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La poste veut fermer le bureau de Perly-Certoux

La Poste de Perly. Photo: Huguette Junod
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La Poste de Perly. Photo: Huguette Junod

Il était une fois… un service public. Je me souviens d’un film qu’on nous avait passé en classe, il montrait le parcours d’une lettre, envoyée d’une ville et qui, après bien des pérégrinations, parvenait à une vieille montagnarde, aux confins du pays. La poste était présentée comme un magnifique service donné à la population. Mon grand-père paternel, chez qui je passais toutes mes vacances à Neuchâtel, avait voué sa vie à la poste. Il me parlait avec enthousiasme des « ambulants », le tri qui se faisait dans des wagons postaux, et il était capable de me réciter le nom des gares de toute la Suisse. Puis il travailla dans les bureaux, jusqu’à sa retraite. Pour lui, le service public touchait au sacré. Il m’expliquait que la poste était déficitaire, ce qui, visiblement, lui faisait de la peine, mais que c’était compensé par les bénéfices de la téléphonie. Les PTT (postes, téléphones, télégraphes) était donc bénéficiaires.
Ce bel équilibre fut malheureusement anéanti en 1998, lors de la division des PTT en deux entreprises : la Poste et Swisscom. On exigea de la Poste de devenir rentable, c’est ainsi qu’on vit apparaître, dans les bureaux, des présentoirs remplis de marchandises. Non seulement des enveloppes, étiquettes, stylos, du papier collant, mais aussi des livres, des portefeuilles, des jouets, du chocolat, des bonbons… En plus, le « géant jaune » perdait du poids. Dans les 15 dernières années, le pays a vu la fermeture de plus de 1000 bureaux de poste : de 3383 en 2000, ils sont passés à 2222 en 2014, selon les chiffres de l’Union postale universelle.
Et dans de nombreuses localités, le service qui était fourni au guichet traditionnel a été passé en sous-traitance à ce qu’on nomme des « agences postales », de petits commerces qui offrent certaines prestations postales. Cela coûte beaucoup moins cher. Pas besoin d’une infrastructure spécifique, parce que ces agences se trouvent généralement dans les supermarchés, les stations-service ou des endroits similaires. On économise sur le personnel, et de plus, on se place là où sont les clients.
La cause de cette évolution ? La forte diminution du chiffre d’affaires des opérations au guichet. Depuis 2000, elle a été de72 3% pour les lettres, 37% pour les colis et 50% pour le trafic des paiement.
La messagerie électronique, la concurrence des opérateurs privés (le secteur des colis est entièrement libéralisé depuis 2004 et la Poste n’a plus de monopole que pour les lettres de moins de 50 grammes) et l’usage de plus en plus fréquent d’Internet pour les paiements ont signé et signeront encore l’arrêt de mort de nombreux bureaux de poste périphériques, qui ne sont simplement plus rentables.
Le phénomène se retrouve pratiquement dans toute l’Europe. Mis à part en Allemagne, qui représente un cas un peu particulier, entre 2000 et 2014, le nombre d’offices postaux a diminué globalement de près de 15%. En Suisse, la baisse a été de 34%, ce qui place le pays dans le peloton de queue – ou de tête, selon le point de vue qu’on adopte.
En été 2017, la Poste annonçait que 12 bureaux de postes menacés de fermeture : Anières, Avully, La Croix-de-Rozon, Bellevue, Chêne-Bougeries, Genève 11 Stand, Genève 17 Malagnou, Genève 5 Dépôt, Meinier, Châtelaine, Veyrier, Perly. Je n’en croyais pas mes oreilles. Comme la commune de Perly-Certoux compte plus de 3000 habitant-e-s, je pensais que notre bureau de poste était à l’abri. Surtout qu’on prévoit 2000 habitant-e-s de plus en direction de Saint-Julien et que dans quelques années, le terrain des Cherpines, entre Perly et Plan-les-Ouates, verra s’ériger 4000 logements. La commune sera au cÅ“ur d’une population de 15’000 habitant-e-s. Il paraît donc absurde, dans ces conditions, de vouloir fermer la poste. J’habite Perly depuis 1979, je n’ai jamais vu le bureau vide, même en été. Les 5 places de parc, derrière, sont presque toujours occupées.
J’ai d’ailleurs écrit une lettre recommandée, le 25.2.20, à Simonetta Sommaruga, en insistant sur l’aspect « service public », avec copie à la mairie de Perly-Certoux et à la direction de la Poste, pour relever l’absurdité de ce projet. A ma grande surprise, j’ai reçu une lettre circonstanciée de la Présidente de la Confédération, sur beau papier, datée du 3 mars, un accusé de réception de la communication de la Poste daté du 2 mars, suivi d’une lettre circonstanciée du 10 mars, signée Thomas Baur, membre de la Direction de la Poste, responsable RéseauPostal. Wouaouh ! On m’a prise au sérieux… Mais après avoir affirmé que « la Poste Suisse est tenue d’assurer dans tout le pays un service universel de qualité par la fourniture de services postaux et de services de paiement », Simonetta Sommaruga indique que « le Conseil fédéral n’exerce en principe aucune influence sur les affaires opérationnelles de la Poste » et que « les décisions concernant la fermeture d’offices sont du ressort de la Poste ». Ça vaut bien la peine d’en être l’actionnaire unique ! Quant à la Poste, si elle relève une seule fois en une page et demie que « la Poste n’est pas une entreprise normale, puisqu’elle remplit un mandat politique, sous la forme notamment de service universel » (tout de même !), elle ne parle que de rendement, avant de conclure que celui de Perly-Certoux n’est pas satisfaisant. Fermez le ban ! La notion de « service public » ne fait visiblement plus partie du système de pensée des décideurs. Les habitant-e-s de la commune auront probablement droit à une filiale en partenariat. Quel bonheur ! Le responsable RéseauPostal semble particulièrement fier du « titre de « meilleure poste du monde, obtenu depuis trois ans, une distinction de l’Union postale universelle ». Ah bon, qu’est-ce que cela doit être ailleurs ! Personnellement, je trouve qu’on paie de plus en plus cher pour des prestations de moins en moins bonnes. Et voilà que la Poste se fait hara-kiri.
Mon grand-père doit se retourner dans sa tombe !
Huguette Junod

