Comment rebondir après un trauma? Éléments de réponse avec Pierre Bezençon, praticien en Somatic Experiencing à Genève.
Lorsque les traumatismes nous submergent, que le stress et l’anxiété ne sont plus supportables, et que le repli social s’installe, comment rebondir pour retrouver notre énergie et notre vitalité? À Genève, un spécialiste accompagne des personnes polytraumatisées. Interview de Pierre Bezençon, Gestalt praticien à Genève, formé à la Somatic Experiencing.
Vous êtes praticien Gestalt. Quelle formation avez-vous suivie?
Je me suis formé en Gestalt thérapie à l’EPG à Paris. Lors de ce cycle de formation, j’ai suivi un stage d’introduction à la Somatic Experiencing. J’ai eu une révélation parce que dans cette pratique, le lien qui existe entre le corps et l’esprit est formellement établi. En somatic, on travaille sur le système nerveux afin de le remettre en équilibre. Suite à ce stage, je me suis formé auprès de l’institut Cefort à Paris.
Qu’est-ce que la Somatic Experiencing et d’où vient cette pratique?
La Somatic Experiencing a été créée par Peter Levine, docteur en biophysique médicale et psychologue. Dans les années 1970, ses recherches l’ont amené à développer cette approche clinique de la résolution des traumas. Il a collaboré avec la NASA en tant que consultant en matière de stress. La somatic travaille sur la physiologie et le système nerveux, c’est une thérapie d’exposition pour se soulager et guérir du trauma.
Après un traumatisme, sentir ce qu’il se passe dans son corps est loin d’être facile. Par où commencer?
L’idée est d’aller chercher de l’activation chez la personne, afin de pouvoir travailler les décharges. Si quelqu’un a été violenté, qu’il s’est figé et qu’il s’est coupé de lui-même et que l’on ne retrouve pas une partie de cet état-là , le système nerveux ne va pas pouvoir faire son travail, qui est soit d’attaquer, soit de fuir. Nous allons alors accompagner la personne pour qu’elle puisse se réexposer au trauma, mais on ne le revit pas à 100%, seulement par parties et graduellement. Je vous donne un exemple: Si une personne a été traumatisée par une opération à l’hôpital, l’idée n’est pas de revivre le trauma le jour J, mais de sentir comment vous étiez le jour avant l’opération. Si de l’anxiété était déjà présente et revient, alors nous pouvons aller travailler cela, afin que le système nerveux autonome puisse faire son travail de décharge et retrouver cette énergie bloquée. Parfois les signes corporels peuvent être un bâillement, un soulagement, un tressaillement, rien de très spectaculaire.
Est-ce que vous suivez des personnes angoissées suite au Covid-19, que ce soit sur le plan professionnel ou personnel?
Je constate que cela a accentué un état de désorientation général et surtout chez les jeunes de 20-30ans. Qui suis-je? Quelle est ma mission? Qu’est-ce que je peux faire aujourd’hui? Il y a eu beaucoup de contraintes face à la solitude, la privation de liberté, ce qui a amené du stress et de l’anxiété. Certains ont perdu leurs proches et tout cela n’est pas facile à gérer. Les gens qui viennent en consultation constatent que l’avenir est incertain. Il n’y a plus de loisir et beaucoup de choses ont été supprimées, comme le fait de ne plus pouvoir se réunir ou de voyager. Il y a un vrai travail de sens à faire pour pouvoir retrouver de la vitalité, de l’énergie et ainsi aller de l’avant. C’est important d’avoir un but, une vision, même si je ne peux pas tout de suite aller où j’aimerais.
Y a-t-il un seuil de résilience différent, selon notre manière de vivre un trauma?
En somatic, nous mettons l’accent sur la capacité de notre système nerveux à résister correctement à quelque chose de traumatique sans se figer. À un moment donné, lorsque c’est trop pour le système nerveux, c’est la branche dorsale du système parasympathique ventral qui se met en œuvre et qui bloque toute la mécanique. C’est comme si vous aviez la pédale de frein enfoncé et la pédale de gaz en même temps, c’est à ce moment-là qu’il se fige. Le seuil de tolérance va dépendre de notre entraînement, je vous donne un exemple: en cas de chute, un skieur professionnel va avoir un seuil de résilience au trauma qui va être plus élevé que quelqu’un qui skie une ou deux fois dans la saison. Il peut y avoir les souvenirs que l’on a qui font que cela réactive des vécus de manière disproportionnée chez nous. En somatic on appelle cela le surcouplage. Par exemple: quelqu’un qui a subi un traumatisme important à l’hôpital face à une opération va être beaucoup plus sensible au moindre geste médical un peu mal placé. Cela remet la personne à l’endroit de la trace qu’a laissé le trauma originel. Pour votre système nerveux, c’est beaucoup, alors que pour d’autres, cela sera vécu d’une manière totalement différente.
Pourquoi vous consulter?
Les gens viennent parce qu’il y a de la souffrance et que cela n’est plus supportable pour eux. Anxiété, stress, manque d’envie ou repli social, l’idée est de retrouver de la vitalité et la capacité d’être créateur. Nous avons tous des traumatismes, mais pour certains ça va très bien et pour d’autres cela n’est plus possible de fonctionner. Le travail va demander un certain engagement, mais il faut y aller tranquillement.
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