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Depuis 1985, Roger Rosset est archiviste à l’Etat de Genève. Entre anecdotes historiques et dossiers sensibles, rencontre avec ce passionné de généalogie au service des genevois.
Si elles étaient mises bout à bout, les archives de l’Etat de Genève s’aligneraient sur 30 kilomètres. Une véritable caverne d’Ali Baba qu’il faut classer, conserver et mettre à disposition des citoyens. Un travail de titan abattu par une équipe de quinze personnes, parmi lesquelles Roger Rosset, archiviste depuis plus de trente ans.
Inventaire à la Prévert
Parmi les documents conservés dans pas moins de sept dépôts, on trouve aussi bien des registres notariaux du 18e que des microfilms ou même des pièces à conviction. « On conserve par exemple le vélo de l’affaire Jaccoud, les fioles de l’affaire Popesco ou le masque de Mitterrand utilisé par le ravisseur de la fille de Frédéric Dard, énumère Roger Rosset. On essaye de récupérer les pièces à conviction de procès qui ont marqué les gens ». Le travail d’archiviste nécessite donc une grande connaissance de son environnement. « Pour être un bon archiviste il faut apprendre l’histoire de Genève, ses institutions. Bref, savoir comment la vie y est organisée » décrit Roger Rosset.
Un métier qui a beaucoup évolué
Le travail d’archiviste est par essence contradictoire. « D’un côté, nous devons conserver les documents pour les transmettre aux générations futures et de l’autre, nous devons permettre leur consultation » explique Roger Rosset. Pages arrachées, manipulations brusques… les documents souffrent du contact avec les lecteurs. « A l’arrivée du numérique, on a vécu une vraie révolution, se souvient-il, les gens consultent désormais des images sans abîmer les originaux ». Mais leur conservation n’est pas pour autant facilitée. « Le service informatique garantit pendant 10 ans la consultation, pas plus. Sur le long terme c’est plus cher de conserver des documents numérisés qu’en papier » souligne Roger Rosset.
Un métier au cœur de l’actualité
Durant sa carrière aux archives, Roger Rosset a dû s’occuper de plusieurs dossiers sensibles au cœur des controverses médiatiques de l’époque. « Je me suis occupé de la question des réfugiés juifs lors de la Deuxième Guerre Mondiale. Il a fallut créer une base de données pour retrouver rapidement les documents, se rappelle-t-il. Encore aujourd’hui d’anciens réfugiés ou leurs enfants l’utilisent pour voir leur dossier »
Actuellement, l’archiviste est chargé de l’épineuse problématique des enfants placés. « Il y a une commission indépendante d’experts qui va travailler sur ce sujet, donc je dois réunir tous les documents concernant ce sujet. » expose Roger Rosset. Une tâche compliquée quand on sait qu’un dossier contient souvent des informations sur plusieurs membres d’une famille et qu’il faut leur autorisation pour utiliser leurs données personnelles. Retrouver tous ces membres nécessite l’utilisation d’une science qui passionne notre archiviste : la généalogie.
Une science aux applications variées
Longtemps méprisée des historiens, la généalogie est aujourd’hui un moyen parmi d’autres pour les aider dans leurs recherches. Etablir les liens de parenté entre individus permet d’expliquer de nombreuses situations. « On comprend que des hommes politiques se pistonnaient parce qu’ils étaient de la même famille ou encore que certains mariages étaient motivés par la fortune de l’un et la noblesse de l’autre ce qui permettait aux époux de gravir un échelon dans la société » raconte Roger Rosset. Dans un tout autre domaine, certains médecins étudient des maladies génétiques en reconstituant l’ascendance pour comparer les gênes. Il y a même de la psycho-généalogie. « Des gens pensent que leurs névroses proviennent de secrets de famille qui ont été mal gérés » décrit Roger Rosset. Une idée farfelue ? « Lors de mon travail je me suis rendu compte qu’il y a des générations d’enfants placés, le grand-père était placé, le père était placé… les schémas se répètent d’une génération à l’autre ce qui pourrait justifier que des psychologues recourent à la généalogie pour résoudre certains problèmes » poursuit notre archiviste.
Une Mère Royaume à Wallis-et-Futuna
Il y a un siècle, un archiviste avait établi la descendance de la Mère Royaume mais cela n’a pas été entretenu. Roger Rosset y remédie durant son temps libre. « Sur 17 générations, on voit comme une colonne vertébrale d’où partent des branches qui mènent à toutes les célébrités genevoises que ce soit Calvin, Rousseau ou Henri Dunant » détaille notre passionné. Mais on retrouve dans cette descendance des arrière-petits-enfants plus éloignés de ces figures de la Rome protestante. « Je me suis rendu compte que l’évêque de Wallis et Futuna était un descendant de la Mère Royaume, je l’ai même vu officier lors de la messe de Noël sur France 2 » s’amuse notre archiviste avant de reprendre plus sérieusement « cela montre bien que le monde est devenu très petit et que nous sommes tous plus ou moins parents ».
Une véritable vocation
Aujourd’hui proche de la retraite, Roger Rosset ne regrette pas ses nombreuses années aux archives. « On apprend tous les jours quelque chose et l’on ne s’ennuie jamais, car on touche à tout : santé, travaux publics, justice… c’est très varié » s’enthousiasme-t-il. Avant de nous quitter, il tient d’ailleurs à citer l’ancienne archiviste d’Etat, Catherine Santschi. « Elle disait qu’il faut 10 ans à temps plein pour faire un bon archiviste. Aujourd’hui, on n’arrête pas de dire que les gens doivent changer de métier tous les 5 ans, mais pour un archiviste le temps passé au contact de ses archives est une valeur ajoutée. »
