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20. Des animateurs à l’écoute de la souffrance des patients

20. Des animateurs à l’écoute de la souffrance des patients

En regardant la photo ci-dessus, on a de la peine à imaginer que cette magnifique demeure ancienne, au fond d’un jardin hivernal, est une annexe de l’hôpital. C’est le Pavillon Louis XVI qui abritait auparavant l’Atelier d’Animation de Beau-Séjour. Pas la peine de préciser que lorsque l’hiver avait dessiné un tel décor enneigé et glacial à l’extérieur, à l’intérieur une ambiance chaleureuse et conviviale y régnait.

Après la période des fêtes, débutait une nouvelle année riche en animations de toutes sortes à l’attention des patients hospitalisés à Beau-Séjour. Certains d’entre eux avaient malheureusement passé Noël et nouvel an en milieu hospitalier, d’autres avaient dû y entrer durant ce laps de temps : un accident de sport d’hiver, un infarctus ou un accident vasculaire cérébral, une maladie chronique qui nécessite des allers-retours entre le domicile et l’hôpital, notamment. Nous constations aussi, chaque année à la même époque, des admissions accrues de personnes atteintes d’importantes souffrances psychologiques, sujettes à des troubles dépressifs et anxieux.

Si pour nombre d’entre nous les fêtes de fin d’année sont synonymes de joie, de rencontres entre amis et réunions de famille, pour d’autres personnes esseulées, fragiles, ou âgées et en perte d’autonomie, cet intervalle est plutôt propice à se sentir submergé par des angoisses, et sombrer dans un état dépressif. L’encadrement thérapeutique mettait alors en place des programmes de réadaptation et de réinsertion psychosociale, des séances d’activités physiques ou de mobilisation, des entretiens avec les assistantes sociales, des consultations psychologiques/psychiatriques, souvent appuyées d’un support médicamenteux.

Il était donc fréquent qu’à l’Atelier d’Animation nous accueillions, à ce moment-là, des patients désÅ“uvrés, vivant des bouleversements émotifs ou intellectuels qui affectaient leur santé, perturbaient leur comportement social. Parfois, des problèmes d’alcool ou d’abus de substances diverses, s’ajoutaient encore à leur détresse ou leur état mental.

La première animation de l’année avait donc souvent lieu dans la cafétéria publique : un stand de brocante ou une bourse aux livres, donnaient ainsi une bonne visibilité à notre service. On ne pouvait en effet pas passer à côté de cet événement, sans être interpellé par l’ambiance festive qui régnait encore près de l’arbre de Noël, scintillant de toutes ses lumières colorées jusqu’à l’Epiphanie. A cette occasion, les patients pouvaient venir déguster la galette des Rois, et ceux qui tiraient la fève (plutôt les fèves, car on en rajoutait davantage pour rendre les couronnes plus attractives…) pouvaient choisir un cadeau sous le grand sapin. Il nous était alors plus aisé, par ce premier contact convivial, de repérer les patients nécessitant notre mode d’intervention, ceux qui démontraient un besoin de s’exprimer, parfois implicitement, et leur proposer de nous rejoindre ensuite au centre de loisirs du Pavillon Louis XVI.

Bien entendu nous étions à leur écoute, autant nous-mêmes animateurs socioculturels, que nos étudiants/stagiaires, comme les auxiliaires bénévoles. Cependant nous disposions également d’outils très importants favorisant la communication : en plus du simple fait d’offrir une oreille attentive dans un environnement privilégié, nous avions la possibilité de proposer des activités variées et gratifiantes, un support efficace à la discussion. En effet, quelques patients étaient parfois « bloqués », n’osaient pas s’exprimer devant des personnes inconnues. C’est pour cela que l’activité est un prétexte à l’expression verbale : un moment agréable, une partie de cartes, de scrabble, accompagnée d’un thé, d’un café, ou d’une tranche de gâteau, suscite l’ouverture au dialogue, dans un meilleur état d’esprit.

D’ailleurs, l’Atelier regorgeait de jeux de société amusants, une palette de bricolages et travaux d’artisanat s’offrait aux patients, et les animations culinaires ou gourmandes étaient monnaie courante. Nous ne manquions pas d’imagination et d’originalité pour créer des liens avec les pensionnaires, et même entre eux, développer des outils de médiation pour favoriser ces échanges. Non seulement ces opportunités occupaient l’esprit des usagers d’une manière attrayante, mais cela permettait aussi de dévier un tant soit peu l’attention de la douleur.

