Jeanne Matti, une centenaire très alerte

Rencontre avec une jeune femme de bientôt 102 printemps. Jeanne n’a rien à envier aux demoiselles  du XXIe siècle, elle est lumineuse, hors du temps,  pleine d’énergie positive, juste une personne à qui l’on aimerait ressembler  plus tard. Jeanne Matti , 102 ans le 11 janvier 2016, est née à Genève, de parents italiens. Son père, mécanicien de formation, gérait un magasin de bicyclettes  à la rue Leschot. Dans cette même rue elle a vécu toute son enfance. « Un 3 pièces sans salle de bain dont les toilettes étaient accessibles à tout le monde, au premier étage de mon immeuble » dit-elle. Le loyer à l’époque, en 1920, était de 34 francs par mois ! Au fur et à mesure des années « j’ai vu naître les nouvelles technologies domestiques » se souvient-elle. Notamment la machine à laver le linge, son premier achat qui fut pour elle un soulagement. A 18 ans elle prend son envol, se marie, effectue un apprentissage de vendeuse en ameublement au « Grand Passage » et s’oriente ensuite vers le métier de courtepointière.  C’est une activité qu’elle adore car elle aime travailler les tissus, confectionner des rideaux, voilages et couvertures de lits. Par la qualité de son travail le nombre de clients augmente rapidement, elle devient indépendante, une véritable femme d’entreprise et engage 4 ouvrières.

Avec son équipe elle à eu l’occasion de décorer et confectionner les rideaux de l’une des salles de cinéma célèbre de Genève. Le cinéma du Molard, à la rue de la Croix d’or, disparu depuis 1984. Sa dernière séance proposait « Tchao Pantin » avec  Coluche. De fil en aiguille elle devient « la » courtepointière à solliciter pour décorer plusieurs salles de cinémas en Suisse et travaille d’arache pied avec ses petites abeilles.

Son atelier, toujours d’actualité,  est situé au réez de chaussé de son immeuble, il devient une véritable petite usine. Parallèlement à cela, telle la déesse Shiva (vous connaissez ? la déesse à plusieurs bras) elle s’occupe de son ménage ,de ses 3 enfants et de son mari, d’une main de fer dans un gant de velours. Dans la foulée elle passe son permis de conduire et se rend régulièrement en Italie visité sa famille. D’ailleurs elle adore voyager et a fait presque le tour du monde. Son autre « marotte » est de collectionner les poupées anciennes, son appartement regorge de poupées et de figurines animales en porcelaine car, dans ses moments libres, elle aimait à se balader dans les cavernes d’Ali baba de Caritas pour dénicher toutes sortes d’objets.

Que pense t-elle de notre époque ? « je trouve que  le monde est devenu triste » dit-elle. Heureusement elle est très entourée par sa famille et les voisins qui sont aux petits soins pour elle. Une voisine s’occupe des commissions, un autre lui fait la lecture, le restaurant à côté de chez elle lui prépare de bons petits plats. Mais quel est le secret de sa santé ? Essentiellement le fait d’avoir toujours été active, curieuse, en mouvement, pas de cigarettes, peu d’alcool, et surtout, surtout, « voir la vie en rose ». » Ne pas s’appesantir sur les problèmes inévitables de la vie »  dit-elle. Les accepter, « never complain, never explain » comme disait la reine d’Angleterre (qui soit dit en passant va bientôt aborder allégrement sa nonantième année). Traduction pour les néophytes en la matière : ne jamais se plaindre et se justifier. Un état d’esprit qu’elle a toujours cultivé et il faut croire que cela fonctionne puisque à bientôt 102 ans elle est toujours aussi pétillante, positive et en bonne santé. Ses 3 enfants,  5 petits enfants et arrières petits enfants viennent la visiter régulièrement. Elle les accueille avec bonheur chez elle. Chaque année depuis ses 90 ans toute la famille se réunit pour fêter dignement ses anniversaires. Nul doute que pour ses 102 ans, le 11 janvier 2016, Jeanne sera à nouveau la « star » qu’elle mérite bien d’être, même,  si avoue t-elle modestement  « il m’arrive d’oublier que j’ai passé 100 ans ».