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«On ne sait pas ce qui va se passer avec la glace»

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Un trentenaire collongeois a traversé à la voile le passage du Nord-Ouest pour rejoindre l’Alaska. Il est le quatrième Suisse à réussir l’exploit. 
Il l’a fait. gé de 36 ans, le navigateur de Collonges Andrew Cassels est devenu le quatrième marin helvétique à rejoindre l’Alaska par le passage du Nord-Ouest (lire Signé Genève du 7 septembre dernier). Parti de Concarneau en Bretagne le 3 avril 2022, il a rejoint Pond Inlet au Canada, début du passage, le 9 août, puis est arrivé le 22 septembre à Kodiak, au sud de l’Alaska avec son équipage. Il repart le 14 février pour retrouver son bateau en Alaska et poursuivre son voyage. Interview

Quelle a été votre motivation pour engager ce voyage au long cours vers l’Alaska en passant par le nord?

J’ai un grand intérêt pour toutes ces régions de haute latitude, tout ce qui est paysage vraiment sauvage, la nature dans son état le plus pur. Les endroits où c’est vraiment le cas sont le nord de la Norvège, le nord de la Russie, qui est difficile d’accès de nos jours, le Groenland, le nord du Canada, l’Alaska et après, il y a la Patagonie. Assez rapidement la décision a été prise de faire le nord des Amériques et la Patagonie. Le passage du Nord-Ouest, quelque part, c’était le moyen rêvé pour traverser la zone qui est idéale à voir entre le Groenland et le Canada et de rejoindre l’Alaska plutôt que de traverser le canal du Panama et de remonter.

Il y a relativement peu de marins qui passent par là, c’est assez récent de pouvoir traverser le passage du Nord-Ouest?

C’est un passage qui est unique, dans le sens où très peu de gens le prennent, mais il y en a davantage maintenant avec le réchauffement climatique. Il y a de moins en moins de glace, la saison s’ouvre de plus en plus. Mais ça reste tout de même des zones qui sont extrêmement reculées, avec des risques qui sont très élevés. Donc il y a peu de gens qui le parcourent, c’est clair.

Y a-t-il des risques à emprunter ce passage?

Statistiquement et récemment, on risque de se faire bloquer dans les glaces une année sur cinq. Donc on a 20% de chances de rester coincé dans la glace. Si cela arrive, il a une chance sur deux de perdre le bateau et 10% d’avoir quelqu’un qui est blessé gravement.

Donc le plus grand danger c’est de rester bloqué dans la glace.

Oui. Si c’est le cas, il y a le risque de perdre le bateau et après, il faut survivre. On est très loin de toute civilisation, d’un village ou d’un poste de secours. Avec un peu de chance, il y a un bateau de garde-côte qui passe, mais il faut être là la bonne semaine, le bon mois. Il y a vraiment peu de gens dans la zone. Chaque fois qu’on va à terre, on risque de rencontrer un ours blanc, etc. Donc il faut toujours avoir un fusil avec soi pour se défendre au cas où. Il y a aussi le problème des cartes qui ne sont pas du tout précises, surtout en termes de profondeur. Donc on a de fortes chances de toucher le fond plus ou moins gravement.

Un autre bateau parti plus ou moins en même temps que vous a éprouvé des difficultés, juste?

Oui, un bateau qui est passé deux jours après nous a été bloqué dans la glace durant dix jours avec un autre navire. Le skipper était suisse et ils ont dû se battre contre la glace durant dix jours, 24 h/24. Finalement la glace s’est ouverte et ils ont réussi à sortir. Du coup, avec ces dix jours de retard, ils étaient vraiment pressés par le temps, sur cette saison qui est extrêmement courte.

Combien de temps dure cette saison durant laquelle on peut traverser le passage du Nord-Ouest?

On considère qu’on peut rentrer dans le passage à la fin de la première semaine d’août, et qu’il faut sortir au plus tard à la mi-septembre. Historiquement et statistiquement. Mais cette année 2022 était très bonne car il y avait très peu de glace. Après coup, on a remarqué que la glace est arrivée tard, donc on aurait pu prendre plus de temps, mais cela, on ne le sait jamais avant.

Quelles ont été les principales difficultés que vous avez éprouvées lors de ce passage, avez-vous eu assez de vent?

