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Interview Sophie Bedoian, directrice des Pompes Funèbres Générales à Genève.

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On les surnomme souvent « croque-mort » mais à notre époque ils sont devenus des agents funéraires. Ce sont des hommes et des femmes qui se dévouent pour gérer et adoucir le processus de deuil des familles car un enterrement réussi équivaut à des adieux réussis.
Interview avec Madame Sophie Bedoian, directrice des Pompes Funèbres Générales à Genève.
Pourquoi avez-vous choisi de travailler dans ce secteur ?
C’est une histoire de famille. Mon père est entré dans la société en tant qu’assistant funéraire en 1987 et il est maintenant Directeur Général. Depuis toute petite, j’ai toujours connu les Pompes Funèbres Générales et l’agence de Carouge. Ma mère l’a rejoint en 2001 comme Directrice Administrative. Pour ma part, je me suis lancée dans cette activité en 2006, après mes études en hôtellerie et restauration qui m’ont apporté une grande rigueur et le sens d’un service à la clientèle irréprochable. Mais il me manquait quelque chose. L’aspect tellement humain et tellement vrai de notre profession rend cette activité une vocation plus qu’un réel travail. J’ai maintenant la sensation d’être vraiment utile.
Quels sont les différents métiers au sein d’une entreprise funéraire ?
Tout d’abord, lorsqu’une famille prend contact avec notre entreprise elle est accueillie par un assistant funéraire, qui va se charger de l’organisation complète des obsèques ainsi que de toutes les formalités administratives qui y sont liées. Nous leur faisons choisir le cercueil, l’urne, nous prenons contact avec les officiants et/ou les communes, nous nous chargeons des commandes de fleurs et de la rédaction de l’avis mortuaire. A la suite de cet entretien, ce sont les agents funéraires qui vont prendre en charge le corps de la personne décédée.
Lors de la cérémonie, nos familles sont accompagnées par un maître de cérémonie qui est en général l’assistant funéraire qui les a reçues et de quatre agents funéraires qui portent le cercueil, arrangent les fleurs et accueillent l’assemblée à l’entrée du lieu de la cérémonie. Notre métier, que ce soit en tant qu’assistant funéraire ou en tant qu’agent funéraire est très varié ! Il faut être relativement polyvalent.
Y a-t-il une formation spécifique pour les agents funéraires ?
Actuellement, il n’y a pas de formation à proprement parler. L’Association Suisse des Services Funéraires (ASSF) propose des modules de formation débouchant sur un Brevet Fédéral d’entrepreneur de pompes funèbres depuis quelques années mais qui n’est pas obligatoire pour le moment. C’est un métier qui s’apprend de toute façon tout au long d’une carrière. Même nos collaborateurs qui ont 20 ans d’ancienneté rencontrent encore des situations inédites !
Ces agents sont-ils, entre-autre, des étudiants qui cherchent à payer leurs études ?
Rarement. C’est un peu difficile dans ce milieu de prendre des personnes temporaires. Dans le cas des étudiants, une fois autonomes ils doivent reprendre le chemin des études.
En revanche, nous avons des personnes retraitées qui travaillent chez nous comme agents funéraires auxiliaires (à l’appel) depuis de longues années. Cela leur permet de faire un complément financier et surtout de rester dans la vie active. Nous avons aussi des thérapeutes indépendants qui complètent leur activité.
Enfin, nous avons aussi et surtout nos agents funéraires fixes qui travaillent à temps plein. Ils sont la plupart du temps formés chez nous et restent généralement très longtemps !
D’après vous, quelles qualités sont requises pour travailler au sein des pompes funèbres ?
A mon sens, les qualités indispensables seraient une grande capacité d’écoute et d’adaptation, un large esprit de tolérance, de la discrétion, de la délicatesse et de la douceur.
A cela il faut ajouter beaucoup d’empathie, de la rigueur et une excellente présentation et vous avez les assistants et agents funéraires parfaits !
Avez-vous aussi des contacts professionnels avec les thanatopracteurs ? C’est à dire les personnes qui s’occupent d’embaumer les morts. Est-ce une pratique courante ?
Oui, nous faisons régulièrement et de plus en plus appel à des thanatopracteurs. Leur intervention n’est pas obligatoire, sauf dans le cadre des rapatriements à l’étranger puisque certains pays les exigent, mais ils sont fortement conseillés. Cela améliore et prolonge la présentation du défunt à la famille. Cela fait aussi partie du processus du deuil de pouvoir se recueillir auprès de la personne disparue dans les meilleures conditions possibles. C’est pourquoi il est très important d’être entouré de vrais professionnels formés pour cela Le thanatopracteur a une part très importante dans le deuil et je crois qu’on ne le souligne pas assez.
Comment faites-vous pour accueillir toutes les familles en deuil. Ça ne doit pas être facile moralement de côtoyer la mort au quotidien ?
C’est un métier qui se fait d’abord avec le cœur. C’est une vocation ! Nous aidons les familles dans des moments difficiles il faut donc être là pour les guider et les accompagner le plus efficacement possible dans un temps relativement court ! Nous devons donc mettre au maximum nos états d’âmes de côté, même ce n’est pas toujours facile. Nous sommes très souvent touchés et émus face à des gens qui viennent de perdre un être cher. Dans des situations particulières, il arrive que l’on ne puisse pas arriver à penser à autre chose qu’à la famille que nous accompagnons. Nous nous sommes tous réveillés en sursaut dans la nuit en nous demandant si nous n’avions rien oublié ! On ne peut pas imaginer l’implication des assistants et des agents funéraires dans ce métier et l’impact que ce dernier peut avoir sur notre vie personnelle. Et quand une famille nous remercie, nous envoie un petit mot plein de gratitude ou nous prend dans ses bras, alors nous savons que nous avons rempli notre mission. La gratitude et la reconnaissance de nos familles, c’est notre moteur !
Vous occupez vous aussi des cérémonies musulmane ou bouddhistes ? Si oui, comment cela se passe-t-il ?
Nous organisons les cérémonies de toutes les confessions et savons répondre aux attentes de tous. Par exemple pour les défunts de confession musulmane, nous les transportons directement à la Mosquée où aura lieu le rituel, et fournissons le nombre de draps nécessaires ainsi que l’eau de rose. Le jour de la mise en terre, nous accompagnons la famille qui se charge de porter le cercueil et de le mettre en terre. Chaque confession a son propre rituel (veillée mortuaire, encens, danse, musique, etc. …). Il est donc important que nous puissions nous adapter à toutes et tous.