5800 caractères

1849 : Création de la poste fédérale
1857 : 1ers wagons postaux
1874 : Fondation de l’Union postale universelle à Berne
1903 : 1ers transports postaux par véhicules motorisés
1906 : Introduction du chèque postal
1913 : 1er transport postal aérien
1920 : Création des PTT regroupant, sous une seule direction, la poste, la téléphonie et la télégraphie
1928 : 1re communication téléphonique vers l’Amérique
1939 : Habillement des boîtes aux lettres et des automates à timbres en jaune.
1951 : 1re concession de télévision
1961 : Dernière tournée à cheval à Avers (Grisons)
1964 : Introduction des numéros postaux d’acheminement
1978 : 1er Postomat et introduction du Natel, 1er téléphone mobile en Suiss
1989 : Introduction des intérêts pour les comptes postaux
1998: Division des PTT en deux entreprises : La Poste et Swisscom
2013 : La Poste Suisse devient La Poste Suisse SA après son inscription au registre du commerce

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Photo du profil de Huguette
Huguette Junod s’intéresse très tôt à l’écriture. À douze ans, elle gagne un concours radiophonique pour adultes ; dès l’âge de treize ans, elle publie des contes puis des articles dans différents journaux. Pendant 33 ans, elle est professeure de français à l’école secondaire genevoise, où elle fait connaître la littérature romande. Parallèlement, elle anime des ateliers d’écriture et organise des manifestations culturelles. En 1987, elle fonde les Editions des Sables. Elle a touché à tous les domaines : le journalisme, la chanson, le théâtre, la publicité, la poésie, le récit, la fiction, l’essai, et publié une vingtaine d’ouvrages. Huguette Junod a obtenu le Prix des Écrivains genevois en 1986 pour le récit Ceci n’est pas un livre et en 2008 pour le poème Le Choix de Médée. Depuis janvier 2013, elle écrit chaque semaine une chronique féministe dans « Gauchebdo ».

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