Aux « Regards croisés », l’intégration à l’heure de l’apéro

En cette soirée du 31 octobre, la ville a des airs d’Halloween. Tout est noir, des déguisements de sorcières au ciel qui s’assombrit de plus en plus tôt. Tout sauf ce bout de la rue de Carouge, dans l’immeuble orange qui abrite l’Espace Regards croisés. Comme à chaque fin de mois, a lieu un «apéro After work» qui accueille ce soir le concert des Voisins du d’sus.

A 18h00 une petite masse d’intéressés se forme, et bientôt la musique commence. Le groupe se trouve à quelques mètres du public, sans scène, sans barrières. A l’opposé, un bar et des hot-dogs ravitailleront les joyeux visiteurs. Très vite, les jambes se délient. La musique entraînante du groupe local sont d’une énergie et d’une bonne humeur contagieuses.

Le public est diversifié : tous petits, jeunes, moins jeunes, et plusieurs personnes en chaise roulante. Regards croisés, c’est l’un des projets de Clair-Bois, une fondation qui oeuvre pour l’intégration de personnes en situation de handicap. Regards croisés, c’est une galerie d’art et un bar à café, dans lesquels travaillent et se rendent utiles les résidents du foyer.

Rencontre avec Lucilia, la rayonnante organisatrice de ces « apéros ».

« Ici, les résidents de la fondation travaillent autant du côté bar que galerie : ils s’occupent du nettoyage, de débarrasser les tables, de coller les affiches lors des vernissages. C’est une manière d’intégrer ces personnes souvent exclues de la société, raconte Lucilia. On a décidé de créer ces apéros-concerts pour avoir un événement un peu particulier dans le mois. Les artistes que l’on a fait venir jusqu’à présent sont essentiellement genevois. C’est aussi une possibilité pour eux de se faire connaître, de toucher un public différent de celui qu’ils ont déjà. »

« Au niveau du public ce soir, il y a de tout, poursuit l’organisatrice. On a des personnes qui passent devant l’arcade et qui entrent par curiosité sans nous connaître, quelques voisins, des habitants du quartier, et puis plusieurs personnes de la Roseraie (un centre pour réfugiés sur la rue d’à côté). Naturellement aussi les connaissances des artistes, et puis le bouche-à-oreille fonctionne bien. »

« On s’entraide avec d’autres associations, par exemple LaTeuf nous a prêté du matériel parce que nous n’étions pas équipés pour organiser des concerts, et en échange nous leur prêtons notre bus. Nous avons pu créer avec le temps plusieurs collaborations positives. »

Nous rejoint le directeur du foyer Clair-Bois Minoteries, M. Jacques Rougé :

« On est dans le quartier depuis six ans. Les résidents sont assez bien intégrés, c’est l’avantage d’un quartier populaire au sens positif du terme, explique Jacques Rougé. Quand ils vont faire leurs courses à la Migros, certains habitants du quartier les reconnaissent et les appellent par leur prénom. Les liens que l’on crée avec le centre de la Roseraie sont également intéressants. Les réfugiés aussi ne demandent qu’à s’intégrer. Notre but est vraiment de faire se rencontrer les gens. Des personnes en situation de polyhandicap font parfois peur. En partageant une soirée avec eux lors d’un concert comme celui-ci, les barrières disparaissent. Ce soir, la mayonnaise a particulièrement bien pris ! »

Lucilia acquiesce. Dans cet espace confiné, au rythme des guitares et de l’accordéon, des regards se sont effectivement croisés, des mains se sont liées, donnant encore plus de vie à ce lieu déjà bien chaleureux.

Quatre soirées sont déjà agendées jusqu’à février 2014 (tous les derniers mercredis du mois). Entrée libre et chapeau à la sortie. Un seul mot d’ordre : « venir avec le sourire aux lèvres ! »