucourde m’a reçu pour me présenter sa formidable Fondation. S’occuper de polyhandicapés, leur permettre le développement le meilleur possible requiert un personnel très compétent et doué d’une patience au-dessus de la moyenne. Chaque personne en situation de handicap a un programme personnalisé, auquel sa famille est associée. Une partie des personnes à motricité très réduite sont résidents des lieux pour adultes. D’autres ont leur propre logement, le plus souvent à proximité, ou habitent dans leur famille. Les plus en forme sont engagés en emploi aménagé par l’institution.
Deux restaurants, Clair de Lune à Pinchat et Clair d’Arve aux Minoteries offrent des repas savoureux à leurs résidents et au public. Ils sont gérés par Jérémy Fauchère. C’est aux Minoteries, où je mange deux fois par mois que j’ai fait la connaissance des adultes qui m’ont autorisé à parler d’eux, de leur job et surtout de leurs activités sportives, une grande source de motivation pour leur développement.
C’est là que j’ai obtenu confirmation du fait que handicap ne veut pas dire mise à l’écart. Le sourire, la bonne humeur, la volonté de bien faire, la gentillesse sont les premiers signes qui vous assurent que vous êtes le bienvenu en vous asseyant dans la salle bien décorée du restaurant. Alexis arrive, d’abord un peu timide, il vous demande du regard, presque sans vous parler, ce que vous désirez. Avant Noël, il a la consigne de vous proposer de commander du foie gras pour les fêtes, ce qui est une tâche difficile. Il prend note avec minutie de votre souhait. Comme j’ai renoncé depuis un certain temps au foie gras, il s’étonne, hésite un instant, puis me propose le plat du jour, inscrit à la craie sur le tableau noir, juste à côté. Si la prise de commande se complique, Corinne Juriens, la cheffe de rang s’approche pour donner un coup de main. Alors que je suis occupé à déguster l’excellent repas concocté par l’équipe de cuisine, Alexis me demande deux ou trois fois si « tout se passe bien ? », toujours avec un grand sourire.
Un autre jour, c’est Gianni qui effectue les mêmes tâches. Lui n’est pas si timide et prend la commande rapidement. Il l’apporte avec agilité puis, parfois, s’excuse : « Oh pardon, j’aurais dû donner l’assiette à Madame avant celle à Monsieur ! » Ben oui, on se doit d’appliquer les règles de l’usage. On n’est pas à l’Ecole Hôtelière, mais le métier, c’est le métier ! Corinne, de près ou de loin, observe la scène d’un Å“il bienveillant. Tout roule ! Je ne résiste pas à recommander à tous les futurs clients de terminer leur repas avec un « café gourmand », c’est un pur délice !
Voici quelques jours, avant leur service, j’ai dialogué un moment avec ces messieurs. Je me fais un plaisir de rapporter une partie de nos conversations.
РGianni, je me suis laiss̩ dire que vous ̩tiez du genre sportif ?
– Oui, je fais beaucoup de sport. Depuis longtemps je fais du foot. Je joue avec l’équipe des Schtroumpfs, je suis ailier gauche. J’ai participé plusieurs fois au Tournoi de Pentecôte, où il y avait plusieurs équipes de Suisse et de l’étranger.
– Et vous faites d’autres sports ?
– Bien sûr, je vais chaque semaine au fitness et je joue au tennis !
– Super !? J’ai entendu dire que tu avais gagné des médailles, où et dans quel sport ?
– Oui j’ai été aux Wintergames à Villars à fin janvier. J’ai fait 3e en géant et 8e en slalom. Mais j’avais encore fait mieux en 2017 en Autriche ! 1er en géant et 2e en slalom ! Je peux te montrer la photo !
-.. Magnifique ! Oui elle est très belle ! Merci Gianni, c’est très sympa de me faire confiance et de m’avoir raconté tout ça !
– Quoi, c’est tout, c’est fini ? Mais j’ai encore plein de choses à dire…
– D’accord, je comprends, mais tu sais, dans le journal, je ne peux pas placer un article trop long, on discutera tous les deux une autre fois !
– Bonjour Alexis ! Toi aussi tu fais du sport ?
– Ben oui, j’étais aussi à Villars, pour les concours de ski !
РTu as obtenu de bons r̩sultats ?
– Bien sûr, j’ai gagné une médaille en géant catégorie moyens !
– Bravo ! Et dis-moi, qu’est-ce que tu pratiques comme autres sports ?
– Et puis, tu sais, la semaine passée, je suis allé à Thyon-les Collons, et j’ai descendu la piste de l’Ours ! C’était super bien !
– Je te crois, j’y suis allé moi aussi !
– Bon, c’est pas tout, il faut que je retourne à ma place de travail, aujourd’hui, c’est mon tour de faire la vaisselle !
– Dommage, j’aime bien quand c’est toi qui sert à ma table !
Sur ce, Alexis me laisse là , mais pas las du tout !
Il y a de la vie à Clair Bois. Du boulot, de la joie, de l’enthousiasme, des marques de courage, des efforts remarquables afin de conquérir de haute lutte la satisfaction de toujours faire de son mieux.
Il se peut qu’un prochain article décrive le travail d’autres personnes en situation de handicap. Des gens remarquables qui développent leur personnalité dans des registres très différents.
