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© Maryelle Budry
Depuis août 19, le boulevard Saint-Georges a été rebaptisé « Boulevard Grisélidis Réal ». Une belle plaque rose a été installée par la Ville (Agenda21), à l’angle de la rue des Bains, grâce au travail du collectif féministe L’Escouade. Cette équipe de chercheuses en histoire a attiré l’attention sur une discrimination criante : le peu de rues dédiées à des femmes à Genève, 41 contre 548 à des hommes, du 8 %. Les historiennes ont présenté les biographies de 100 femmes et le projet s’est matérialisé en 2019. Cent plaques ont été apposées dans la ville, portant des noms de femmes décédées qui ont marqué l’histoire de Genève. Des motions politiques ont activé la prise de conscience. Un livre vient de paraître chez Georg : « 100 Elles* Pour une féminisation de la mémoire collective genevoise ».
Grisélidis Réal n’a pas habité la Jonction, mais c’est ce quartier anciennement ouvrier qui a été choisi pour afficher les noms de femmes ouvrières et travailleuses. Grisélidis Réal a milité pour que les travailleuses du sexe soient reconnues et respectées, de plus elle est enterrée au Cimetière des Rois (et des Reines). Le choix encore inofficiel est donc parfait. Mais son inhumation dans ce Panthéon genevois en 2009, puis le choix d’une stèle rappelant un peu trop le sexe féminin avaient scandalisé et provoqué des cabales. Au grand plaisir de la défunte qui avait écrit avant de mourir : « Que ma tombe provoque un petit peu de scandale (… ) que les gens viennent en disant : « Vraiment, cette bonne femme, elle mérite qu’on arrose sa tombe de foutre »â€¦
Elle peut continuer à joyeusement se retourner dans sa tombe, car tout récemment, un débat au Conseil municipal a encore scandalisé certain-e-s : « Inopportun ! Déplacé ! ». Une motion déposée en 2020 demandait à la Ville qu’une rue emblématique soit dédiée à Grisélidis Réal et que son inauguration soit l’occasion d’une fête… Le Grand-Conseil a de toutes façons déjà décidé que cette année dix noms de femmes seraient attribués officiellement à dix rues. Quelle rue pour Grisélidis Réal ? La commission de nomenclature avait proposé la rue Jean-Violette, modeste ruelle de Plainpalais. Tollé ! Jean-Violette est un délicieux poète au nom attendrissant, les résident-e-s s’opposent farouchement. Boulevard Saint-Georges ? Les historiens vont crier qu’on oublie la Genève moyenâgeuse ! Paule Mangeat, auteure de « Côté Rue » (Cousu Mouche, 2017), un recueil de nouvelles tendres sur le milieu de la prostitution, propose au Conseil municipal évidemment une rue aux Pâquis.
Pendant que les Genevois s’étripent sur l’écrivaine, peintre et prostituée, à la fois célébrée officiellement et honnie, une rue de la Vieille-Ville de Berne lui offre l’hospitalité ! Pour les 50 ans du droit de vote des femmes, une exposition de portraits de femmes de tous les cantons se déploie jusqu’à fin juin. Chaque canton a dû choisir les quelques femmes les plus marquantes. Voir www.hommage2021.ch . Grisélidis figure parmi les sept Genevoises choisies pour représenter Genève ! Je vais aller à Berne un beau jour et observer les réactions des Bernois-es.
