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«Il faut sauver notre figuier!»

«Il faut sauver notre figuier!»

Un collectif d’habitants de l’avenue De-Luserna se bat contre l’arrachage de l’arbre et la destruction du petit immeuble voisin. Les autorités pourraient leur donner raison.

En attendant la seconde récolte de saison, quelques figues s’écrasent sur le béton de l’avenue De-Luserna. Les fruits du mois d’août ont été spectaculaires, plus gros que des citrons. Ils ont parfumé les plats orientaux que concocte Salam Twal, gérante du restaurant tapi sous les branches charnues du figuier.

Difficile de savoir exactement quand et pourquoi l’arbre fruitier a pris racine sur ce trottoir. «Un homme s’est arrêté un jour pour me dire qu’il avait participé à sa plantation il y a soixante ans de cela», indique la restauratrice d’origine jordanienne. En revanche, une date est bien connue: en mars 2014, elle devra partir pour permettre la destruction du petit immeuble construit en 1925 et l’arrachage du figuier. A leur place, à ce croisement des quartiers de la Servette et de Vieusseux, devrait s’élever un nouveau bâtiment commercial de deux étages.

Un seul arbre vous manque, et…

Il y a trois ans, Salam Twal recevait un avis d’expulsion. Dès lors, à mesure que l’échéance approche, la femme remue ciel et terre, alerte le voisinage, les clients. Une pétition a été lancée durant l’été et le cap du millier de signatures est franchi. «Depuis cinq ans, j’ai travaillé comme une damnée pour ce restaurant. Maintenant que je commence à m’en sortir, on me demande de partir», s’époumone la femme au caractère bien trempé. La préservation du lieu serait-elle une simple question commerciale et personnelle? Pas vraiment. Car les habitants de l’avenue De-Luserna ont empoigné le dossier afin de sauver l’arbre et son petit immeuble contigu. «Cet endroit a revitalisé la vie du quartier précisément quand la situation commençait à péjorer, milite Isabelle, voisine directe de l’arbre et du restaurant. Ici, on a retrouvé les «bonjour» qui manquaient entre voisins.»

Ainsi, elle a directement écrit à François Longchamp, conseiller d’Etat en charge de l’Urbanisme, et à Rémy Pagani, conseiller administratif en Ville de Genève responsable des Constructions et de l’Aménagement. «Avec ces transformations, nous craignons une réelle perte de la qualité de vie», dit-elle en décrivant les derniers bouleversements de son quartier. Car à quelques dizaines de mètres de là, cinq nouveaux immeubles ont contribué à davantage densifier les rues qui enveloppent le figuier. Quant à la petite zone villas voisine, elle sent à son tour peser la menace de la densification.

Un préavis qui change tout

Raphael est architecte et fait partie des soutiens au figuier. Il a grandi dans un appartement dont la fenêtre donnait précisément sur l’arbre. «Détruire ce petit bâtiment est une hérésie. Regardez ces moulures crénelées, dit-il en indiquant les ornements de la bâtisse. Elles sont d’époque et on les retrouve dans les appartements de l’immeuble voisin.»

Son regard d’expert se révèle précieux pour mener la lutte. A ce titre, il vient d’apporter une nouvelle réjouissante. Tandis que la Commission des monuments, de la nature et des sites (SCA) s’était dite favorable au projet de nouvel immeuble en 2012, celle-ci a changé son fusil d’épaule durant l’été en préavisant négativement la destruction du bâtiment. Ceci au nom de «l’unité architecturale» stipulée dans l’article 89 de la Loi sur les constructions et les installations diverses (LCI). «Tu mérites au moins une bise», lance, enthousiaste, Salam Twal à l’architecte du quartier.

Car la nouvelle pourrait constituer une première étape dans le sauvetage de l’arbre et de son immeuble. Alors peut-être, l’odeur de figue continuera de parfumer l’avenue de De-Luserna.


Les Genevois et leurs arbres

A chaque annonce d’arrachage, les Genevois réagissent avec les tripes. Ainsi, une escorte policière a été nécessaire pour protéger les bûcherons venus faire leur travail en 1971 aux Minoteries.

Plus récemment, l’abattage d’arbres pour faire place au CEVA soulevait la colère de manifestants en 2011.

Le marché de Carouge a lui aussi vécu un psychodrame lorsque ses platanes ont dû être abattus pour cause de maladie au mois de janvier 2013.

Avant l’été, 160 arbres de la plaine de Plainpalais ont été sauvés par le Conseil municipal de la Ville au terme de débats passionnés. Pour éviter un référendum, la Ville souhaite les déplacer provisoirement.

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Passionné par l’info au coin de la rue, j'ai commencé à écrire dans ma commune de Vernier.
En parallèle, un site Internet consacré au foot des talus, des études et expériences dans le journalisme local ainsi que de longs voyages à vélo ont tracé mon parcours.

6 commentaires

  1. Je ne connais pas le figuier mais j’espère que celui-ci a été sauvé et que Salam peut continuer à servir joyeusement les clients.
    J’aimerais savoir ce qu’il est advenu de cet avis d’expulsion. Merci

    Répondre
  2. Bravo pour votre lutte. l’esperience qui s’en degage est celui de la preservation de la qualite de la vie et de la non repetition des erreurs urbanistiques des annees 60.

    Répondre

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