Dans les objectifs fixés par un service d’animation intégré à un hôpital, il va de soi que toute action ou initiative originale peut être prétexte à « dévier l’attention de la douleur » en procurant quelques pauses agréables et des sensations plaisantes aux patients.
Le début du printemps était justement une période qui engendrait de l’enthousiasme chez les personnes hospitalisées fréquentant l’Atelier d’Animation de Beau-Séjour : en effet, un petit tour sur sa terrasse devant le Pavillon Louis XVI suscitait un certain enchantement et du plaisir, grâce à la profusion de fleurs qui avaient éclos sous les fenêtres. Les plantations de bulbes, réalisées chaque année en automne, s’épanouissaient dès les premières journées ensoleillées. Elles formaient un véritable tableau vivant et coloré avec les autres vivaces en terre depuis fort longtemps, souvent plantées au fil des ans, avec des patients ayant bénéficié des occupations du centre de loisirs.
Les arrangements floraux saisonniers, dans les caissettes qui garnissaient les rebords de fenêtres, représentaient en outre une activité « jardinage » prisée de certains pensionnaires lors des ateliers créatifs. Les catalogues de bulbeuses et les ouvrages illustrés sur les fleurs de saison à disposition à l’Atelier, leur donnaient des idées pour réaliser des compositions éblouissantes et parfumées : tulipes, jonquilles, jacinthes, narcisses, crocus et muscaris, insérés aux pensées multicolores qui s’épanouissaient sans frissonner durant toute la période hivernale.
Parmi les usagers de l’animation, la plupart appréciaient de pouvoir admirer ces premières couleurs de la nature : cela les ramenait à la réalité de la vie qui continue hors de l’hôpital, tout en donnant un rythme et des points de repère au temps d’hospitalisation. Nombre de dames, souvent âgées, venaient chaque matin boire leur café et lire la Tribune à l’Atelier, mais surtout « guetter » l’apparition des premiers perce-neiges, primevères, puis celle des crocus tricolores, alors que les roses de Noël (Hellébore) déployaient leurs corolles depuis fin décembre déjà .
L’une d’elles nous a d’ailleurs offert un ensemble de jonquilles blanches rares, que nous avons dû aller déterrer dans sa propre rocaille. En effet, ces fleurs – plantées à l’époque par son père –avaient accompagné presque toute son existence. Ne pouvant malheureusement plus retourner habiter dans sa villa pour des raisons d’âge et de santé, elle désirait que ces magnifiques bulbeuses puissent continuer à être contemplées ailleurs, à chaque nouveau printemps : notre jardin lui semblait parfait pour les accueillir. Merci Jeanne pour cette délicate attention et le souvenir qu’elle nous rappelle !
La variété des fleurs que nous entretenions, avec beaucoup de soin, était surprenante : il s’agissait presque d’un mini jardin botanique qui s’offrait aux visiteurs, tant pour les personnes hospitalisées, leurs visites ou les employés de Beau-Séjour. Cette plantation a d’ailleurs fait l’objet d’une autre exposition de photographies dans la cafétéria publique et les couloirs de l’hôpital, sur le thème : « Les fleurs de Beau-Séjour ». Un album-photos souvenir a également été réalisé à l’époque.
Il est vrai qu’après la floraison de printemps, alors que les tulipes tardives perdaient leurs derniers pétales, les iris prenaient le relais, suivis des premières roses. Des pois de senteurs grimpaient le long de la gouttière, et quelquefois même, des plants de tomates-cerises se dressaient dans notre mini jardin-potager, agrémentant ainsi de leurs fruits certains apéritifs…
L’été laissait ensuite la place aux lys, tournesols, lupins, puis notre magnifique hibiscus tricolore laissait apparaître en buisson des tons chatoyants bleus, roses et blancs. Un rosier-tige (autre cadeau d’une pensionnaire) fleurissait une seconde fois au début de l’automne, avec à son pied quelques touffes de colchiques, alors que des bégonias et autres dahlias plantés en bac, étalaient leurs vifs coloris jusqu’aux premiers gels.