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L’autoportrait du confinement

Portrait d’Audrey Leclerc La liberté guidant le peuple © Audrey Leclerc To the moon © Audrey Leclerc La prière © Audrey Leclerc Quarantaine © Audrey Leclerc
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La liberté guidant le peuple © Audrey Leclerc

Enfermement, solitude, redécouverte, plaisir d’être chez soi, chacun à vécu le confinement différemment. La photographe Audrey Leclerc a décidé d’immortaliser cette période à travers une série d’autoportraits.

Alors que ses mandats s’annulent les uns après les autres, la photographe Audrey Leclerc prend la décision de se confiner. S’isolant seule dans son appartement carougeois le 12 mars 2020, progressivement elle commence à se mettre en scène dans ses 43 mètres carrés. Se dénudant partiellement devant son objectif, elle utilise des gants, des masques et autres accessoires qu’elle trouve pour exprimer ses sentiments face à la pandémie. Ces autoportraits se transforment alors en une collection de 44 clichés, appelée Quarantaine. Rencontre avec Audrey Leclerc.

Signé Genève : Comment avez-vous décidé de faire de la photographie votre métier ?
Audrey Leclerc : À l’âge de 5 ans j’étais intriguée par l’appareil argentique de mon père, un véritable bijou à mes yeux qui a fait de moi une puriste de l’ancien. Puis, en m’offrant mon premier boitier à 18 ans, je me lancée dans la photographie de façon assez amateur, notamment durant mes voyages. Ensuite, étudiante en arts appliqués, j’ai suivi mes premiers cours mais ma véritable révélation était en 2008. L’année de ma rencontre avec le vaudois Patrick Grob, ancien photographe de guerre, actuellement spécialisé en photo de presse et enseignement. Il m’a initié au numérique et poussé sur la voie de la photo professionnelle. J’ai donc créé Lhumen, qui est la contraction entre lumen, lumière en grec, et l’humain, autrement dit l’humanité. Aujourd’hui, je me concentre surtout sur le portrait corporate, les mariages, la maternité, les naissances et la photographie de boudoir, ma nouvelle direction qui aide les modèles à se sentir bien dans le corps et le réconcilier avec leur esprit.

Vous avez également lancé le projet Les Immortels, quelle est sa spécialité ?
Au décès de ma grand-mère, je me suis retrouvée devant ses photos d’archives, complétement perdue et démunie. Me rendant compte que le cliché est très limitant, j’ai décidé de me former également en vidéo pour devenir biographe audiovisuelle. Ce projet consiste ainsi à interviewer les personnes et tracer leur portrait, pour ensuite le passer de génération en génération.

Pour la série Quarantaine vous avez néanmoins décidé de faire de la photo. Comment l’idée de ces clichés est-elle venue ?
Mon confinement a débuté le 12 mars par une dizaine de jours de déprime, j’étais dans une situation d’angoisse par rapport à l’annulation de mes mandats et l’arrivée des factures. Puis, un matin je me suis réveillée avec une idée claire d’une mise en scène, j’ai tout mis en place sans vraiment réfléchir. Et j’ai réalisé les trois premiers clichés de la série. Je pensais m’arrêter à cette étape, mais la résonance sur les réseaux sociaux était telle, que je ne le pouvais pas. Tout d’un coup, ce projet prématuré est devenu l’objectif de mon enfermement, qui a su combler le vide social. Chaque matin je me réveillais avec un but, qui m’a permis de ne pas perdre la tête et me recentrer sur moi-même. Finalement, c’était une thérapie de moi à moi.

Vous avez choisi l’autoportrait nu, pourquoi ?
N’étant pas spécialisée en photographie de paysage ou en nature morte, l’autoportrait m’est apparu inévitable ! Le nu, lui, résonnait comme une seconde évidence. Si je perdais tout, mon corps serait tout ce qui me resterait et qu’on ne pourrait pas me retirer. D’une certaine façon, être nue me rassurait. Les gants ont été une façon de marquer cette période historique que nous avons vécue, la symbolique de la distanciation sociale et mon ressenti face à la privation du toucher. Les enlever, c’était me sentir vivante.

Si l’enfermement est ce qui a poussé à la création de cette série, quelle était la plus grande difficulté pour sa réalisation ?
Chaque photo demandait une journée de travail parce qu’il fallait visualiser la scène, écrire une histoire et tout installer. En autoportrait, il est toujours compliqué de faire des ajustements de lumière ou de cadrage. Après chaque prise, je devais me relever et vérifier le résultat pour ensuite retourner dans le rôle du modèle.

Quelles sont les photographies de la série qui vous ont le plus marquées ?
J’en citerai trois, la Nature Morte, la Quarantaine et La liberté guidant le peuple. La première, mon buste recouvert d’argile pour le vieillir, était initialement dédiée à la nonantenaire dont je m’occupe en tant que bénévole pour la Croix-Rouge. Mais en regardant le résultat, la vision du suicide collectif que l’humanité toute entière est en train de vivre m’est directement venue à l’esprit. La seconde, est une photo avec mon compagnon, Patrick Grob, qui a fini par me rejoindre  au bout de cinq semaines. Nous avons déjà fait une mise en scène similaire, mais cette fois les gants étaient de la partie. Finalement, la toute dernière, inspirée de l’œuvre d’Eugène Delacroix, a été réalisée sur le toit de mon immeuble avec des ouvriers qui y oeuvraient depuis janvier. Avec autorisation de la régie bien sûr!  Nous l’avons refaite presque à l’identique à la différence qu’il y n’y a pas de peuple derrière, nous sommes à deux mètres de distance chacun et portons les gants, les masques et le gel. Elle marque la fin du confinement.

Vous avez un système de parrainage des photos, en quoi consiste-t-il ?
Quand j’ai montré certains clichés de la série, beaucoup de personne m’ont conseillé de faire une exposition. Malheureusement, les conséquences financières du confinement rendait cette démarche impossible. C’est alors que j’ai pensé au parrainage. Parrains et marraines peuvent ainsi acheter leur image préférée à un prix préférentiel, permettant ainsi de réaliser une exposition au mois de mars 2021. A la fin de celle-ci, toutes les photographies repartiront chez leurs propriétaires. Solidaire, cette exposition est faite pour et surtout grâce aux parrains et marraines, qui auront cru dès le début au projet Quarantaine ! En plus, ce délai d’un an laisse assez de temps pour avoir le recul sur la situation et regarder la collection d’un œil nouveau !

 

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Photo du profil de Eugénie Rousak
Passionnée par l’art et les tendances nouvelles, Eugénie Rousak a plus de dix ans d’expérience dans la sphère médiatique. Après avoir vécu quelques années en France et en Allemagne, elle porte un regard nouveau sur les quartiers de Plainpalais et de Versoix et sa campagne. Munie de son bloc-notes et de son reflex, elle est constamment à la recherche des évènements inédits et intrigants de Genève.

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