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L’ Ane et l’Escalade

Cortège de l'Escalade à Genève.©  Steve Iuncker Gomez
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Cortège de l'Escalade à Genève.© Steve Iuncker Gomez

Je suivais le cortège de l’Escalade comme tous ces gens autour de moi. A la tête de ce dernier se tenait le Président de la Compagnie 1602, hissé sur son pur-sang, entouré de sa suite à cheval, suivis par les hallebardiers en uniforme d’époque. Un peu plus loin, marchaient d’un pas cadencé, tous de noir vêtus, les magistrats, les professeurs, les pasteurs, le juge et le bourreau. Le tissu privilégié de leurs costumes était le drap et le velours. La collerette blanche en dentelle faisait office de col. Les pasteurs avaient la bavette d’un blanc lumineux, bien déployée sur leurs poitrines. Ils étaient suivis par les femmes et les enfants. D’abord, tout un groupe de femmes en habits traditionnels : jupes longues, grises ou noires, parfois un tablier par-dessus et pour compléter cette tenue, un gilet brodé serré à la taille. Certaines femmes entouraient leurs épaules d’un épais châle en laine. Leurs têtes étaient protégées d’une coiffe noire en velours garnie de gaufrettes blanches. Ces coiffes étaient attachées sous le menton par un large ruban en satin brillant. Elles saluaient la foule et souriaient. Ce groupe harmonieux de mamans était suivi d’enfants de tout âge : d’abord les petits, qui tenaient en cachette le bord de la jupe de quelques-unes des femmes qui les précédaient. La marche des enfants était irrégulière et presque amusante à regarder : parfois ils trébuchaient ou bien ils tombaient à force de regarder la foule amassée sur les trottoirs, ils oubliaient tout simplement d’avancer…..
Un groupe de jeunes filles suivait les petits. Elles étaient belles, gracieuses et souriantes. Les fleurs garnissaient leurs corsages et leurs cheveux. Des fruits rouges, verts et jaunes dépassaient de leurs corbeilles en osier, qu’elles balançaient au rythme de la fanfare qu’on entendait au loin. De longs cheveux blonds ou bruns tombaient sur leurs épaules.
Le défilé des groupes était parfois interrompu par le passage des attelages transportant des personnalités en chapeau.
La foule émerveillée criait et applaudissait à tout va mais le son des tambours et des fifres était plus fort. On avait de la peine à bien entendre les cris d’enthousiasme et d’encouragement.
Que de couleurs, à prédominance de jaune et de rouge ! En regardant ce tableau en mouvement qui avançait vers moi, j’ai ressenti un regret de ne pas savoir peindre.

Mais, voilà que le groupe de cavaliers à la tête du cortège est arrêté par un messager essoufflé : « Monseigneur, Monseigneur, Président, un incident fâcheux vient de se produire au Bourg-de-Four !! L’âne qui jusque-là avançait docilement, conscient de la tâche qu’on lui a confiée, celle de transporter Mère Royaume, s’est arrêté net une fois arrivé au Bg-de-Four ! Il a pilé sur les 4 fers !!! Venez vite Monseigneur !» hurla-t-il dans le plus grand des désarrois. Sans hésiter, Monseigneur, accompagné de quelques cavaliers de sa suite se dressa sur les étriers de son alezan et s’élança vers le lieu de la catastrophe comme s’il s’agissait d’une bataille décisive de la dernière guerre mondiale ! Arrivé sur place, il fut saisi par le tableau pittoresque qui s’offrait à lui, lui rappelant une gravure accrochée dans son bureau. Le Au milieu de la foule, un âne à la robe argentée, plutôt grand de taille, arrêté à côté de la fontaine, le regard fixant l’infini, était entouré de badauds. Le silence était total. Les gens semblaient médusés, subjugués par la personnalité de l’animal qui a OSE braver l’autorité de l’homme ! Oui, il a décidé à lui tout seul et pour des raisons inconnues, de mettre fin à la promenade dans la Vieille Ville…. !!!
« Il faut avoir de la personnalité », disait un gros type en jeans. La foule acquiesçait tout en restant intriguée…
Par ailleurs, on dirait qu’un lien d’amitié s’est tissé entre l’animal et toutes ces personnes impuissantes qui faisaient face au bourricot. Il fallait se soumettre à l’animal….
« Le monde n’est plus ce qu’il était ! Maintenant c’est cette espèce de bourrique qui va nous gouverner ! On aura tout vu » disait une petite dame en imperméable beige délavé.
Entretemps, l’âne observait la foule dignement, avec une certaine indifférence. Il ne prétendait surtout pas se laisser séduire par les carottes, ni par un délicieux chardon tant apprécié dans d’autres circonstances par les êtres de son espèce, ni par des légumes piochés dans les corbeilles de décoration que transportaient les enfants. La bête se désintéressait parfaitement de toutes ces friandises que lui tendaient désespérément les mains de tous les côtés. Il n’y avait rien à faire ! La foule, dans un dernier élan de désespoir et d’incompréhension a même essayé de le pousser ! En vain !!!
Après un certain laps de temps, l’âne a très volontiers accepté de rebrousser chemin en direction de son domicile : l’étable où il allait passer une nuit calme et reposante… il en avait besoin !
A la suite de cette victoire de la bête sur l’espèce humaine, d’aucuns prétendent avoir aperçu un clin d’oeil et même un sourire malicieux, que partant, l’âne adressa à la foule ! C’est dire !!!
Quant à la Mère. Royaume., elle continua son chemin à pied, comme d’ailleurs elle le fera dorénavant pendant encore de nombreuses années !!!
Car depuis cet incident, l’ANE, est devenu « Persona non grata » dans le milieu des festivités de l’Escalade, organisée par l’HOMME –

Olga Eyben

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