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Au salon-lavoir, on se parle encore

Au salon-lavoir, on se parle encore

De Carouge aux Pâquis en passant par la Jonction ou la Servette, une population cosmopolite s’approprie les laveries en libre-service.

A gauche, l’appareil n’accepte plus les billets. A droite, un message de la direction s’adresse à un habitué des lieux: «La laverie est un endroit pour travailler, non pas pour glander et boire du rosé comme vous le faite (sic)». Malgré les messages peu accueillants, les clients se succèdent et se croisent dans le passage étroit entre les machines du salon lavoir de la rue de la Fontenette, à Carouge. «Ici, j’économise beaucoup de temps», lance un professeur de sport, qui privilégie le lavomatic pour ses fringues transpirantes dès la fin de l’entraînement. Il y a là une quadragénaire contrainte de multiplier les machines pour des raisons d’allergies et une mère au foyer en quête de machines mastoc pour les draps de sa famille nombreuse. «C’est plein le samedi et le dimanche. On y voit des hommes seuls, des familles entières. Pour les Carougeois, c’est un lieu convivial. Un des seuls endroits où on se parle encore», affirme cette dernière.

Quid des rencontres charmantes?

A l’autre bout de la ville, le «Lavseul» de la rue De-Monthoux. Bourdonnement, odeur de lessive et atmosphère humide similaires. A l’heure où certains s’encanaillent, un banquier indien expatrié et une couturière brésilienne déballent leur linge sale en public, en plein cœur des Pâquis. «Ici, on peut rencontrer en même temps le coiffeur, la mamie et des touristes», aime à raconter Grégory Ischi. A 30 ans, cet ingénieur perpétue une tradition familiale. Autrefois, son grand-père avait racheté le salon lavoir à une entreprise américaine en faillite. Des décennies plus tard, il est le gérant de deux laveries self-service. «Il faut aimer les gens pour faire ça, car c’est un lieu de vie qui leur appartient.» Dans cette arcade sans prétention, on s’échange au moins un bonjour. Bien souvent, les nouveaux reçoivent les explications face au boîtier clignotant qui sert à activer les machines. Puis, le temps de la lessive, on discute ou on s’en va. En groupe ou chacun pour soi. «C’est le lieu de rencontre par excellence des Pâquis», affirme sans hésiter Grégory Ischi. A quelques encablures, Frederico, barman de 28 ans et utilisateur du salon lavoir de la rue de Berne, a bien observé les mœurs. «Je dirais qu’une moitié des gens reste ici pour sympathiser. L’autre moitié s’en va.»

Quant aux rencontres charmantes le temps d’un lavage-rinçage-séchage, elles semblent relever du mythe. «La drague? J’ai vu ça à la télé, oui. Mais ici, jamais aucun jeune homme ne m’a fait la cour», raconte une habituée du salon de la rue De-Monthoux.

Une vingtaine à Genève

Genève compte une vingtaine de ces lavomatics. Apparus dans les années 60, ils ont remplacé les bateaux-lavoirs des XVIIIe et XIXe siècles et coexistent aujourd’hui avec les machines privées, les buanderies d’immeuble et les blanchisseries. «Il s’agit d’une exception culturelle genevoise. Dans les autres cantons, ça ne marche pas», explique Laurent Regard, gérant de sept salons lavoirs au bout du lac. Lausanne, par exemple, n’en compte qu’une petite poignée. Outre-Sarine, le concept est inexistant, hormis un salon implanté à Zurich. A Genève, aucun chiffre précis ne témoigne d’une quelconque évolution mais, selon les professionnels, le nombre de salons lavoirs serait légèrement en baisse. «Je me souviens des files de saisonniers qui allaient jusque sur le trottoir», relève Grégory Ischi. Aujourd’hui, les principaux utilisateurs sont des étrangers résidents, auxquels s’ajoutent les touristes et les expatriés.

Déprédations en hausse

Malgré une demande bien présente, les affaires ne sont toutefois pas toujours aisées pour les patrons. Laurent Regard, le gérant le plus important du canton, en vient même à douter de la viabilité du système. «Depuis quatre ou cinq ans, la clientèle a beaucoup changé. Il y a trop de déprédations, ça devient de moins en moins rentable.»

A la rue De-Monthoux, un ruban adhésif témoigne d’une vitrine récemment brisée. Mais Grégory Ischi considère le vandalisme comme un phénomène marginal. Il préfère retenir l’idée qu’il gère un lieu d’échange atypique où se croisent ceux qui n’auraient jamais eu l’occasion de se rencontrer.


Peu rentables, les lavomatics se diversifient

Pour survivre, les exploitants se voient contraints de multiplier les sources de revenus.

Occupant une arcade de la rue de la Servette depuis avril 2012, Fatima Nanchen avoue avoir fait face à des débuts difficiles. «Avec les loyers en vigueur, on ne peut pas tourner grâce à de simples machines à laver en libre-service», dit-elle. Ainsi, après avoir doublé leur nombre, elle a développé une vraie stratégie de diversification. Un pressing écologique (repris à la propriétaire précédente) exploite le créneau «vert» et un cybercafé trône entre les machines. Enfin, les coulisses de l’arcade ont été réaménagées pour accueillir un salon d’esthétique, coiffure et onglerie. «Maintenant, les affaires commencent à tourner», se rassure l’entrepreneuse.

Vidéosurveillance

Si certains patrons de salons lavoirs déplorent les déprédations, Fatima Nanchen ne rencontre pas ce type de problème, simplement parce que ces multiples activités nécessitent la présence d’employés sur les lieux. En revanche, pour la seconde laverie automatique qu’elle gère avec son mari, un système de vidéosurveillance digne de Big Brother a été installé: des caméras transmettent les images en direct sur les smartphones des propriétaires qui peuvent instantanément avertir les visiteurs indélicats à travers des haut-parleurs.

 

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Passionné par l’info au coin de la rue, j'ai commencé à écrire dans ma commune de Vernier.
En parallèle, un site Internet consacré au foot des talus, des études et expériences dans le journalisme local ainsi que de longs voyages à vélo ont tracé mon parcours.

Aucun commentaire

  1. Quand on est propriétaires d’une affaire comme celle là on ne reçois pas les gens assise sur les bureaux en se rongeant les ongles ou en mangeant…la moindre des politesses je crois !!!
    Egalement les ecrans et clavier d’une saleté repoussante et en plus ne fonctionnant pas comme il faut..on paie et on ne peux rien imprimer de correct !!!
    Faites plutôt une bamboula avec tout vos copains qui squattent chez vous
    Merci

    Répondre

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