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Itinéraire d’un grain de café

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Quand on imagine une torréfaction, on a pour image de gros moulins et des odeurs qui vous envahissent… mais dans le milieu industriel, la poésie reste dans les livres.

C’est ainsi que je me suis retrouvée dans la zone industrielle de Satigny au milieu de tous ces bâtiments industriels sans aucune poésie…

C’est dans les locaux de la société de café Carasso que l’Académie du Café a planté son décor.

Ennio Cantergiani, Maître Torréfacteur et Maître Barista a créé l’Académie du Café en 2012.

Après une carrière dans l’industrie, il a eu envie de transmettre son savoir.

Ce « puits de connaissance » a accepté de me recevoir et partager sa passion.

Comment est livré le café ?

Ennio Cantergiani : « Les cafés dans les sacs de jute doivent eux aussi avoir de l’attention. Un café qui reste trop longtemps dans des sacs (dans l’année de récolte) peut prendre le gout du sac de jute.
Certains anciens torréfacteurs aiment laisser vieillir ainsi pour satisfaire une clientèle. Le goût est un peu acide.
Aujourd’hui, la clientèle aime un café frais et fruité. L’évolution se fait comme dans tout. Depuis ces 5 dernières années, le virage est pris dans ce que proposent la majorité des torréfacteurs.
Les micros-torréfacteurs ont tendance à proposer cette nouvelle vague de cafés.
La nouvelle récolte est torréfiée de manière plus claire pour donner une gamme aromatique. Cela nous différencie des cafés de nos parents et grands-parents.

Le blue mountains de Jamaïque a longtemps été considéré comme le meilleur café du monde. Il est livré en tonneau de bois et dans des sacs plastique pour le protéger de l’humidité ou d’éventuels parasites. Ce grain vert absorbe les odeurs ou sèche avec le voyage. Ainsi, il nous arrive dans de bonnes conditions ».

Quelle est la taille des caféiers ?
Ennio Cantergiani : « Dans les plantations, les arbres sont taillés à deux mètres pour faciliter les récoltes mais les caféiers sauvages comme on en trouve encore dans les forêts de caféiers en Ethiopie, peuvent atteindre 15 mètres ».

Quand on parle de torréfaction, qu’est-ce-que c’est ?

Ennio Cantergiani : « C’est une cuisson. La cuisson du grain de café.
Le café provient d’un fruit qu’on appelle la cerise du café. En gros, nous récoltons le noyau de cette cerise. A l’intérieur ce cette cerise, il y a deux grains. Ces deux grains suivent un procédé dans les pays de séchage (leur pays d’origine) et arrivent chez nous principalement dans des sacs de jute. Le café de Jamaïque (blue mountains) lui arrive des tonneaux en bois ».

Comment devient-on torréfacteur ?
Ennio Cantergiani : « Au niveau industriel, la majorité sont issus de la boulangerie ou la pâtisserie car ils ont les notions de cuisson et de produits secs.
Dans les industries, ce sont surtout des opérateurs de productions.

La formation d’un vrai torréfacteur prend du temps car il faut tout d’abord connaître toutes les variétés de cafés et leurs provenances. On peut estimer à deux ans pour la première phase et ensuite comme dans tous les métiers une remise en question perpétuelle. A cela s’ajoute la formation d’analyse sensorielle pour repérer les goûts des cafés ».

Comment fait-on ressortir l’arôme d’un grain de café ?
Ennio Cantergiani : « Le grain va réagir à la cuisson et cela va révéler des arômes et générer des saveurs ».

Comment se passe une torréfaction ?
Ennio Cantergiani : « Une fois chargé dans la machine, le café commence à se torréfier selon nos souhaits à 180/200 degrés.
Tout d’abord la température du tambour va baisser car nous passons d’un grain froid à un tambour chaud.
Lorsque nous arrivons à un équilibre de chaleur entre le grain et le tambour, le process de torréfaction réelle débute.
La torréfaction se passe en trois étapes.

1. La première phase, nous allons faire évaporer l’eau. Le grain va alors passer d’une couleur verte à une couleur « cacahuète ». Cela signifie que nous sommes aux alentours de 150°.

A partir de cet instant, ce sera l’identité du torréfacteur. Le grain peut passer du vert au noir. Le profil défini par le maître torréfacteur entre en jeu en fonction du gout recherché.
Pour exemple, les torréfacteurs de Suisse Romande doivent tous plus ou moins se fournir chez les mêmes producteurs mais ils torréfient et assemblent différemment. C’est le savoir-faire de chacun qui donnera tel ou tel gout final.

