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Rencontre avec Jim Zbinden, directeur du musée du skate

Mr Jim Zbinden présente des skateboards dans son musée.© DR
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Mr Jim Zbinden présente des skateboards dans son musée.© DR

Genève abrite de nombreux musées, mais connaissez-vous The Geneva Skateboard Museum, situé au 20, avenue Henri-Golay, à Châtelaine? J’ai rencontré Jim Zbinden, le directeur et concepteur de ce musée original, un passionné qui se dévoue depuis 1995 pour présenter au public des skateboards de tous bords, vintage et actuels. Le skate qui est d’ailleurs devenu une discipline non négligeable depuis qu’il est devenu sport olympique récemment à Tokyo.
Quel est votre parcours? Comment avez-vous découvert le skate et décidé de créer en 1995 The Geneva Skateboard Museum, le musée genevois dédié aux skateboards?
Mon parcours est atypique et accidentel. Je n’étais pas fait pour l’école, je m’en suis donc éloigné le plus vite possible. Punk, grunge, antisocial, marginal, il existe de nombreux termes qualifiant les gens de mon époque. Le skate, je l’ai découvert en 1978 avec mon papa, qui était toujours à la recherche de nouvelles choses. Un jour, il est rentré avec ces objets étranges qu’il avait trouvés dans un débarras, c’est immédiatement devenu une passion. J’ai compris plus tard que ce sport ou ce loisir, selon les vues, allait bouleverser de nombreuses générations et qu’il fallait le conserver. L’idée d’en faire un musée est très vite entrée dans ma tête, sa concrétisation a pris un peu de temps.
Vous faites partie du collectif Pulp 68. Quelle est l’origine de cette appellation? Et quelle est sa mission?
«Pulp Fiction» sort en 1994 et si aujourd’hui c’est devenu un film classique, il faut se replonger dans l’époque. «Reservoir Dogs» avait été un électrochoc, «Pulp Fiction» a été un ouragan. Nous étions chez moi, avec des amis, à la recherche d’un nom pour notre association. Au mur, Uma Thurman nous regardait avec sa frange et sa clope, le nom était trouvé! Nous nous sommes fixés comme mission de promouvoir, aider les pratiquants et conserver ce patrimoine pour le partager. Si aujourd’hui le skateboard est devenu olympique, il n’en était rien il y a vingt-six ans, le combat fut long et il n’est pas terminé.
Vous êtes un collectionneur assidu. Combien de skateboards accueille votre musée? D’où viennent-ils? Comment les sélectionnez-vous?
Nous avons plus de 1500 skateboards et 25’000 objets liés à cela (textiles, autocollants, revues, VHS, chaussures). Ils proviennent de vide-greniers, de brocantes, de débarras et, pour certains, de donations. Nous aimerions vraiment être le passage entre la cave et la déchetterie car beaucoup finissent, hélas, dans des bennes à ordures. Nous récupérons tout, il n’y a pas de sélection au départ. Certains sont archivés pour le musée, d’autres démontés pour aider à en remonter d’autres. Les moins intéressants sont offerts aux enfants ou à des artistes, la demande est énorme.
Quel est celui que vous êtes le plus fier de posséder?
Ce choix est une question récurrente, mais il n’y a pas de réponse définie, en tant que musée du skate, nous sommes aussi le gardien des souvenirs de tous ces gens, chaque pièce est unique, par son parcours, son ancien propriétaire. Il m’arrive de retrouver, bien des années après, son premier usager et lorsque j’arrive à le contacter, c’est toujours magique. Nous avons des pièces qui nous ont été offertes par des parents ayant perdu leur enfant, ce genre de cas, qui glace le sang, donne tout son sens à notre musée et nous sommes fiers de pouvoir offrir des murs pour ce genre de cas. Je suis fier de posséder chacune des pièces exposées, bien sûr j’ai des préférences et des recherches personnelles, mais je laisse chaque visiteur faire son propre choix. Ma préférée reste cependant la création de l’artiste Japonais Haroshi que j’ai eu la chance de rencontrer plusieurs fois à Tokyo.
J’imagine que depuis le siècle dernier, les skateboards ont beaucoup évolué. Quelle est l’innovation la plus marquante depuis toutes ces années?
La plus grosse évolution, c’est l’homme, c’est aussi ce qui fait la beauté de ce sport. Techniquement parlant, le skate n’a plus changé depuis 1992, mais les figures sont devenues de plus en plus techniques. C’est incroyable et passionnant de suivre un sport qui n’évolue que par la créativité et non la technologie.
