Accueil | Slider actualités | Le Cimetière des Rois, peste, peine de mort et droit à la vie

Partager l'article

Actu | Centre

Le Cimetière des Rois, peste, peine de mort et droit à la vie

L’obélisque face à « La Tribune de Genève » photo: Maryelle Budry Albert Camus Photo: Wikimedia commons L’obélisque face à « La Tribune de Genève » photo: Maryelle Budry L’obélisque face à « La Tribune de Genève » photo: Maryelle Budry Jean-Jacques de Sellon (Amis de la Fondation Cavour)
<
>
L’obélisque face à « La Tribune de Genève » photo: Maryelle Budry

Ce temps de confinement a été idéal pour lire ou relire « La Peste » d’Albert Camus, paru en 1947. Il y décrit une ville assaillie par une épidémie mortelle, d’abord mystérieuse puis diagnostiquée comme peste. Les autorités choisissent la fermeture de la ville, coupée du reste du monde, pas vraiment le confinement que nous connaissons. Les gens enfermés dans leur ville peuvent toutefois continuer à se rencontrer, à travailler et à fréquenter restaurants et spectacles. Evidemment, nous sommes dans une fiction, mais de nombreux éléments de ce roman philosophique nous frappent par leur actualité brûlante.
Un des personnages principaux, qui mourra de la maladie le jour du déconfinement, dans les cris de joie de la population, explique que pour lui la peste, c’est de donner la mort, sciemment, en toute impunité, comme son père procureur le faisait. « Je me disais que je refuserais de jamais donner une seule raison, une seule, vous entendez, à cette dégoûtante boucherie… J’ai décidé de refuser tout ce qui, de près ou de loin, pour de bonnes ou de mauvaises raisons, fait mourir et justifie qu’on fasse mourir. »
Je lisais cela alors que mes promenades de « personne à risque » me font fréquenter le cimetière des Rois, ancien domaine réservé aux pestiférés chassés du centre ville par crainte de la contagion. Tout près de l’entrée principale, dans la première allée à gauche derrière les monuments dédiés à Alfred Vincent, Adrien Lachenal et Alexandre Gavard, un petit obélisque est élevé en hommage à « l’inviolabilité de la vie de l’homme ». Cette stèle datée de 1832 a été érigée par la volonté de Jean-Jacques de Sellon (1782-1839), citoyen de Genève et comte du Saint-Empire, comme indiqué dans la pierre. C’était un notable, fils de banquier, propriétaire d’un hôtel particulier rue des Granges et du château d’Allaman, un collectionneur d’art, un mécène, un écrivain et surtout, un pacifiste engagé contre la peine de mort, ce qui devait être rarissime à l’époque. .
Les inscriptions sur le monument semblent disparates, y figurent diverses personnalités qui se sont engagées contre la peine de mort et pour la paix. Nicolas de Flüe, « pacificateur de la Suisse », Henri IV et son ministre Sully, le duc Léopold de Toscane, contemporain de de Sellon, qui tenta de gouverner pacifiquement dans une région en furie. On site une Elisabeth « qui supprima la peine de mort en Russie », probablement l’impératrice Elisabeth I, fille de Pierre le Grand, et les Etats américains du Maine et de (New) Hampshire qui ont aboli la peine de mort en 1837. De Sellon « ouvrit un concours au monde entier pour signaler les meilleurs moyens de procurer une paix générale et permanente ». C’est un docteur Sartorius qui gagna ce concours. Qui était-il ? que préconisa-t-il ? Même s’il avait trouvé des idées, aucune n’a appliquée, le XXème siècle qui suivit fut tellement meurtrier… Cet obélisque, ainsi que le caveau de famille, se trouve dans le cimetière des Rois depuis 2006, déplacé du Petit-Saconnex pour être ainsi placé parmi les personnalités qui ont participé au rayonnement de Genève.
Certes, il y quelques tombes d’officiers de l’armée suisse, mais la grande majorité des morts de Plainpalais sont des artistes, des écrivain-e-s, des musiciens, des peintres, des politiques genevois-e-s qui ont administré la ville sans effusion de sang.
Ce cimetière de Plainpalais, parc si heureusement fréquenté durant le confinement, est un havre de paix, aux plantes flamboyantes, digne de célébrer « l’inviolabilité de la vie humaine ».

Partager l'article

J'écris un article

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas affichée. Les champs obligatoires sont indiqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

J'accepte les CGU

Mot de passe oublié

Inscription