A l’instar d’herbes ou de certaines graminées, on a tous aperçu une fois ou l’autre en pleine ville une plante, un arbuste ou même un arbre, qui croît sur une surface minérale, contre un mur, à l’angle d’un trottoir, dans une grille, une gouttière ou un autre endroit incongru. Malgré l’éloignement de milieux sauvages, le centre urbain n’est pas à l’abri de l’arrivée de semences qui permettent l’implantation de certaines espèces. La moindre graine ailée portée par le vent et qui s’accroche dans une fente ou le plus petit interstice dans le bétonnage de nos cités, peut être propice à l’éclosion d’une semence vagabonde, donner vie à un nouveau végétal.
Face aux constructions humaines, aux gros blocs de béton, aux murs de briques, on pourrait croire que la nature n’a plus sa place. C’est tout le contraire : il suffit en effet d’une microfissure dans un trottoir ou une façade d’immeuble pour qu’elle reprenne ses droits. C’est souvent le cas avec l’ailante glanduleux, arbre bien présent notamment dans la ville de Carouge (voir mon article du 23 septembre 2017). Il s’agit d’une espèce ligneuse non indigène, bien que magnifique, elle fait partie des néophytes envahissantes et qui sont problématiques chez nous en raison de leur croissance rapide, de la forte dispersion de leurs graines ou de leur propagation par drageons.
On se demande cependant comment cette végétation spontanée, non plantée par l’homme, peut survivre, surtout lorsqu’elle se développe dans un espace où il n’y a pratiquement aucun substrat pour que des racines puissent se développer et puiser leurs nutriments, alors qu’elle ne reçoit pratiquement pas d’eau. D’autant plus à la suite d’un été où la sécheresse et le manque de pluie ont affecté tous nos jardins, nos prairies et nos champs. Pourtant, nombre de ces plantes « sauvages » ont tenu le coup malgré les conditions caniculaires extrêmes des deux saisons passées.
C’est quand même le comble : parfois – et on ne sait pas pourquoi – nos propres cultures de plantes ou d’arbustes ne subsistent pas et dépérissent sur nos balcons ou terrasses ! Même si on les a bichonnés dans les règles de l’art en leur offrant un bon terreau, de l’eau en quantité appropriée, souvent même de l’engrais, dans des pots ou des bacs spacieux ; alors qu’en même temps, on voit s’épanouir dans des endroits les plus improbables dans la rue, une fleur coincée entre deux dalles ou une plantule vigoureuse qui pointe entre l’asphalte de la chaussée et un caniveau. La nature reste parfois pleine de mystère, il semblerait qu’elle a horreur du vide : alors une fissure de trottoir suffit pour que la vie s’y engouffre.
On a même vu un plant de tomates-cerises avec ses fruits encore verts, poussant contre le mur devant une allée, dans une minuscule lézarde sur le bitume… Malheureusement, le jour où nous avons réalisé nos photos en déambulant dans les rues, nous ne l’avons plus retrouvé. La solanacée avait été probablement arrachée avant la maturité de ses fruits : l’usage des pesticides chimiques est en effet interdit sur une grande partie des espaces ouverts au public.
On a également observé une pousse de figuier se développer sur un petit pont à Carouge, le long du boulevard des Promenades : même s’il est coupé chaque année par les jardiniers, il met un point d’honneur à repousser inlassablement, toujours plus vigoureux, du moignon qu’on lui laisse et que l’on peut difficilement arracher. Ce dernier est probablement issu de la dispersion de fruits ou de graines par les oiseaux, notamment les merles et les étourneaux qui sont justement très friands de ce qui prospère sur les figuiers et aussi sur les micocouliers. A noter au passage que les fruits charnus de cet arbre, appelés micocoules, sont aussi comestibles pour l’homme : ils auraient même un goût de pomme caramélisée pour ceux qui veulent tester…
Et le plus magnifique exemple de résistance de la nature est certainement démontré par cet arbre qui, depuis des décennies, semble bien s’épanouir malgré un environnement hostile contre le Pont Saint-Léger, rue de la Croix-Rouge/rue de l’Athénée. Lors de votre prochaine balade, il faut absolument aller admirer son tronc noueux, qui fait penser à deux pattes d’éléphant, et ses racines qui ont « perforé » le béton pour aller chercher profondément de la terre et des nutriments. A la sortie de la Vieille Ville, en direction du Parc des Bastions.
Dans les images ci-dessus vous pourrez donc voir quelques-unes de ces curiosités verdoyantes qui croissent à divers endroits de la ville, avant qu’elles ne perdent leur feuillage lors des premiers froids, et qui ont encore – pour l’instant – échappé à l’éradication probable par des employés de la Voirie.