
Une longue et élégante silhouette sous les marronniers du boulevard des Promenades qui se rend régulièrement au marché. Une terrasse de rosiers et d’hortensias qui domine les toits du Vieux-Carouge. Un sourire accueillant, un esprit ouvert, une longue expérience de la solidarité. Henriette Loutan Barde a, notamment, tenu un refuge de requérant-e-s d’asile kurdes au temple protestant de la Servette alors qu’elle était secrétaire de la paroisse. Ses souvenirs, et ceux du pasteur Jean-Louis Baumgartner qu’elle consulte par téléphone, sont flous… Quelle année était-ce exactement ? 1986 ? 1987 ? 1988 ? Pourquoi ces Kurdes, une quarantaine d’hommes célibataires et quelques familles avec bébés, avaient-ils besoin d’un refuge ? Et comment cela s’est-il terminé ?
– « Brusquement, ils sont partis tous en même temps, ils avaient pu obtenir la protection du canton du Tessin. Certains avaient fait la grève de la faim. Les autres devaient manger dans les familles, je ne me rappelle que de la distribution du petit-déjeuner. Nous avions deux salles de réunion à disposition et dans les sous-sols, un WC et deux douches. C’était l’été, il faisait très chaud et l’angoisse montait, autant chez les occupants que chez les responsables de la paroisse. Mais un des présidents de la paroisse, un enseignant expérimenté, savait très bien mener les opérations. Nous avions recours à des traducteurs. Mon beau-frère médecin était venu et avait ouvert toutes grandes les fenêtres et apporté un ballon de foot : « Il leur faut de l’air et du mouvement ! ». Et l’atmosphère s’était allégée… Les requérants étaient polis et gentils. Je me suis attachée à eux, après leur départ je contemplais tristement les vestiges de l’occupation. Nous avons dû faire venir une entreprise de nettoyage, j’avais pourtant dit qu’il fallait enlever la moquette ! Le pasteur Baumgartner, s’y était opposé, voulant que le sol soit plus doux » .
Cette paroisse avait auparavant accueilli une famille libanaise, qui avait vécu des mois dans une cave pour se protéger des bombardements, lors de la guerre civile du Liban.
Habitant à l’époque à la Servette, j’avais beaucoup admiré cette femme calme et souriante dans la tempête. Peu avant sa retraite, elle s’était remariée avec un Carougeois engagé, Olivier Barde, conseiller municipal libéral, puis député. Et lorsque je j’arrivais à Carouge en 1998, j’eus la belle surprise de découvrir leur nom sur une boîte à lettres de mon immeuble ! Et nous avons vécu de nouvelles aventures ensemble, allant apporter le petits-déjeuners aux nouveaux arrivants au Centre d’enregistrement des requérants d’asile situé alors à la Praille.
- Discrète, Henriette Loutan Barde se cache derrière les rosiers de sa terrasse. © Maryelle Budry
- Dans les années 90, la roulotte de l’Aumônerie genevoise oecuménique pour requérant-e-s d’asile, rue du Léopard, proche du Centre d’enregistrement.