Le CO Coudriers fête ses 40 ans : histoire d’un engagement

Le CO Coudriers fête ses 40 ans : histoire d’un engagement

1973, vers la fin des fameuses Trente Glorieuses : la croissance est forte, elle profite à tous, employés comme employeurs, les comptes de l’Etat présentent les chiffres noirs des plus optimistes.

1973, cinq ans après 68, la société et l’école évoluent, remettent en cause des certitudes bien ancrées et des normes sociales poussiéreuses. L’individu au bénéfice de libertés nouvelles bouscule les schémas classiques de fonctionnement sociétal. De plus, il s’agit d’avoir une structure scolaire qui favorise le combat contre les inégalités des chances de réussite à l’école : en effet, peut-on réellement décréter dès l’école primaire qu’un enfant ne sera pas capable à l’avenir de suivre une filière exigeante ?

Un nouveau cycle et un nouveau Cycle d’Orientation s’ouvrent : un bâtiment tout pimpant, dans un quartier récent (les Avanchets), dans lequel des habitants de toutes classes et nationalités se parlent, un nouveau défi pédagogique : la classe hétérogène, avec des élèves de tous niveaux scolaires et sociaux ensemble, pour apprendre.

Une équipe relève ce défi ; quelques profs expérimentés et beaucoup de jeunets, assistants sociaux et psychologues engagés, personnel administratif et technique investi à fond, sous la houlette d’un directeur, M. Gilbert Delacrétaz, dont le physique, le goût des plaisirs de la vie et la prestance présentaient d’étranges similitudes avec le magistrat alors encore et toujours en charge du DIP, M. André Chavanne, dont l’aura restera inégalée.

Période de pénurie pour certaines branches (l’histoire serait-elle cyclique ?), où l’on va chercher des physiciens en Belgique et où l’on engage comme profs d’allemand des étudiants qui n’ont même pas de demi-licence universitaire. Qu’importe ! L’élan collectif accélère leur intégration et « booste » leurs compétences !

Car un maître-mot opère sa magie dans le collège : l’élève, chaque élève, tous les élèves ! Conférences des maîtres débattant des options pédagogiques durant des heures, conseils de classe prenant le temps de se pencher en détail sur chaque membre de la classe, discussions enflammées durant les pauses et les apéros, soirées festives et joyeuses. On se parle beaucoup, entre tous, peu importe la fonction, mais avec une préoccupation essentielle, un objectif commun : le bien apprendre et bien être de l’élève.

Engagement de tous les adultes qui ne comptent ni leur temps ni leur énergie ; relations souvent empreintes de leur reconnaissance avec les élèves et leurs parents ; mixité sociale et d’apprentissage : le fort en thème aide à faire la composition, le peu scolaire lui file le dernier San-Antonio sous le manteau !
Et quand le danger point comme au début des années 80, totale mobilisation : le parti alors uniquement libéral lance une initiative « L’école, notre avenir » qui remet en cause la classe hétérogène entre autres, tous au front, sur les stands, allant à la rencontre du public, expliquant jusqu’à plus soif les bienfaits de la démarche.

Les gens écoutent, discutent, souvent opinent, rarement s’insurgent. Malgré le soutien de quasi tous les partis, l’initiative est rejetée !
2013, l’heure est aux coupes budgétaires sanglantes, Réforme II, la classe hétérogène ont été mises aux oubliettes, l’éducation « post 68 » et « l’enfant-roi » cloués au pilori. L’école devient efficiente, sait distinguer ceux qui méritent et les autres, les mettre dans les sections qui reflètent leurs capacités scolaires. Tout est rentré dans l’ordre !

Alors, amers, les soixante-huitards gauchistes, les rêveurs et autres utopistes de l’éducation ?
Même pas ! Ce formidable engagement partagé en faveur de nos élèves, de nos enfants a cimenté des sympathies et des amitiés vraies, nous a fait vivre des moments professionnels intenses et inoubliables, nous a pédagogiquement armés pour garder toujours en point de mire la mission donnée au Cycle d’Orientation: faire le maximum pour que chaque élève trouve sa chance et sa place dans sa formation, partant dans la société. Cette richesse-là, personne ne peut nous la prendre !

Et puis, qui sait ? Les comptes seront-ils toujours au rouge ? Le budget de l’éducation toujours en diminution ? Les élèves, classés en sections, toujours efficients, particulièrement les peu scolaires ? Le retour aux normes et aux standards toujours d’actualité ?

Pour le collectif des anciens du CO Coudriers :
Ramsis ARMANIOS, Patricia ARPIN, Monique BOGET, Jean-Pierre BORTOLI, Danielle BOUNAIX, Jean-Michel BUGNION, Jean-Pierre BÜRK, Muriel BURKHALTER, Philippe BUTSCHER, Sophie CHÂTELAIN, Michel DUCOMMUN, Alain DUFOUR, Irène FLÜCK, Marlyse FREYDIÈRE, Alain IMBODEN, Sven KUNZ, Doris PERRIER, Ariane PIGUET, Chantal PREVI, Jean-Louis RIMAZ, Christine SOTTAS, Antoinette TACCHINI, Pierre-Alain TSCHUDI, Dominique VECCHIO, Elisabeth ZUMSTEIN KENNEDY