Aux premiers rayons du printemps, les  terrasses se sont déployées sur les trottoirs carougeois et ont été prises d’assaut. Avec ou sans parasols, bientôt sous le feuillage des platanes. Certaines rajeunies avec de nouveaux mobiliers. La Café de la Gymnastique, par exemple, a pris un coup de bleu : nouvelles chaises, nouveaux parasols, assortis à la tenture.
Il y a plus d’une centaine de bistrots, restaurants, bars à Carouge. A une Parisienne de banlieue qui me toisait avec un peu de supériorité et de me demandait si je n’étais pas dépaysée dans sa (petite) ville, je me rappelle avoir répondu, dédaigneuse : « Oui, vous n’avez qu’un seul café ».
De toutes sortes, de tous publics, mais tous avec terrasse. Des lieux branchés s’ouvrent chaque jour, des vinelounges, des vintages, des bars à sushis, des comptoirs à vins, etc, tandis que les bistrots « populaires » perpétuent l’esprit artisan carougeois. « La Gymnastique » en est un. Au bas de la première Tour, il rappelle la salle de gym démolie pour faire place aux Tours de Carouge, il y a 50 ans. Christina est la patronne actuelle depuis une quinzaine d’années. D’abord avec son compagnon Carlos, disparu depuis peu, et maintenant, seule, avec deux serveuses qui partagent le service, elle accueille ses habitué-e-s six jours par semaine de 7 heures à minuit. A midi, elle cuisine un plat du jour unique à 16 francs.
Denise, une habituées, adore cet endroit si accueillant où l’on se sent « chez soi » et qui joue un rôle social. Les client-e-s habitant ou travaillant aux Tours, le plus souvent, viennent boire le café, l’apéritif, un dernier verre, après la gym dames, après la partie de pétanque, après un comité, entre deux clients, discutant, discourant, s’engueulant, cancanant, babillant, murmurant, chuchotant La terrasse est des plus agréables, avec vue sur les grands arbres, actuellement en fleurs. Christina sait mettre à l’aise les personnes âgées ou handicapées, les enfants peuvent jouer avec le petit chien, entre la terrasse et la pelouse, la zone est piétonne et sans danger.
Je vais y boire quotidiennement le café avec mon compagnon. Au retour, nous avons croisé une amie, nouvelle dans le quartier :
– Nous revenons de la Gymnastique.
–        Comme vous avez bien fait !
–        Tu devrais dire à ton mari de nous y rejoindre !
–        Oh non, il ne veut pas !
Etait-il si snob qu’il ne veuille pas venir dans un bistrot populaire ? Je m’étonnai. J’avais oublié que le terme « gymnastique » recouvrait aussi des exercices parfois pénibles et pas seulement un pastis au