Accueil | Thématique | Actu | Quand la vitrine est un théâtre

Partager l'article

Actu | Centre | Non classé

Quand la vitrine est un théâtre

Quand la vitrine est un théâtre

Pour susciter la fièvre acheteuse, les commerces multiplient les mises en scène. Cuisiniers, artisans, horlogers: ils deviennent les acteurs d’un spectacle.

«Ciao Nicola.» Les habitants de la rue Dizerens ont pris l’habitude de saluer chaque matin le fromager. Lui, les mains dans le lait caillé, répond d’un signe de tête. Voici des heures qu’il s’affaire dans son atelier spartiate au su et au vu de tous. La vitrine, c’est lui. On le regarde étirer la pâte épaisse et blanche dans un décor d’inox. Certains passants s’arrêtent face au spectacle qui se joue derrière une vitre légèrement embuée. La mozzarella en sera l’épilogue. Pour Angelo Albrizio, l’un des deux fondateurs de la fromagerie Casa Mozzarella, l’idée d’une vitrine vivante n’est pas apparue tout de suite. Mais, au fil du temps, elle est devenue une évidence pour attirer le chaland. «Le filage est une étape spectaculaire, alors nous avons décidé de le montrer. Pour nous, c’est bien sûr un moyen de faire connaître nos produits, mais des considérations didactiques et culturelles expliquent aussi le choix de cette vitrine.»

Comme chez le maître-fromager, les vitrines humaines se multiplient dans le centre-ville. Le travail de l’artisan, du cuisinier ou du technicien est mis en scène. En poursuivant son chemin sur une rue perpendiculaire, la cuisine d’un restaurant franchisé spécialisé dans les pâtes se confond presque avec le trottoir. Chez Mezzo di Pasta, on appelle ça «la cuisine-spectacle». L’enseigne a déjà répliqué cet agencement dans ces quatre restaurants en Suisse. «Les clients ont besoin de savoir ce qu’ils ont dans leur assiette», explique Sidney Barkats, le directeur. Au-delà des considérations esthétiques, les enseignes misent alors sur la transparence. Pour Angelo Albrizio, exhiber les artisans est une garantie tangible de produits faits à la main.

Les horlogers également

Mais il n’y pas que la restauration qui dévoile ses coulisses. Arrêtés au feu rouge de la rue Voltaire, les automobilistes aperçoivent des horlogers au travail. Si le fabriquant horloger Cvstos a quitté sa zone industrielle de Meyrin pour s’installer à Saint-Gervais en 2009,  c’est justement pour offrir ce type de spectacle dans un quartier pas franchement réputé pour ses boutiques de luxe. «Nos horlogers sont notre meilleure publicité», assure Antonio Terranova, cofondateur de la marque. L’approche se veut ici «horizontale» dans un univers réputé pour sa culture du secret.

«C’est du marketing expérientiel»

A vrai dire, le concept a un nom et fait l’objet de nombreuses recherches. «C’est du marketing expérientiel», éclaire sans hésitation Johanna Brunneder, chercheuse à HEC Genève. «C’est une tendance générale. C’est dans cette optique que les supermarchés ont rapatrié les boulangers dans leurs magasins. Il faut les voir à l’œuvre, sentir l’odeur du pain…» analyse l’experte en marketing. Dans cette perspective, la promotion ne passe plus par un bombardement massif de messages et de slogans, mais privilégie l’immersion et une certaine forme de partage.

Si l’approche mise sur l’humanisation, Johanna Brunneder balaie toutefois la vision romantique que pourraient laisser entrevoir ces stimulants à la consommation: «La plupart du temps, les commerçants sélectionnent les employés qu’ils veulent exposer en public. Tout le monde n’est pas fait pour ça.»

De leur côté, ceux qui ont opté pour ce type de mise en scène confirment l’efficacité de la démarche. «Ça a accéléré la marche des affaires», affirme avec certitude Angelo Albrizio. Quant à Sidney Barkats, il ne compte pas se passer du concept de «cuisine-spectacle» pour les 5 à 8 enseignes qui devraient ouvrir en Suisse en 2013.

Théâtre en vitrine ou dans la rue?

Mais au final, qu’en pensent ceux qu’on exhibe en vitrine? «Etre en contact direct avec les clients au lieu d’être caché en coulisse, c’est un avantage», soutient Serge Labrosse, chef étoilé du restaurant Le Flacon, à Carouge, qui vient d’inaugurer une cuisine visible de l’extérieur comme de l’intérieur. «Mais on doit se tenir à carreaux», précise-t-il sur le ton de la plaisanterie.

Pour Nicola, le maître-fromager de la rue Dizerens, comme pour les horlogers de Cvstos, le rôle d’acteur ne pose aucun problème. «Je suis tellement en transe quand je travaille que rien ne me déconcentre. Et quand je vois ce qui se passe dans la rue, c’est moi qui ai l’impression d’être au théâtre.»

 

 

 

Partager l'article

J'écris un article
Photo du profil de Luca Di Stefano
Passionné par l’info au coin de la rue, j'ai commencé à écrire dans ma commune de Vernier.
En parallèle, un site Internet consacré au foot des talus, des études et expériences dans le journalisme local ainsi que de longs voyages à vélo ont tracé mon parcours.

1 commentaire

  1. I tasted every kind of chease made by Nicola Antonicelli, ‘le fromager’, and they are fabulous!!! I recomend them!!

    Répondre

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas affichée. Les champs obligatoires sont indiqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

J'accepte les CGU

Mot de passe oublié

Inscription