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Les écrivains publics de la rue de Carouge, plus utiles que jamais

Les écrivains publics de la rue de Carouge, plus utiles que jamais

Au centre d’intégration culturelle, ces scribes modernes ne chôment pas. Une permanence d’urgence vient d’ouvrir pour les «nouveaux» migrants.

Voilà ce qu’ils disent tous: «A Genève, difficile de se faire comprendre quand on vient d’arriver». Tous, ce sont ces dizaines de migrants qui empruntent l’escalier étroit de la rue de Carouge pour rejoindre le Centre d’intégration culturelle de la Croix-Rouge genevoise (CIC).

Dans le saut-de-loup, la bibliothèque est foisonnante et internationale: 33 000 ouvrages, du farsi au mongol, de l’albanais à l’espagnol. Puis, au bout du couloir, un cagibi discret de quelques mètres carrés, où l’écrivain public fait face à son interlocuteur lors des quatre permanences hebdomadaires.

Les activités d’écriture concernent principalement les démarches administratives. «Lettres à la régie, à l’employeur, mot d’excuse à la maîtresse des enfants, explique Adriana Mumenthaler, coordinatrice du centre d’intégration depuis quinze ans. En ce moment, nous écrivons surtout des lettres de motivation et des CV.»

Le CIC, vingt ans de présence

Ces scribes des temps modernes sont exclusivement des bénévoles au cœur d’un centre qui en compte plus de 100. Après s’être développée autour de ses livres en langue étrangère en 1993, puis des cours de français, l’institution a rapidement identifié la nécessité d’offrir un service d’écriture, il y a dix ans. «En Suisse, le moindre échange doit être mis par écrit avec des formules bien précises. On ne s’en rend peut-être pas bien compte mais, ailleurs, ça ne marche pas ainsi. Alors certains se sentent perdus…» fait remarquer Adriana Mumenthaler.

Le constat est partagé par la jeune Gladys, d’origine congolaise. Au moment où la relation avec son patron devenait conflictuelle, la nécessité de mettre ses difficultés sur papier s’est imposée. «Ici, on est d’abord écouté. On raconte notre histoire, la personne qui est là nous corrige et écrit pour nous. Sans cela, on n’est jamais sûr d’être compris», dit-elle.

Ce jour-là, Gladys s’est adressée à Cécile. Cette responsable de la communication dans une grande entreprise nationale passe tous ses mercredis après-midi à écrire pour les autres. «J’ai commencé il y a un an. Depuis, ça n’arrête pas et je vois la demande s’accentuer. Les services sociaux, l’Hospice général ou l’Office cantonal de l’emploi nous envoient de plus en plus de monde.»

Déclarer sa flamme par écrit

Autant dire que ces hommes et ces femmes qui s’affairent à la rue de Carouge sont au front quand il s’agit d’intégration. Face à eux, les différentes vagues de populations migrantes se succèdent. «Récemment, nous avons vu arriver beaucoup de Polonais et de Bulgares. L’an dernier, des Grecs. Mais aujourd’hui, ce sont les Espagnols», note la coordinatrice du centre. Face à cet afflux récent, les besoins s’avèrent importants, raison pour laquelle le centre d’intégration culturelle a mis en place, en urgence, une permanence d’écrivains publics dédiée exclusivement aux personnes hispanophones.Car le migrant type, en cette fin d’année 2013, est Ibère, âgé entre 20 et 40 ans et diplômé. «Leurs titres sont souvent universitaires et parfois très pointus. Alors nous les aidons à trouver les bons mots pour décrire leurs compétences», éclaire Adriana Mumenthaler.

Mais peut-on restreindre l’écriture à un acte administratif? Cécile, la bénévole, aime parler de son «voyage du mercredi soir». «Je suis en immersion, dit-elle. Je découvre la misère humaine qu’il y a chez nous, mais aussi de belles histoires.» Chacun des écrivains publics a alors, une fois au moins, placé ses mots dans une lettre d’amour signée par un autre. Cécile, elle, a récemment aidé un homme érythréen à retrouver un amour de jeunesse perdu de vue il y a vingt ans, lorsque la guerre faisait rage. Après les retrouvailles, il s’est agi de s’adresser aux autorités fédérales pour permettre à la future épouse de venir en Suisse pour le mariage. «La lettre vient de partir, lâche-t-elle. On attend la réponse. J’espère que ça va marcher.»

 

L’un des plus vieux métiers du monde

Si la fonction est souvent remplie par des bénévoles, il demeure un petit nombre d’écrivains publics professionnels. Après les scribes de l’Egypte ancienne et les écrivains au service des militaires engagés sur le front, «c’est un métier joliment tombé en désuétude, notamment grâce à l’instruction publique», éclaire Michèle Thonney Viani, présidente de l’Académie des écrivains publics de Suisse. «Mais en réalité, l’écrivain public n’a jamais disparu, il est simplement discret.» Les bénévoles exercent-ils une forme de concurrence? «Non, répond Michèle Thonney Viani. Parmi nos clients, il y a des entrepreneurs ou même des universitaires qui font corriger leurs textes.»

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Passionné par l’info au coin de la rue, j'ai commencé à écrire dans ma commune de Vernier.
En parallèle, un site Internet consacré au foot des talus, des études et expériences dans le journalisme local ainsi que de longs voyages à vélo ont tracé mon parcours.

1 commentaire

  1. Bonjour,
    je cherche des personnes pour écrire et dessiner mes projets. Merci de me contacter. Cordialement.Marielle

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