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Les facettes artistiques de Charlotte

Portrait ©Amandine Gaymard Charlotte Filou et Antoine Courvoisier ©Anouk Schneider Charlotte Filou et Antoine Courvoisier ©Charlotte Courvoisier Scène du spectacle documentaire M’PI ET JEAN-LOUIS ©Carole Parodi
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Scène du spectacle documentaire M’PI ET JEAN-LOUIS ©Carole Parodi

Née en Picardie, la comédienne et metteure en scène Charlotte Filou connait bien les salles genevoises. Après avoir collaboré avec Joan Mompart pour La Reine des Neiges et Ventrosoleil au Théâtre Am Stram Gram et montée sur la scène de la Comédie de Genève dans L’Opéra de quat’sous, elle a décidé de définitivement s’installer dans la Cité de Calvin. Depuis, elle a fondé Filou Théâtre, compagnie de théâtre genevoise, écrit la pièce Hétérotopies, lauréate du festival C’est déjà demain.8, présentée au Théâtre du Loup et créé son premier spectacle documentaire, joué bientôt au Théâtre de la Parfumerie. Rencontre avec cette fille de plateau.

Signé Genève: Vous avez débuté votre parcours artistique dans le milieu du théâtre musical. Pourquoi ce choix ?
Charlotte Filou: Le début de ma carrière a surtout été influencé par mes rencontres. Après avoir passé mon diplôme du Baccalauréat en Picardie, j’ai fait un pacte de confiance avec mes parents : ils allaient me soutenir financièrement durant deux ans, une période probatoire dans le monde théâtral. Je me suis donc rendue à Paris, pour comprendre le fonctionnement de ce milieu, baigner dans une atmosphère artistique et surtout monter sur scène ! Rapidement repérée dans un casting, j’ai été sélectionnée pour jouer dans Cabaret de John Kander et Fred Ebb. Cette comédie musicale a d’ailleurs été nominée sept fois aux Molières. Durant près d’un an et demi je me produisais tous les soirs sur la scène parisienne des Folies Bergère, apprenant mon métier d’une façon empirique. Par la suite, je gravitais dans le milieu du théâtre musical, des opéras comiques et des opérettes, avant de réaliser qu’intellectuellement parlant, je ne me retrouvais plus dans cet emploi. Voulant à la fois changer de direction et me former en théâtre, je suis partie aux USA pour faire un stage intensif.

Ayant vécu en Europe et aux États-Unis, voyez-vous des tendances différentes dans le monde artistique de ces deux continents?
Absolument ! À New-York j’ai surtout été surprise de ne pas découvrir de théâtre avant-gardiste ou de collectifs militants. La grande majorité des spectacles s’insérait dans le répertoire classique ou de divertissement, comme les grands shows et comédies musicales de Broadway. Si j’ai perçu une stimulation esthétique et une place pour la recherche dans les milieux audiovisuel, musical et des arts plastiques que j’ai pu fréquenter, je n’ai pas vu le même engouement dans le monde théâtral. Moi, qui romantiquement m’imaginais au Chelsea Hôtel avec Robert Mapplethorpe ou encore Patti Smith! Ce ressenti s’est d’ailleurs confirmé durant mes cours. A travers le jeu d’acteur et les études du texte, nous apprenions et évoquions un théâtre très analytique, qui sortait peu des cadres. L’Europe est une chance pour la création contemporaine ! Le monde théâtral y est très riche et diversifié, ce qui permet à la fois de proposer une offre large au public et de s’exprimer plus librement en tant qu’artiste.

Pourquoi ?
Cette situation est peut-être due à l’économie marchande dans laquelle doivent s’insérer les productions. Aux USA il n’y a pas ou très peu de financements publics, donc chaque spectacle doit être rentable. En Europe la culture est justement subventionnée pour favoriser la création.

Est-ce cette envie de création qui vous a poussé à revenir sur le Vieux Continent?
Au début, le rêve américain me motivait et j’avais quelques projets qui se profilaient à New York. Mais progressivement j’ai réalisé que la mentalité ne me convenait pas. Je n’étais pas à mon aise aux USA. Quand le metteur en scène suisse Joan Mompart m’a invitée à collaborer avec lui sur un projet de théâtre contemporain, j’ai fait mes valises et l’ai rejoint sur le sol helvétique. Nous avons par la suite collaboré sur d’autres pièces classiques et contemporaines qui me correspondaient plus.

Les comédiens parlent souvent du rôle qu’ils voudraient absolument interpréter durant leur carrière. En avez-vous un ?
Beaucoup de jeunes actrices veulent jouer Antigone pour son côté anticonventionnel et anticonformiste. Je l’aime beaucoup, mais le personnage de sa sœur, Ismène, excite plus ma curiosité. Sa personnalité est très complexe. Elle est profondément dévouée à sa sœur, lui portant un amour sobre et une grande admiration.

Le spectacle musical, dans lequel vous jouiez, a reçu un Molière en 2016. Qu’est-ce que vous ressentez par rapport à cette victoire?
Un Molière est la récompense marquante du monde théâtral français. J’en suis très fière. Mêlaient le théâtre et la musique, les Fiancés de Loches de Georges Feydeau et Maurice Desvallières a une mécanique du rire incroyable et le public se laisse facilement emporter dans l’absurde. Au niveau personnel, cette production a une symbolique très forte et j’en garde un souvenir émouvant. Mon père est décédé durant cette période, et elle m’a aidée à surmonter le deuil. La journée je lui rendais visite à l’hôpital et le soir je rentrais dans la peau de la cocotte Michette, pour tenter de séduire le grand bourgeois. Le jour de sa mort, j’étais également au Théâtre du Palais-Royal et faisais rire la salle avec mon numéro de charme.