L’action mise en place par l’Atelier d’Animation complétait alors avantageusement les soins et les thérapies classiques qui sont organisés dans l’hôpital, en permettant ainsi aux personnes hospitalisées de bénéficier de moments de détente entre les traitements. Ces instants pouvaient aussi les aider à se ressourcer, réapprendre à vivre en société, et parfois même retrouver une meilleure estime de soi ou une discipline personnelle améliorée.

Certains usagers, qui avaient pu découvrir ou retrouver le goût aux loisirs et aux échanges sociaux grâce à notre Atelier, demandaient s’ils pouvaient revenir une fois leur séjour terminé. Nous leur indiquions alors les maisons de quartiers, centres de loisirs et de rencontres, clubs d’aînés, qui sont à disposition dans de nombreux endroits de la ville et du canton. La FASe(1) gère en effet plus d’une trentaine d’espaces de rencontres conviviaux ouverts sur le quartier et la commune. Nous étions contents d’apprendre par d’anciens patients qu’ils s’étaient ensuite dirigés vers ces centres, afin de cultiver l’ouverture aux autres, ne plus s’isoler ni rester dans leur coin.

(1) Fondation genevoise pour l’animation socioculturelle

Ci-dessous, les animations qui avaient lieu au mois de janvier : séance de cinéma sur grand écran, galette des Rois/stand dans la cafétéria, concert d’instruments à cordes, jeux musicaux dans une unité de soins, en plus de l’Atelier lui-même ouvert du lundi au vendredi.

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Photo du profil de Jean-Pierre TAUXE
Décorateur de premier métier ; une expérience d'une année dans les coulisses du Cirque Knie pour écrire un premier livre ; formation d'éducateur sport et loisirs pour personnes en situation de handicap ou en difficulté d’adaptation, puis de maître socio-professionnel à l'EESP de Lausanne.

Il reprend plus tard la responsabilité de l'Atelier d'Animation à l’Hôpital Beau-Séjour. En août 2013, il partait en préretraite après 23 ans de "bons et loyaux services". L’Atelier qu'il animait, cher aux patients hospitalisés qui bénéficiaient ainsi d'instants de loisirs et de moments de répit bénéfiques à leur moral, a été maintenu à 50% durant une année après son départ. Menacé de fermeture à cause de "projets institutionnels" et "mesures d'économies" aux HUG, ce centre a pourtant disparu en juillet 2014, avec le départ du second animateur à temps partiel. Les premiers articles de cette rubrique (numérotés) abordent le sujet.

Jean-Pierre Tauxe a alors publié un autre ouvrage, qui retrace ses deux décennies à la tête de l'espace de loisirs de Beau-Séjour : rétrospective d'événements exceptionnels, organisations socioculturelles originales, récits et anecdotes et également nombre de témoignages de patients.

Ce livre peut être commandé en laissant les cordonnées sur le site  http://jean-pierretauxe.wixsite.com/atelierdanimation  rubrique en bas de page "Plus d'Info".

3 commentaires

  1. Photo du profil de Jean-Pierre TAUXE

    Reçu sur ma boîte mail, malheureusement aujourd’hui ce n’est plus d’actualité… :

    « Il est encourageant de savoir que, parmi les personnes que nous aimons, il y en a qui pensent à leur prochain et qui vont plus loin en s’impliquant dans un travail de « remise en forme » de leur santé en général, en occupant leurs pensées angoissées par les maladies chroniques, les traitements lourds, le manque de visites des proches parfois et tous les tourments qui sont leur quotidien quand la vie fout le camp, en leur prodiguant de l’attention, des occupations qui ramènent un sourire sur leurs visages et qui font que la vie devient un peu plus rose. Bravo, Jean-Pierre et merci pour eux tous qui sont reconnaissants. »
    D e n i s e

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  2. Trop triste que cet article soit rédigé au passé ! Et alors en fin d’année 2014, que s’est-il passé ?

    Répondre
    • Photo du profil de Jean-Pierre TAUXE

      Bonjour Maryelle,

      Eh oui, tous mes articles sont rédigés au passé puisque l’Atelier d’Animation n’existe plus ! Je profite justement de cette rubrique pour continuer de faire vivre l’âme de ce service, en faisant une rétrospective des animations socioculturelles qui étaient organisées chaque année pour les patients séjournant à Beau-Séjour. Vous pouvez les lire tous (dans l’ordre chronologique) sur:

      http://www.signegeneve.ch/members/jipman/articles/

      Il n’y a rien eu de spécial en fin d’année 2014 je pense, puisque l’animation a été supprimée, à part une célébration Å“cuménique des Aumôneries à Noël, et une magnifique marmite en chocolat offerte aux patients à l’Escalade, grâce à la générosité de la gérante de la cafétéria publique « Aux Bonnes Choses »…

      Bien cordialement J-P Tauxe

      Répondre

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