2. La seconde phase est celle entre le séchage et le premier « crac » est une phase de brunissement.
C’est ce qu’on appelle aussi « la réaction de Maillard ». C’est un peu comme la peau qui bronze au soleil.
Dans certains pays, on boit du café « blanc » auquel on ajoute des épices. Cela tend à un goût de céréales.
Le goût se développe entre le premier et le second craquement.

3. Le premier « crac » intervient aux alentours de 190/200° suivant les cafés. Comme une impression de pop -corn.
Grâce à cette vapeur d’eau, le grain de café peut doubler de volume.

Certains torréfacteurs aiment aller très vite en torréfaction (moins de 8 minutes) et d’autres préfèrent une torréfaction lente (15 minutes).

4. Le deuxième « crac », c’est ce qu’on pourrait appeler une torréfaction à l’italienne. Les grains sont très foncés. Certains torréfacteurs évitent cette phase.
Le café robusta contient 10% d’huile et l’arabica 15% raison pour laquelle les grains brillent.

Si la torréfaction est trop poussée, on perd le gout du terroir.

On mesure la couleur du grain de café pour obtenir le même profil. Cela nous garanti le même résultat en tasse ».

Quelle est la différence entre un café du Brésil et un de Jamaïque ?
Ennio Cantergiani : « Le Brésil est le plus gros producteur de café au monde. Un grain sur trois provient du Brésil.
Les cafés du Brésil sont plutôt arabica, de basse altitude avec un procédé de séchage qui leur est propre (sur des tables surélevées).
En Jamaïque, ce sont des cafés d’altitude. Le séchage est différent car il faut dépulper le grain de la cerise.
Les cafés d’altitude sont plus acides. En tasse, ces cafés auront plus d’acidité et fruité mais moins de corps que le Brésil.
A Cuba, ce sont surtout des arabicas dans la Sierra Maestra du côté de Santiago. Mais Cuba se cherche encore dans sa manière de produire. Ils pourraient avoir la même qualité que les Jamaïque.

Les cafés robusta sont des cafés de plaine. Aucune acidité mais plus d’amertume.
Sachant qu’ils font beaucoup de « créma » sur les expressos. Les italiens les utilisent beaucoup car sachant que nous mangeons aussi avec les yeux, les robustas ont leur popularité ».

D’où viennent les mots arabica et robusta ?
Ennio Cantergiani : « Historiquement, les cafés viennent tous d’Ethiopie et le commerce se faisait sur la péninsule arabique.
Le nom robusta vient du fait que ce café est plus résistant aux parasites et maladies.
Si les racines du caféier arabica sont profondes, davantage résistant à la sécheresse, celles du robusta sont davantage en surface mais très étendues ».

Parlez-nous un peu de la formation de Barista

Ennio Cantergiani : « L’académie du café délivre un diplôme de Barista reconnu par la SCA (association des cafés de spécialités). Ce certificat aide à l’employabilité.
Avec la tendance d’ouvertures de coffee shop, il faut des gens formés pour conseiller la clientèle. Des gens qui connaissent les machines et les techniques de préparation des cafés comme de vrais expressos ou des dessins dans les tasses de café. Raison pour laquelle ces échoppes ont besoin de gens diplômés.
La formation se fait sur trois niveaux.
Le premier niveau est une approche qu’on peut qualifier d’initiation.
Pour ce niveau, il y a beaucoup de gens qui ont acheté une machine à café très cher mais qui ne savent pas l’exploiter. C’est aussi une manière pour d’autres de venir voir si ce cours leur plait vraiment en vue d’en faire un métier.
Enfin, certains ont déjà un projet de bar à café, de coffee truck ou autre. Ceux-ci viennent avec un objectif bien défini.
La nouvelle tendance vient des grosses entreprises qui veulent former leurs employés aux machines en place dans leurs étages.

L’académie du café propose environ 200 formations par an. Cela donne une idée de l’engouement de ce métier.

Au-delà des journées de formation, ce qui fera la différence ce sera la pratique quotidienne avant de faire le module suivant ».

