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Périphérie

«Je n’échangerais ma place pour rien au monde»

Anne-Marie Baciocchi. © Pierre Abensur

Lorsqu’on la voit pour la première fois, on l’imaginerait bien hôtesse de l’air ou peut-être esthéticienne. Et pourtant, c’est au volant d’un camion-poubelle qu’Anne-Marie Baciocchi passe une bonne partie de ses journées, puisqu’elle est l’une des rares femmes à exercer cette profession à Genève. En réalité, elles sont uniquement deux dans tout le canton à conduire ce type de véhicule. Et les deux travaillent dans la même entreprise, chez Baciocchi Transports, à Chêne-Bourg.

Comme son nom le laisse entendre, son arrivée dans la société n’est pas due à un hasard. C’est son mari, Serge, l’un des deux patrons de l’entreprise familiale, qui lui suggère de passer son permis poids lourd avant que la législation ne se durcisse. Sans forcément imaginer que sa femme deviendrait alors chauffeur dans son entreprise…

L’apprentissage commence par des cours théoriques. Une étape difficile pour Anne-Marie Baciocchi: «Ce fut très compliqué, se souvient-elle. Il s’agissait principalement de notions mécaniques, je n’y comprenais rien. C’était terrible, je pensais ne jamais y arriver.»

Grâce à un travail acharné, elle réussit du premier coup l’examen théorique et se retrouve rapidement sur la route au volant d’un camion de 16 tonnes. Elle se rappelle avec amusement de son premier «cours», accompagnée de son mari, et de la panique qui l’a envahie lorsqu’elle s’est retrouvée sur une route étroite à Vandoeuvres. «Je l’ai fait pleurer plusieurs fois», rigole Serge Baciocchi. «J’ai eu peur, enchaîne sa femme. Et je lui en ai voulu. Serge avait bien plus confiance en moi que j’en avais en moi-même.» Après de longs mois de pratique, elle finit toutefois par passer son permis lors de son 2e essai, en août 2011.

Surprise et amusement

Son entrée dans l’entreprise Baciocchi Transports se fait tout naturellement. A force de donner des coups de main pour dépanner, elle finit par obtenir un poste fixe. «Je voulais recommencer à travailler, raconte Anne-Marie Baciocchi qui avait stoppé sa carrière d’employée de banque à la naissance de sa première fille. Mes enfants étant devenus grands, c’était une opportunité parfaite.» Passer d’employée de commerce à chauffeur poids lourd, la reconversion est assez atypique! «J’ai commencé par travailler au bureau de l’entreprise, je m’occupais de l’administratif, poursuit-elle. Et ça ne me plaisait pas du tout!» Elle n’hésite pas à affirmer préférer sa place derrière le volant. «Je n’échangerais ma place pour rien au monde», s’exclame-t-elle.

Bien que cela fasse maintenant quatre ans qu’Anne-Marie Baciocchi conduise les camions poubelles sur les communes de Thônex et Chêne-Bourg et qu’elle maîtrise son engin à la perfection, elle constate encore aujourd’hui être traitée différemment que ses collègues masculins. «Chaque semaine, il y a des personnes qui, surprises et amusées, s’arrêtent pour me féliciter, s’amuse-t-elle. Je me rends bien compte que je n’ai pas le physique de l’emploi.» Pourtant, elle n’a pas l’impression d’avoir plus de mérite qu’un autre chauffeur. «Je fais mon métier du mieux que je peux, comme n’importe quel homme le fait.»

Une histoire de famille

Elle a toutefois le sentiment de prendre plus de temps lors de ses tournées que les autres chauffeurs masculins de l’entreprise. Sans que cela ne la perturbe outre mesure. «Ca me paraît normal. Mon apprentissage a été plus long parce que j’ai appris plus tard que la plupart des autres chauffeurs. Lors de mes premières tournées, les chargeurs derrière mon camion s’impatientaient parce que je ne démarre jamais si je ne suis pas certaine qu’ils sont en sécurité. Mais ils s’y sont fait», rigole-t-elle. Son fils Ezio se trouve d’ailleurs régulièrement à l’arrière de son camion et s’est habitué à la préoccupation de sa maman concernant la sécurité en générale, que ce soit celle de ses chargeurs ou celle des autres usagers de la route.

Il y a une année, elle a également eu sa fille Julia, à l’époque âgée de 20 ans, comme chargeuse. Car chez Baciocchi Transports, les poubelles ne sont pas qu’une histoire de travail, mais bien une affaire familiale avant tout. «Travailler en famille est une grande satisfaction personnelle», relève-t-elle. Dès qu’elle en a l’occasion, elle n’hésite pas à descendre de sa cabine pour aider son fils à charger les containers. «Ce sont des moments très privilégiés. Ils ne durent peut-être que trois minutes, mais ce sont trois minutes que je passe seule avec lui.» C’est aussi son beau-frère et son neveu qu’elle côtoie quotidiennement. En distinguant parfaitement la relation professionnelle de la relation familiale. «Au travail, Serge porte la casquette de patron, c’est lui qui décide et c’est bien normal puisque cela fait plus de 20 ans qu’il exerce là-dedans.» Avant de conclure, en éclatant de rire: «Mais quand on rentre à la maison, c’est moi qui commande!»

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