Je ne vais pas vous parler aujourd’hui de l’expression populaire qui marque la surprise, l’étonnement ou l’indignation, mais bien de l’hétéroptère qui a envahi nos jardins, terrasses, balcons et même encadrures de fenêtres durant la dernière canicule. Ces punaises ont même sévi jusqu’à l’automne, cette saison s’étant prolongée en un interminable été indien.
Si j’évoque cette singularité seulement maintenant, c’est que l’insecte a largement eu le temps de s’introduire dans nos appartements lors des chaudes journées de l’été passé : en effet, les fenêtres et les portes restaient souvent généreusement ouvertes en soirée et la nuit, afin de ventiler les pièces. Plusieurs d’entre nous avons eu alors la surprise de découvrir nombre de ces parasites encore ces jours-ci, terrés dans des tentures ou dissimulés dans les plis des rideaux, ou même sur le feuillage des plantes vertes du salon. Sa présence se trahit par l’impressionnant bourdonnement qu’il produit en volant puis au « ploc » qu’il émet en rencontrant une paroi, mur ou vitre.
Originaire du sud de l’Asie, la punaise marbrée, appelée aussi punaise diabolique (ou Halyomorpha Halys pour son nom scientifique), s’est donc invitée chez les habitants pour y passer l’hiver au chaud, y compris en zone urbaine. Grise et marron, elle présente des motifs clairs sur les bords de ses ailes. Elle est aussi beaucoup plus grosse que sa cousine indigène la punaise verte, tout en dégageant la même odeur nauséabonde.
Si à Carouge, mes voisins comme moi-même, avons observé ce phénomène inhabituel l’an passé, l’invasion des punaises asiatiques a cependant concerné toute la Suisse et certainement aussi la France voisine. Elles seraient arrivées via les importations de marchandises à l’aéroport, également dans les bagages des voyageurs ou les Ports Francs. Leur apparition en Suisse daterait pourtant de 2007 : à Genève, elle n’a été observée que dix ans plus tard, cependant elle a surtout proliféré en 2018 à cause des températures extrêmes. Les gens ramènent aussi la punaise marbrée involontairement chez eux lorsqu’ils rentrent d’un voyage en avion, en train, en bateau ou en voiture.
Ces insectes ne sont pas dangereux pour l’homme. Même lorsqu’elles élisent domicile par dizaines (voire parfois par centaines) à l’intérieur des maisons, ces punaises ne représenteraient aucun danger de piqûre, ni d’allergie. Toutefois lorsqu’on les écrase par mégarde, l’odeur qui s’en dégage est absolument répugnante. Consommer un fruit, comme une baie qu’on ne peut pas laver (la framboise par exemple), sur laquelle l’un de ces insectes s’est baladé préalablement est une expérience fort déplaisante. Beurk !
En revanche, l’impact pour les cultures est majeur : lorsque ces bestioles s’installent sur les arbres fruitiers, dans les vergers de pommiers, poiriers, ou pêchers notamment, à cause de leur appareil buccal de type piqueur-suceur qu’elles utilisent pour se nourrir, les ravages sont très rapidement perceptibles. La vigne, le maïs, le soja et le tournesol, de même que certains légumes peuvent aussi être très affectés : en fait, près de 150 espèces de plantes et d’arbres hôtes seraient menacés par cette vermine dans notre pays.
Si ces insectes prolifèrent en Europe, c’est parce qu’ils n’ont pas ici leurs prédateurs et leurs parasites naturels : nous sommes les seuls ennemis de cette bête. Il ne faut donc pas les relâcher dans l’environnement, mais plutôt les éliminer pour réguler leurs populations. On s’en débarrasse à coup de « pschitt » ou manuellement, car si on la laisse vivante, la bestiole est capable de générer une progéniture impressionnante : une femelle donne environ 200 Å“ufs par ponte, deux fois par an ! Il vaut mieux saisir la punaise entre deux feuilles de papier toilette et la jeter dans les WC, ainsi on s’épargne l’odeur pestilentielle qui résulte de l’écrabouillage…
Isabelle PR
Bonjour Jean-Pierre,
Je lis aujourd’hui pour la première fois des mots écrits de ta main et je m’en régale! Riche en recherches, plein d’humour et on y retrouve des mots bien de chez nous:-)
Un petit coucou depuis l’ile, de la ville de « port libre » où nous avons fait connaissance il y a quelques semaines, avec mon mari « bricoleur »
Amitiés et au plaisir de lire cette jolie rubrique!
Isabelle
DannOliv
… en complément de votre réflexion, j’ai crainte que ces insectes puissent survivre au passage rapide dans l’eau, puis se reproduisent dans les égouts…
Personnellement je les capture en les enfermant dans un verre, utilisant une feuille comme couvercle. Il est alors possible d’ébouillanter l’insecte en versant de l’eau chaude dans le verre, avant de jeter l’insecte aux toilettes.
Jean-Pierre
J’ai oublié de préciser que lorsque la punaise est entre deux feuilles de papier WC, je l’écrase quand même… Mais merci tout de même pour votre conseil !
EGGER
Merci, cher Jean-Pierre, nous aussi en avons encore dans notre maison… J’en ai mis une encore hier dans les toilettes !
Une question…Y a-t’il quelque chose qui va permettre de protéger nos arbres fruitier ou nos baies ???
Merci si tu trouves un remède miracle !!
Bises,
ACath
Doppler Laurène
Bonjour Jean-Pierre,
Merci pour ton cours « d’insectologie » sur ces sacrées punaises.
Je suis surprise qu’elles fassent autant de dégâts par là où elles passent.
Je t’envoie plein de belles pensées enneigées.
Bise, Laurène