Il y a quelques semaines il n’était pas possible d’aller à une cérémonie funéraire si on ne faisait pas partie de la famille très proche pour des raisons de sécurité sanitaire du au Covid 19 ; actuellement, comment se passent les cérémonies, quelles sont les consignes ?
Cette période de crise sanitaire a été très vraiment très difficile. Les restrictions ont été drastiques, pour le bien de tous, mais au détriment des familles dont le processus de deuil a mal commencé. Le plus frustrant pour nous pompes funèbres a été de ne pas pouvoir leur proposer de solutions alternatives. Actuellement, nous n’avons en général plus de restrictions pour le nombre de personnes autorisées mais nous continuons à nous en assurer auprès des lieux de cultes au moment de l’organisation des obsèques. Le port du masque est en revanche lui obligatoire, ainsi que la désinfection des mains et le traçage des personnes présentes. Je recommande donc à toutes les personnes qui devraient se rendre à une cérémonie d’adieu de préparer un petit papier avec ses coordonnées ou alors de venir avec un peu d’avance afin de pouvoir s’inscrire. Ceci pour éviter que les cérémonies ne commencent avec du retard.
J’ai constaté que vous étiez aussi en relation avec une société de prévoyance funéraire. En quoi cela consiste-t-il ?
Effectivement, nous réalisons des contrats de prévoyance funéraire avec Azur Prévoyance Funéraire SA. Tout d’abord, un contrat de prévoyance est unique. Cela va du choix du cercueil à la rédaction anticipée de l’avis mortuaire, en passant par le choix du lieu de la cérémonie, le type de sépulture et même le choix des fleurs. Nous prenons le temps d’étudier ensemble les volontés de nos clients, de les rassurer sur d’éventuelles inquiétudes et d’établir un budget en fonction de leurs possibilités. Il faut prendre le temps de la réflexion car c’est une démarche personnelle qui est parfois difficile à faire. L’établissement d’un contrat de prévoyance funéraire rassure la personne concernée car elle sait qu’elle sera prise en charge rapidement et que tout se déroulera selon ses volontés. Aujourd’hui, les membres d’une famille vivent souvent aux quatre coins du monde. Pour les enfants, il est rassurant de savoir que leurs parents ont tout prévu et que, le temps de revenir de l’étranger, l’organisation a déjà commencé. De plus, il peut y avoir des conflits importants dans les familles. Le contrat de prévoyance a le mérite de tranquilliser et de mettre tout le monde d’accord. Nous remarquons aussi qu’il y a de plus en plus de gens qui vivent seuls. Dans ce cadre aussi, c’est très rassurant de savoir que tout est bien organisé et que nos volontés seront respectées. Nous rencontrons parfois des situations dramatiques, comme lorsque des personnes n’ont pas de famille vivent seules ou en EMS et n’ont laissé aucune directive.
Les pompes funèbres ne sont pas en mesure de prendre la décision de procéder à une crémation ou à une inhumation. Les volontés de la personne ne pourront donc pas forcément être respectées et je crois qu’il n’y a rien de pire. De plus, les comptes bancaires étant bloqués au moment du décès, qui doit prendre en charge les frais d’obsèques si rien n’a été prévu en amont ? Nous avons le regret de constater que des défunts restent chez nous ou à la morgue de nombreux jours avant qu’une décision ne soit prise par quelqu’un. Ainsi, pour une personne seule, établir un contrat de prévoyance paraît essentiel. Enfin, l’aspect financier est aussi important. Toutes les personnes qui viennent nous voir sont soulagées une fois le contrat souscrit car, le moment venu, elles ne laissent pas cette charge financière à leur famille. Il faut cependant être vigilant et faire appel à de vrais professionnels du funéraire pour que tout ce qui est consigné dans le contrat soit réalisable lors du décès, mais aussi faire appel à une entreprise de prévoyance funéraire qui existe depuis longtemps et qui a pignon sur rue. Nous voyons fleurir des plateformes internet qui donnent des informations et des conseils sur ce qu’il faut faire le moment venu et qui se proposent de consigner vos volontés. Mais pour la plupart, ce ne sont pas des professionnels du funéraire. Seule une société indépendante et spécialisée dans ce domaine comme Azur Prévoyance Funéraire peut garantir le respect des volontés de ses clients et la sécurité optimale des fonds versés.
Quel a été pour vous le souvenir le plus touchant dans votre métier ?
Il n’y a pas qu’un souvenir touchant, il y en a plein ! Ce serait impossible de tous les citer. Que ce soit pour une personne qui a plus de 100 ans ou une personne plus jeune, l’émotion vient de la famille qui est en face de nous et le souvenir naît de ce qu’elle nous permet de partager avec elle. Il est évident que nous gardons des souvenirs beaucoup plus forts lorsque ce sont des enfants ou des très jeunes parce que ce n’est pas dans l’ordre des choses et que la douleur de la famille est incommensurable. Mais si je dois n’en garder qu’un, ce serait l’une de mes toutes premières cérémonies. Un petit Monsieur qui, à la sortie de l’église, s’est effondré sur le cercueil de sa femme et ne voulait pas la laisser partir. Ils étaient très âgés, le décès était attendu mais la douleur et les larmes de ce Monsieur étaient communicatives. Je crois que nous avons tous terminé cette cérémonie avec les yeux humides et la gorge serrée.
Est-ce que la profession que vous pratiquez a changé votre vision de la mort ?
Absolument pas ! Nous n’avons toujours pas envie de mourir et nous redoutons tous la perte de l’un de nos proches ! En revanche, cela a fortement changé notre vision de la vie. Nous n’appréhendons plus les choses de la même façon et relativisons beaucoup. Nous apprécions différemment les petites choses de la vie.
J’ai eu l’opportunité d’approcher Jean-Michel Loire, agent funéraire, et lui ai posé quelques questions.
Comment en êtes-vous venu à faire ce métier?
Depuis très longtemps déjà, j’ai toujours souhaité pouvoir travailler dans le funéraire.