Je m’attendais à naviguer davantage au moteur, on a eu de la chance en termes de vent. Les deux tiers de la navigation se sont passés à la voile. Donc ça, c’est très bien. Quant aux difficultés qu’on a rencontrées, c’est surtout ce côté inconnu. On ne sait pas ce qui va se passer avec la glace. On a cette espèce de pression constante qui nous pousse à avancer pour sortir à temps. Des prévisions météo aussi qui sont au mieux hasardeuses. Et surtout ces distances qui sont incroyablement grandes. Chaque fois qu’on arrive dans un village, notre première question aux habitants est: avez-vous du pétrole, de la nourriture et de l’eau?

Vous étiez partis avec suffisamment de nourriture, j’imagine…

J’avais assez de nourriture pour que, si le bateau restait bloqué dans la glace, je puisse y rester pendant toute une année et avoir assez à manger. Ça n’aurait pas été très intéressant mais au moins je pouvais survivre.

Vous n’étiez pas seuls sur le bateau. De qui était composé votre équipage?

Il y avait trois équipiers avec moi, deux Genevois et un Chilien. Parmi les deux premiers, l’un est mon meilleur ami d’enfance, on se connaît depuis qu’on est haut comme trois pommes et on a souvent navigué ensemble, sur le lac ou en mer. Il a pu prendre deux mois de congé pour me rejoindre et venir sur le passage. C’est Guillaume Tacchini. Le deuxième, c’est Marc Houlmann qui est un fervent navigateur sur le lac et qui a pas mal navigué en mer, il a par exemple fait la Mini Transat, qui est une course très connue. Il m’a beaucoup aidé à la préparation du bateau. Il s’agit d’un professeur de sport retraité. Il était très motivé à me rejoindre, et le dernier participant, c’est mon oncle: Pedro Duisberg, également à la retraite et qui s’occupait surtout de la partie mécanique, il est très débrouillard. Les deux premiers sont principalement compétents du côté voile. Eux étaient présents pour le passage du Nord-Ouest. Mais avant cela il y a eu des rotations, des gens qui venaient pendant une ou deux semaines. J’ai aussi eu le support constant de Céline Chanal, ma copine, notamment avec un important support de routage météo et logistique pendant le passage.

Comment se passe la vie de tous les jours sur le bateau?

La base, c’est qu’on a des quarts à faire. Deux heures durant lesquelles chacun est responsable du bateau, savoir ce qui se passe, vérifier s’il y a de la glace, faire les manœuvres requises. Par rotation de deux heures. Deux heures de travail et six heures de «repos». Pendant ces dernières, si c’est la nuit, on dort et si c’est le jour, on peut préparer un repas, généralement pour tout le monde. Et une grosse partie du temps libre, c’est de la planification: on cherche des fichiers météo, des passages sur les cartes et forcément, on répare des choses, car il y a toujours des trucs qui cassent.

Vous retournez en Alaska en février pour quelle raison?

Cette partie du voyage va être un peu différente. Cette fois, j’y vais avec ma copine, Céline Chanal,  qui a pris une année sabbatique. On mettra le bateau à l’eau et on va suivre toute la côte ouest des Amériques. Avec au début des climats froids au nord, à la fin février, mars. On a vraiment l’espoir de pouvoir aller skier depuis le bateau, dans une petite crique, descendre à terre, puis après monter en peau de phoques. Au printemps, on découvrira toute la zone de la Colombie-Britannique avec ses milliers d’îles. Là, le danger ne sera plus tellement la glace mais plutôt les troncs qui flottent. Ils ont tendance à rester juste en dessous de la surface de l’eau, ils peuvent avoir un gros impact sur le bateau, selon la vitesse. Après Vancouver, on ne va pas faire beaucoup d’arrêts, peut-être San Francisco et Los Angeles, car cela ne nous intéresse pas beaucoup. Descendre au Mexique, continuer vers le Costa Rica, le Panama, puis les Galápagos pour faire un peu de plongée sous-marine, puis repartir en direction du Pérou, du Chili pour arriver en Patagonie. C’est le programme pour 2023. Zigzaguer dans les canaux pendant trois mois. Après, il faudra que je ramène le bateau en Europe, probablement en suivant la côte ouest de l’Atlantique, la côte est de l’Amérique. Mais tout peut encore changer.

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Journaliste RP, fasciné par le tissu local genevois, ses petites histoires et sa fascinante diversité,  je participe avec l’équipe des Reporters de quartier à la réalisation de Signé Genève sur le site et dans le journal.

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