Pour certains voyageurs, vous avez peut-être un jour bu du thé d’écorce de café : La Cascara
Ennio Cantergiani : « Dans les pays producteurs, la peau et la pulpe du café représente un énorme déchet. Carasso importe ce déchet pour en faire une infusion. Cela ressemble à un thé froid. Aromatisé aux fruits rouges, au gingembre ou à la menthe marocaine, cette boisson sucrée est très désaltérante.
On en trouve dans certains bars ou certains supermarchés ».
La Suisse est le premier pays en Europe à commercialiser la Cascara.
www.icecascara.ch

Lors de cette visite, deux étudiants étaient plongés dans leurs recherches. Elise Dot Bach dont le projet est en gestation et Alexandre Avoyer prêt à ouvrir sa torréfaction courant 2021.

Une belle opportunité pour parler du parcours de ces deux hommes (je consacrerai un article à Elise Dot Bach dans quelques mois car son projet est vraiment hors du commun).

Ennio, comment êtes-vous devenu formateur Barista ? Qu’enseignez-vous ? Qui sont vos élèves ?
Ennio Cantergiani : « J’ai une formation en sciences alimentaires de l’école polytechnique de Zürich. Naturellement, j’ai travaillé pour Nestlé et Firminich. A un certain moment, mon sujet principal était les arômes de café. J’ai alors eu un déclic pour enseigner tout ce qui touchait au monde du café.
En 2013, j’ai créé l’Académie du Café pour dispenser des formations diplômantes et reconnues par la SCA. De plus j’ai la chance d’enseigner dans le monde entier.

Mon public est très varié. Du simple amateur au professionnel.
Evidemment beaucoup viennent apprendre à faire des dessins en tasse ou préparer un expresso ou un capuccino en fonction des désirs d’un client bref de découvrir le monde passionnant du café.

Si l’âge moyen de mes élèves est de 40 ans, le plus jeune avait 16 ans et j’ai eu quelques retraités passionnés de café qui venaient pour le plaisir du produit ».

Est-ce qu’au fil du temps, les élèves ont changé ou avez-vous toujours le même genre de public ?

Ennio Cantergiani : « Depuis quelques années, il y a une vraie passion du café. Les gens qui voyagent beaucoup comme à Londres par exemple, apprécient une autre façon de déguster un café. En Suisse Romande, nous sommes très influencés par la tradition italienne. Ces voyageurs veulent faire découvrir à leurs proches une autre manière de boire du café ».

Alexandre, vous êtes l’un des élèves d’Ennio. Quelle place tient le café dans votre métier d’hôtelier ? Pourquoi cette formation ?

Alexandre Avoyer : « A ce jour dans l’hôtellerie, le café n’est pas encore mis au niveau du vin ou de la nourriture. Le café a encore beaucoup de chemin à faire. J’ai fait mon école hôtelière à Crans Montana et très peu de cours lui était consacré.
Dans les hôtels étoilés, les chefs font beaucoup d’efforts. Avec les championnats, les choses bougent. Alain Ducasse par exemple est très actif sur le sujet. L’hôtelier a la responsabilité de faire les recherches et la formation pour pouvoir expliquer et faire découvrir et pousser ses ventes ».

Ennio, d’où vous vient cet amour du café ?
Ennio Cantergiani : « Mes origines italiennes n’y sont pas étrangères. Ce sont des souvenirs de vacances avec la cafetière italienne au milieu de la cuisine, cet arôme de café qui se diffusait partout dans la maison et la suite par mes études. J’ai fait des travaux de diplôme sur les arômes de café. Et année après année, je découvre encore de nouvelles choses ».

Alexandre, d’où vous vient cet amour du café ?
Alexandre Avoyer : Chaque fois que je tire un café je pense à ma mère. On dit que les arômes réveillent une mémoire. Chaque matin elle se faisait un café et me donnait trois petites gouttes dans ma tasse de lait. Le café me relie à ma mère tout simplement.

Ennio, au fil des ans qu’est-ce-que ces formations vous apportent ? Que découvrez-vous encore ?

Ennio Cantergiani : « Ce qui m’apporte le plus ce sont les rencontres, les rapports humains. C’est toujours enrichissant de partager leurs projets personnels ou professionnels. Comme j’ai toujours voulu être dans le partage de connaissances. Ainsi le partage est double car les apprenants viennent avec leurs idées et je partage mes connaissances. C’est en partageant mes expériences que nous avons créé une véritable communauté de gens qui s’échangent des impressions ou des doutes. Cela a forgé des rapports humains exceptionnels ».

