Le Léman, la pêche et rien d’autre

Par un jour de grand soleil, j’ai rendez-vous au port d’Hermance, avec Julien Monnet, jeune pêcheur professionnel. Dans un cadre idyllique, face au port, au milieu des filets et des flotteurs qui sèchent, se tient une petite cabane de pêche : la pêcherie de Coheran. Julien Monnet et son ami d’enfance, Romain Gendre, y cohabitent depuis un peu plus deux ans. Ils louent les locaux aux communes d’Hermance, d’Anières et de Corsier et travaillent chacun en indépendant.

Un changement d’orientation

Julien est un passionné. C’est en 1994 qu’il s’installe avec sa famille à Hermance et y découvre les joies de la pêche amateur. « Avec Romain, je consacrais tout mon temps libre, mes week-ends, mes soirées, à la pêche ». Malgré sa passion, Julien débute un apprentissage de monteur-frigoriste et travaille quelques temps dans une entreprise genevoise. « Mais très rapidement, je me suis rendu compte que les bouchons, la vie en ville, les contraintes du travail ne me correspondaient pas. Je voulais retrouver le lac et faire de ma passion mon métier ». Il décide alors de tout abandonner et de reprendre un apprentissage de pêcheur. Durant 6 mois, il travaille chez un pêcheur professionnel, puis passe le diplôme haut la main. Reste ensuite à obtenir un permis. Dans le canton de Genève, seuls 19 permis sont autorisés et les places vacantes sont extrêmement rares. La chance sourit pourtant à Julien, ainsi qu’à Romain Gendre, qui a suivi le même chemin que son ami. Deux permis se libèrent et leur sont attribués.

Des locaux difficiles à trouver

Ils ne sont pourtant pas au bout de leur peine. Ils ont certes tous les deux le sésame tant convoité en poche, mais pas de lieu pour exercer leurs activités. « Vu les prix des terrains au bord du lac, il était pour nous inenvisageable de pouvoir installer une pêcherie ». Durant un an et demi, les deux amis multiplient les démarches, auprès des communes d’Hermance et d’Anières. La ville de Genève a aussi pour projet de construire des cabanes de pêche, près de baby plage. Mais les oppositions au projet de réaménagement de cette zone se multiplient et les cabanes ne voient jamais le jour. Les communes d’Hermance et d’Anières, rejointes par Corsier, proposent alors de mettre à leur disposition une pêcherie commune. Ils vont enfin pouvoir débuter leurs activités et vivre de leur passion.

Un travail contraignant, mais passionnant

La vie de pêcheur n’est pas de tout repos. Julien se lève tous les matins vers 3h15, pour aller relever ses premiers filets. Il pêche, au gré des saisons, du féra, des perches, de l’ombre, des brochets. Il rentre ensuite à la cabane pour préparer le poisson, le vider, le découper, le fumer, puis repart en cours de journée relever d’autres filets. Il est aidé dans sa tâche par son épouse, qui emballe le poisson, et une employée qui fait les marchés. « Ce métier est difficile à concilier avec une vie de famille. Je travaille 80 heures par semaine en haute saison et ne sais jamais d’un jour à l’autre la quantité de travail que je vais avoir ». Pourtant, Julien ne regrette pas son choix. « C’est sûr que si j’avais continué ma carrière de monteur-frigoriste, j’aurais pu profiter de mes soirées, de mes week-end ou partir en vacances. Mais je suis fier d’avoir un métier artisanal, respectueux de l’environnement. Et je profite du cadre majestueux du lac et des montagnes au quotidien ».

Julien a tout de même un regret. « Je n’ai plus le temps de pratiquer la pêche en amateur et cela me manque ». Cela peut paraître étrange, pour une personne qui passe ses journées sur le lac. Mais les pratiques ne sont pas les mêmes et ce que Julien aime par dessus tout, c’est pêcher dans les petits lacs de montagne. Et pour le coup, avec sa nouvelle vie et ce nouveau travail, il n’a vraiment plus le temps de s’adonner à cette passion là.