Vous avez également connu une expérience de télévision. Où vous sentez-vous plus à l’aise, dans une salle de spectacle ou sur un plateau de tournage?
J’ai joué dans deux séries françaises, l’une sur TF1, l’autre sur ARTE. C’était très intéressant de sortir de mon environnement habituel du théâtre pour découvrir les aléas de la télévision. Si une prise est bonne dès la première fois, elle est dans la boîte et l’équipe passe à la scène suivante. C’est une expression finalement assez éphémère. Le théâtre se distingue quant à lui par la répétition, que cela soit avant la première ou durant les représentations qui peuvent durer plusieurs années. Je suis plus habituée à ce rythme et j’apprécie particulièrement me plonger encore et encore dans le texte, m’imprégner des émotions de mon personnage, le retrouver chaque soir. Je suis très certainement une fille du théâtre, mais ouverte à de nouvelles expériences de plateaux !

Vous êtes également titulaire d’un Master en mise en scène et avez produit plusieurs spectacles. Avez-vous le même comportement dans ces deux emplois ?
Je ne pense pas. En tant que comédienne, j’essaye de faire confiance au metteur en scène et lâcher prise quand je joue. Je me concentre sur mon personnage et fais abstraction de la pièce dans sa globalité. Depuis que je suis passée de l’autre côté, cette maitrise de soi est devenue plus dure car je développe un jugement critique et veux proposer des alternatives. En tant que metteure en scène, j’ai une idée précise du résultat recherché et peux donc guider chaque comédien. Ainsi mon rôle sur scène est d’être le pilier qui donne confiance et rassure l’équipe.

Quelle est la place du public dans les créations?
Contrairement à d’autres arts, le théâtre ne peut pas exister sans son public. Je suis donc partisane de la recherche de soi et de la haute exigence intellectuelle, mais le théâtre ne doit pas se perdre dans des formes trop poussées et une esthétique incompréhensible. En entreprenant une démarche de création théâtrale, je pense directement à l’impact que je veux produire sur la salle. J’ai l’envie de faire sortir le public de sa zone de confort et le voir repartir transformé à la fin du spectacle.

Quelles sont vos sources d’inspiration en tant que comédienne et metteure en scène?
Je suis très sensible au travail du metteur en scène polonais Tadeusz Kantor. Il utilise un symbolisme très puissant, souvent axé sur la mort, avec un rapport particulier au corps et visage. Bien qu’il ait vécu au 20ème siècle, il reste avant-gardiste encore aujourd’hui. Dans un registre plus contemporain, le travail du cinéaste Bruno Dumont m’intrigue beaucoup. Il a une esthétique un peu transcendante avec des personnages au destin tragique. Il filme souvent des amateurs avec des gueules singulières à la Zola.

Et justement en parlant de votre rôle de metteure en scène, vous avez récemment créé un spectacle mêlant théâtre et cinéma. Quelques mots à ce sujet ?
M’PI ET JEAN-LOUIS est un spectacle documentaire qui est parti de la rencontre avec ce couple exceptionnel, que j’ai filmé en 2014 en Picardie. Elle est aveugle et lui il est sourd, ancienne religieuse et ancien prêtre, ils se sont rencontrés pour tomber amoureux. Ils ont ainsi quitté l’église pour se mettre au service des autres et ouvrir leur maison à tous. Elle était ma professeure de piano, qui m’a initiée à la musique et à l’art du théâtre. Marie-Pierre et Jean-Louis étaient presque des parents de substitution pour moi et beaucoup d’autres. Pour réaliser ce spectacle, je suis partie de toutes les images tournées pour créer une structure narrative cinématographique à l’intérieur duquel j’ai écrit des passages narratifs. Le film sera projeté sur trois écrans, alors que la narration sera prise en charge sur le plateau par une comédienne. Programmée initialement en 2020 au Théâtre de la Parfumerie, la pièce sera finalement jouée du 7 au 19 décembre 2021.

Quels sont vos autres projets futurs ?
Avec mon compagnon, le comédien suisse Antoine Courvoisier, nous allons rejouer le spectacle musical CABARET Antoine & Charlotte le 16 avril 2021 à l’Espace Culturel du Bois-Des-Arts à Thônex et le lendemain à la Salle communale de Luchepelet, à Bernex. D’ailleurs, vous pourrez nous retrouver ensemble le 27 mai 2021 au théâtre Les Amis musiquethéâtre à Carouge dans un concert inédit, actuellement en élaboration. Je vais également me revêtir de ma pantoufle dans le spectacle éponyme pour enfants les 18 avril à Bernex, le 25 avril à Thônex et le 28 avril à la bibliothèque du Forum de Meyrin, avant de remonter sur la scène d’Am Stram Gram en juin dans C’est ça, la vie de Willy Dupond.

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Passionnée par l’art et les tendances nouvelles, Eugénie Rousak a plus de dix ans d’expérience dans la sphère médiatique. Après avoir vécu quelques années en France et en Allemagne, elle porte un regard nouveau sur les quartiers de Plainpalais et de Versoix et sa campagne. Munie de son bloc-notes et de son reflex, elle est constamment à la recherche des évènements inédits et intrigants de Genève.

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