Quand Corsier s’appelait Corzier: histoire d’un village

J’ai découvert, il  y a quelques semaines, un livre, écrit par Bernard Cuénod, intitulé : Corsier, Destin helvétique d’une commune savoyarde. Rédigé en 2007, par l’ancien maire de Corsier, ce livre au titre énigmatique m’a attiré. 

Comment prononcer le nom Corsier ?

Pour les passionnés d’histoire comme moi, ou pour les Corsiérois attachés à leur village, ce livre est une vraie mine d’informations. On y apprend par exemple l’origine de la prononciation du mot Corsier.  Il se prononce actuellement comme s’il était écrit avec un Z, or, il devrait se prononcer comme Corse. Les Corsiérois seraient-ils fâchés avec l’orthographe ? Pas du tout, Bernard Cuénod nous rassure, Corsier s’écrivait à l’origine Corzier, avec un Z. Les habitants sont donc restés fidèles au nom originel de leur commune, quitte à provoquer parfois des erreurs d’orthographe chez leurs interlocuteurs.

On découvre également dans ce livre de belles images d’archives et l’histoire des « vieilles » familles de la commune, dont les descendants vivent encore aujourd’hui dans le village.

Corsier : un village savoyard

Mais ce qui m’a particulièrement marqué dans cet ouvrage, c’est le rattachement « récent » de Corsier à la Suisse. Ce n’est en effet que le 23 octobre 1816, que la commune devient suisse. Avant cette date, elle a été à tour de rôle sarde, savoyarde et française. Au gré des conflits, des victoires gagnées ou perdues, des traités internationaux, le village a changé plusieurs fois de nationalité, de religion et de culture. La population n’était jamais consultée et n’était même parfois pas informée de ces changements.

Ce livre révèle alors clairement que les Corsérois étaient plus attachés à une région qu’à un pays ou une culture. D’ailleurs, lorsqu’en 1816 Corsier et 23 autres communes gessiennes et savoyardes, comme Onex, Chêne-Thônex, Plan les Ouates, Avusy ou encore une partie de Veigy-Foncenex et Ambilly, deviennent suisses, la grogne monte dans la population. Bernard Cuénod nous apprend ainsi que le 24 octobre 1816, « l’archiprête, curé de Carouge, tint au nom de toutes le communes (rattachées à la Suisse), un discours dans lequel il exprimait leur attachement à la Maison de Savoie » (page 67).

A l’inverse, certains genevois voient d’un très mauvais œil l’arrivée de ces nouveaux habitants dans leur canton. Ainsi, M. Trembley-Colladon, député, s’écria avec véhémence : « Si l’on nous donne une portion du Pays de Gex, par exemple 7000 habitants, cela fait 6000 catholiques… Ils seront toujours de vrais adorateurs de Bonaparte. Nous ne serons plus Genevois, mais Genevois-Savoyards… Je suis tolérant, mais je ne veux pas donner mes anciens privilèges à une foule de gens qui nous haïssent… » (page 67).

Ce passage, et l’histoire racontée dans ce livre, font, je trouve, particulièrement écho aux peurs actuelles d’une partie de la population. Nos voisins, de l’autre côté de la frontière, sont encore vus trop souvent comme des envahisseurs. Pourtant en  regardant en arrière et en s’intéressant à l’histoire, on constate que nous faisons tous partis d’une grande et même région. Nous avons une histoire commune et nous ne sommes séparés par une frontière que depuis 200 ans. Et qui sait si dans quelques années, nous serons suisses, français, allemands ou italiens. Nous venons tous du même endroit, partageons une histoire commune et il est parfois bon de lire des livres d’histoire pour prendre un peu de recul et constater que nos voisins sont finalement nos cousins.