Vous avez ouvert un magasin associatif. Qu’est-ce que vous y proposez?
Nous proposons des marques locales et étrangères, nous recherchons des pièces rares et différentes. Il faut savoir que les ventes font vivre le musée et permettent de garder les visites gratuites. Il y a du neuf, de la seconde main, des pièces rares et nos propres créations.
En octobre 2019, juste avant le début de la pandémie, vous avez organisé un événement amusant, la Halloween Night at the Skateboard Museum, avec une visite du musée à la lampe de poche et soupe à la courge offerte. Allez-vous la refaire cette année?
Nous cherchons toujours à proposer des choses surprenantes, nous ne nous attendions pas à un tel succès ce soir-là. Différents quartiers étaient en feu à la suite de la sortie du film «The Purge», qui prône la violence urbaine, et chez nous, c’était la fête, la bonne humeur. Nous cherchons toujours à nous amuser et faire partager cette bonne humeur… Pour cette année, nous n’avons pas encore décidé ce que nous allons faire, c’est souvent un déclic soudain et on se relève les manches pour le concrétiser.
Y aura-t-il d’autres événements cette année?
Cela ne dépend pas que de nous, hélas, la situation reste particulière et nous avons choisi de ne pas infliger de mesures contraignantes ne permettant pas de vivre pleinement des moments heureux. Pour moi, aller à un concert de rock, assis, à deux mètres de distance avec un masque sur le visage ne correspond pas à la vie que j’ai envie de mener. Nous préférons attendre que la situation redevienne acceptable et vivre ensemble ces moments magiques.
Pour les personnes intéressées par ce sport, vous organisez des ateliers et des cours de skate. Tout le monde peut s’inscrire ou y a-t-il des contre-indications physiques?
Il n’y en a aucune, l’école est ouverte à toutes et tous. Nous essayons de proposer cette découverte à tous ceux qui le désirent, j’avais même réalisé une initiation avec des enfants mutilés par les mines antipersonnel, un moment très fort et marquant.
Exigez-vous un protocole de sécurité à ceux qui viennent pour la première fois s’exercer au skateboard?
Rien n’est exigé, tout est conseillé. Nous avons de nombreuses recommandations, les échauffements en font partie ainsi que d’accepter la chute car c’est lié à la pratique. Mais bien que des écoles existent, le skateboard est bien souvent une découverte personnelle et permet de travailler sur des points importants comme la confiance en soi et la persévérance. C’est une formidable école de la vie, qui d’ailleurs ne s’adresse pas uniquement aux enfants.
Pour les néophytes en la matière, il paraît qu’il existe un documentaire intéressant sur le skating.
Il en existe de nombreux, le plus facile d’approche pour comprendre pourquoi ce sport est si incroyable est «Lords of Dogtown», sorti en 2005. Nous avons aussi tourné un film en 2006 nommé «Plaza», qui montrait la jeunesse genevoise et ses talents. Il est visible sur de nombreuses plateformes gratuites. Les réseaux sociaux regorgent d’images du monde entier qui démontrent à quel point ce sport est important.
Quels sont vos projets?
Je me lève chaque matin avec une nouvelle idée, parfois j’arrive à la concrétiser, parfois non. Parfois c’est immédiat, parfois cela prend des années… je pense être ce que l’on nomme aujourd’hui un hyperactif. J’aimerais assurer la survie du musée, car c’est la moitié de ma vie et beaucoup de sacrifices, faire comprendre aux gens qu’il ne faut pas jeter leurs vieux skates mais nous les déposer, continuer de construire des espaces de pratique, enseigner, partager. Comme je l’ai dit en intro, je n’ai pas choisi cette vie, mais j’en suis fier et l’héritage que je porte se doit d’être transmis. Mon grave accident de 1995, qui m’a privé de pratiquer, est aujourd’hui ma force, mon engagement reste pour les autres, pour moi l’histoire est déjà écrite.

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Photo du profil de Dominique Wyss
Journaliste, productrice et animatrice d'émissions durant quelques années auprès d'une radio locale genevoise, Dominique est actuellement rédactrice free-lance auprès de divers magasines. Elle a décidé de l'investir également pour Signé Genève.

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