Quel est votre parcours professionnel?
Après mes études secondaires, et un peu par hasard, j’ai travaillé en tant que majordome pour des grandes familles de ce monde, à Paris et dans le canton de Vaud

Quels sont exactement vos tâches lors d’un décès ?
Tout d’abord, s’assurer qu’un certificat de décès a été établi par un médecin. La levée de corps du défunt a l’hôpital, en EMS ou à domicile. Habillement du défunt, si ce n’est pas déjà fait et maquillage si nécessaire. Mise en bière de la personne, dans son cercueil. Dépôt et reprise de documents administratifs dans l’état civil du lieu d’habitation de la personne décédée, afin de pouvoir procéder à l’inhumation ou incinération de cette dernière.

Comment arrivez-vous a appréhender la tristesse des familles et la mort que vous côtoyez chaque jour?

J’ai à cœur d’apporter du réconfort et de l’empathie pour les personnes touchées par un deuil et de les accompagner au mieux à travers mon activité. Une vie de famille stable et équilibrée aide fortement à supporter la tristesse  que l’on voit au quotidien.

Ce métier a-t-il changé votre vision de la mort?
Oui, aujourd’hui je n’ai plus peur de la mort.

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Photo du profil de Dominique Wyss
Journaliste, productrice et animatrice d'émissions durant quelques années auprès d'une radio locale genevoise, Dominique est actuellement rédactrice free-lance auprès de divers magasines. Elle a décidé de l'investir également pour Signé Genève.

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