Les résistantes du Cimetière des Rois

A la tombée de la nuit du 9 décembre, pour la première fois j’ai assisté à un ensevelissement au cimetière des Rois, où sont enterrées les personnalités qui ont contribué au rayonnement de Genève.
Noëlla Rouget, résistante et déportée française ayant vécu 75 ans à Genève après son mariage, a été portée en terre avec les honneurs français et genevois, signifiés par les grandes couronnes enrubannées de bleu, blanc, rouge et de jaune et rouge. Sinon, le rite de l’ensevelissement suivait la tradition catholique, devant un petit public. La cérémonie d’adieu avait eu lieu auparavant dans sa paroisse.
La Tribune de Genève a déjà plusieurs fois écrit sur Noëlla Rouget, exemple de courage, de grandeur et de générosité. Sa biographie est parue ce printemps, pour son centième anniversaire : « Noëlla Rouget, la déportée qui a fait gracier son bourreau » par Brigitte Exchaquet-Monnier et Eric Monnier, Tallandier, 2020. Le même couple d’historiens avait publié en 2013 « Retour à la vie, l’accueil en Suisse romande d’anciennes déportées de la Résistance (1945-1947) ». Ils ont recensé neuf maisons d’accueil dans les cantons de Vaud et du Valais, où les jeunes femmes rescapées des camps de concentration venaient se « refaire une santé », durant quelques mois. Les témoignages et les photos témoignent d’une joie de vivre qui revient peu à peu, grâce à des soins bienveillants. Il est bon de lire cet ouvrage, alors que le récent téléfilm « Le prix de la paix » de Petra Volpe (à voir sur Play Suisse) relate l’expérience cruelle de jeunes gens juifs, maltraités et humiliés par la Croix-Rouge suisse. Brigitte Exchaquet est la fille du médecin qui soignait les jeunes femmes accueillies à Château d’Oex, dans le chalet Gumfluh. Noëlla Rouget, rescapée de Ravensbrück y resta trois mois, reprit vie et rencontra son mari à un bal villageois. André Rouget qui devint ensuite un pacifiste notoire, faisait alors son service militaire dans la région… Un homme magnifique, animateur du Service civil international en Suisse.
Noëlla Rouget repose non loin d’une autre résistante, Aimée Stitelmann, qui toute jeune fit passer clandestinement la frontière à des enfants juifs et à des résistants pour les mettre en sécurité en Suisse, entre autres par le petit train Annemasse-Genève. Activité dangereuse et illégale qui fut sanctionnée par un séjour de 18 jours dans les prisons genevoises… Aimée a cependant pu poursuivre une carrière dans l’enseignement primaire et auprès des enfants cachés de l’immigration. Ce n’est qu’en 2004, peu avant sa mort, que la Confédération l’a réhabilitée et que le Canton de Genève lui a rendu hommage : la tombe au Cimetière des Rois et une Ecole de Commerce à son nom.
Noëlla est enterrée près d’une Geneviève née en 1920, non pas sa grande amie Geneviève, la nièce du Général de Gaulle, mais Geneviève Peyrot vraisemblablement l’épouse du Conseiller d’Etat François Peyrot… Ce qui m’intrigue et ce que je cherche à comprendre, c’est l’inscription « demoiselle de Gaulle », inscrite avec des guillemets dans le marbre. Vraisemblablement une référence à un engagement dans la Résistance… Qui pourrait nous renseigner ? Rien trouvé sur internet.
En tout cas deux, peut-être trois, femmes héroïnes de la Résistance contre le régime nazi reposent dans ce cimetière. Les dernières héroïnes et héros de ces temps d’horreur viennent de mourir. Qui viendra alors expliquer aux collégiens les horreurs de l’humanité et leur insuffler l’esprit de résistance ? Qui leur apprendra à jurer « Jamais plus ! » ? Il faut désormais lire les témoignages.