Alexandre, qu’est ce que le temps passé aux côtés d’un Maître Torréfacteur et Maître Barista comme Ennio vous a apporté ?

Alexandre Avoyer : Comme vient de le dire Ennio, j’ai ressenti cette bienveillance dans cette communauté. Il n’y a jamais le moindre jugement. Tout est fait pour la recherche de l’excellence. C’est aussi pour la recherche et le partage des nouvelles tendances et quelles améliorations nous pouvons apporter.
Sachant qu’Ennio a réussi à lier les niveaux de la chaine, il existe une vraie connexion entre les torréfacteurs, les producteurs et les consommateurs. C’est un véritable cercle d’entraide et de partage. Certains sont devenus professionnels et d’autres de véritables aficionados.

Alexandre, parlez-nous de votre projet. Vous ouvrez prochainement votre torréfaction. Est-ce que vos diplômes acquis ici à l’Académie du café seront en bonne place dans la boutique ?

Alexandre Avoyer : « L’idée est de connecter les amateurs de café avec les producteurs. De se reconnecter avec le produit lui-même. Si on veut faire une analogie avec le vin, il est très simple de prendre sa voiture et d’aller voir un producteur de vin du canton ou du canton voisin. Pour le café c’est plus compliqué. Outre le voyage, les plantations sont dans des endroits moins accessibles que les lieux touristiques. C’est pourquoi, le consommateur doit pouvoir compter sur le torréfacteur pour faire le lien. Pour révéler une émotion.
Mon projet s’appelle Dostano speciality coffee pour plusieurs raisons. La première c’est que je suis moitié Val Dotain par mon père, moitié Thai par ma mère et Suisse de cœur.
Le cœur de mon métier est de faire découvrir. A moyen terme, j’aimerai aussi faire découvrir le café Thaïlandais.
Tout comme un chef dans un restaurant change sa carte, chaque mois j’aurais de nouveaux cafés à proposer avec une torréfaction différente pour révéler le terroir de chacun tout en liant le souhait du consommateur.
J’ai poussé ma formation « sensorielle » pour obtenir le « Q grading ». Formation éreintante avec 19 examens en 6 jours. A mon sens, ce diplôme était important pour finaliser ces deux années de formation et me considérer comme un expert en café ».

Comment envisagez-vous votre torréfaction ? Orientée traditionnelle à l’œil et l’odeur ou davantage moderne avec tous les outils informatiques ?

Alexandre Avoyer : « Nous avons besoin d’une connexion sensorielle et émotionnelle. Le café est un produit vivant.
Je vais évidemment me servir des outils informatiques pour garder les profils de recherches. La base sera l’humidité, puis la densité du café, le type et l’origine et se projeter dans la torréfaction. Un peu comme les vignerons. Avant d’embouteiller un vin, un vigneron sait quel vin il veut. Après un certain nombre d’essais, on trouve la meilleure tasse. Alors on va garder ce profil de recherche pour le servir aux clients. Pour parfaire le contrôle qualité, on se sert d’un colorimètre. Je dois pouvoir dire à mes clients que j’ai torréfié le café le plus parfait possible ».

Cette après-midi passée avec ces passionnés ne donne que l’envie de découvrir toutes sortes de cafés !

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Photo du profil de Nathalie Rendu Rendu
Photographe installée à Genève. Si je suis photographe généraliste, je suis plutôt orientée portrait, immobilier, produits (montres et bijoux), la nourriture sans oublier les événements.
Studio photo, Ecole photo, stage photo à l'étranger (Nashville, Venise, New York, safari photo en Afrique, etc...).

www.peintresdelumieres.com

J'anime également une émission de Country Music sur Radio Cité Genève 92.2 "Country in the City".

http://radiocite.ch/chart/country-in-the-city/

J'ai fait le choix d'essentiellement parler de la musique country moderne, celle qu'on entend sur les ondes américaines. Rien à voir avec celle qu'on nous présente en Europe. Evidemment je n'oublie pas de temps à autre de diffuser quelques titres de la country classique des westerns de notre enfance.

J'écris principalement des articles sur les artistes ou l'artisanat genevois (musiciens, comédiens, créateurs).

Comme je ne connais pas tout le monde, les artistes peuvent aussi me contacter pour un coup de projecteur....

2 commentaires

  1. Photo du profil de

    Great news. Thanks to the author for the article. https://updatedessay.com/

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