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L’insoutenable légèreté de l’être, le parfum, portrait d’un alchimiste

Jean-Pascal Osmpont
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Jean-Pascal Osmpont

Moi monsieur, si j’avais un tel nez, il faudrait que je me l’amputasse!Cyrano de Bergerac : c’est un roc !..c’est un pic…c’est un cap ! Que dis-je, c’est un cap ?…c’est une péninsule !. Vous avez certainement déjà entendu ces fameuses tirades sorties de l’une des pièces les plus populaires du théâtre français et la plus célèbre de son auteur Edmond Rostand. C’est ainsi que Cyrano de Bergerac célèbre son nez.Mais pas besoin d’avoir un grand nez pour mieux sentir, d’être un Cyrano pour être un « nez » ! Car être « nez » est un métier. Une personne qui met au point des parfums, un parfumeur créateur qui crée des fragrances.

Musc, ambre, jasmin, rose ou muguet : au royaume des odeurs, le parfumeur est roi. Il connaît des milliers de senteurs et est capable d’analyser la fragrance d’un produit, d’en attester la qualité et de nous faire olfactivement voyager en proposant toutes sortes de parfums.

J’ai rencontré un de ces parfumeurs, Jean-Pascal Osmont, pour qu’il nous parle de son métier.

Jean-Pascal , vous êtes parfumeur-créateur, comment devient on un « nez » . Quel a été votre parcours ?

Il y a toujours eu beaucoup de parfums à la maison. Quand j’étais petit ma mère m’emmenait aux « Nouvelles Galeries » à Rouen (ville de ma naissance) et me faisait sentir les parfums. J’aimais traîner dans les étals et profiter de ces odeurs. Et j’ai eu la chance de pouvoir faire un stage en 1984 à Grasse, ce qui a été déterminant pour ma carrière.

Existe t-il une école, une académie pour devenir un « nez » ?

Oui, plusieurs en France, parmi lesquelles l’IPSICA à Versailles mais aussi des écoles internes à de grandes société de parfumerie, notamment à Genève comme Firmenich. Grasse et Paris forment leurs propres parfumeurs via un protocole bien établi sur plusieurs années.

Combien d’odeurs différentes pouvez-vous reconnaître ?

Il y a deux notions. Identifier la famille olfactive et/ou chimique, ce que tout parfumeur doit effectuer sans faute et nommer correctement une odeur, ce qui est beaucoup plus difficile. Sur ce terrain je pense pouvoir distinguer entre 400 et 500 odeurs.

Concrètement, comment développez-vous une fragrance, comment fabriquez-vous un parfum ?

Il faut une grande sensibilité. Bien capter et analyser l’environnement, à savoir bien comprendre ce que le client désire. Ce n’est pas toujours facile car le langage olfactif est assez imprécis. Prendre en compte les caractéristiques du marché auquel le parfum est destiné. Les traditions locales influent beaucoup sur les goûts en matière de parfum.

Quels sont les accords qui vous inspirent ?

J’essaie le plus possible de ne pas me laisser influencer par mes goûts et travailler toutes les notes mais je privilégie les notes vertes végétales et certaines notes florales puissante comme le gardénia, le lys. En parfumerie, j’aime beaucoup l’accord chypre.

Est-il nécessaire pour faire ce métier d’avoir un odorat très développé, une mémoire olfactive ?

Un odorat développé je ne pense pas mais très éduqué ça oui. C’est un sens comme un autre, qui se développe si on l’exerce, et si il est exercé tôt il devient performant et la mémoire vient avec.

Quel a été le déclic qui a fait que vous avez décidé d’ouvrir votre propre laboratoire de parfums ?

J’ai l’avantage d’avoir eu l’occasion de travailler dans de grandes sociétés renommées avant de me lancer dans une aventure dont je connais bien les principes. Nous avons transformé avec mon épouse un ancien théâtre du centre-ville en studio de création de parfums. J’aime bien la liberté de création et la flexibilité que j’ai dans ma société AROVAL et les clients apprécient la proximité du parfumeur.

Quelles sont d’après-vous les touches dominantes pour un parfum pour femme et celles pour un parfum masculin ?

Cela a beaucoup changé. Il fût un temps où les parfums féminins étaient principalement floraux et les masculins des fougères plus ou moins lavandées et boisées et ce n’est plus du tout le cas. Aujourd’hui les parfums féminins peuvent être très boisés et les masculins très floraux aussi. Je pense que actuellement chacun se reconnaît plus ou moins dans un parfum. D’où le succès des notes unisexes qui plaisent aux hommes comme aux femmes.

Peut-on influencer des comportements sur base d’odeurs ?

Oui je pense, à condition que ce soit fait à l’insu du public-cible. Il est d’ailleurs interdit, à ma connaissance, de diffuser l’odeur d’un produit, du pain cuit par exemple pour vendre le pain qui n’est pas fabriqué sur place. Donc oui, ça fonctionne. Des odeurs peuvent effectivement vous stimuler, d’autres vous relaxer. Il faut bien les choisir et les doser.

J’ai remarqué que souvent quand on se met du parfum, aussi bon et fort soit-il, on ne le sent plus au bout d’un moment, par contre ceux qui nous côtoient le perçoivent, pourquoi ?

Notre cerveau fait toujours en sorte d’abaisser sa sensibilité aux odeurs pour rester constamment en alerte aux nouvelles odeurs qui nous entourent. C’est un phénomène naturel. Ce même phénomène qui fait que quand vous quittez quelques minutes une pièce où vous vous trouvez depuis un moment et y revenez, vous sentez des odeurs que vous ne sentiez pas avant de sortir.

Quel a été, d’après-vous, l évolution majeur dans la création de parfums depuis le siècle dernier ?

Le parfum s’est considérablement démocratisé. N’oublions pas qu’au siècle dernier le parfum se vendait très cher et n’était accessible qu’a une certaine clientèle. Aujourd’hui, même si il est encore onéreux, il se vend partout et énormément. Il suit la loi de la mode des odeurs. Un parfum à succès en génère beaucoup d’autres, c’est la loi du marché. Avant ce n’était pas le cas. Un parfum à succès influençait le marché certes mais n’était pas directement copié comme actuellement.

Les parfums de marque sont en général très cher et représente un véritable budget, est-ce vraiment un rapport qualité prix ?

En général oui. Il y a une notion de prix de revient dans un parfum. Selon la nature des matières premières utilisées, rares par exemple, le prix peut beaucoup varier. Certains extraits naturels sont très chers, certains produits synthétiques aussi d’ailleurs.

Votre définition du parfum ?

Le parfum que l’on porte est un prolongement de soi. Comme l’habillement ou la décoration de son intérieur, il révèle un côté de sa personnalité que l’on souhaiterait partager avec son entourage.

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Journaliste, productrice et animatrice d'émissions durant quelques années auprès d'une radio locale genevoise, Dominique est actuellement rédactrice free-lance auprès de divers magasines. Elle a décidé de l'investir également pour Signé Genève.

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