Au Lignon, tout le monde se renvoie la boule

Installée en 1984 à l’entrée du quartier, la structure se présente dans un état de délabrement avancé. A l’heure de l’entretenir ou de la démanteler, personne n’accepte de passer à la caisse.

A chaque pluie, une couche de crasse supplémentaire. Un coulis noir qui dégouline sur la surface de cette sphère de cinq mètres de diamètre qui fut, un jour, beige. En creux et dans un style propre aux années 80, de grandes lettres L et C (pour Lignon Centre) annoncent la présence de commerces. Puis un logo oublié laisse apparaître un animal – est-ce un castor? – qui nous dit: «Faut y aller!»

Voici près de trente ans que la boule en polyester occupe l’unique voie d’accès et de sortie du Lignon: son giratoire. Par lassitude sans doute, la plupart des habitants ont cessé de la voir. D’autres, en revanche, espèrent au pire un toilettage, au mieux son démantèlement. «Elle n’a plus aucune raison d’être, clame Robert Borgis, rédacteur de l’Echo d’Aïre et figure du quartier. Il y a bien longtemps que le centre commercial a changé de logo.»

Si la fin de l’histoire de la boule du Lignon n’est pas encore écrite, son début n’annonçait rien de très glorieux. En effet, en janvier 1984, tandis qu’un hélicoptère acheminait la structure, celle-ci se fracassait au sol. Six mois et un gros raccommodage plus tard, elle était fin prête. Avant cela, les discussions et demandes d’autorisation avaient duré quatre ans. Une période durant laquelle le directeur de l’agence locale de la Banque Populaire Suisse, également président de l’association des commerçants du Lignon, avait porté ce projet et surtout mis la main au porte-monnaie. Valeur totale: 50 000 francs.

Inaction collective

Trois décennies plus tard, «cette boule, c’est un sac de nœuds», s’accordent les interlocuteurs. Au centre commercial, le temps a eu raison de la plupart des acteurs de l’époque, y compris la banque. Par ailleurs, l’association des commerçants ne semble pas disposée à prendre seule en charge les travaux. «Il faudrait peut-être détruire la boule, mais surtout la remplacer, car nous manquons de signalétique, explique Hakan Sahin, vice-président. Mais pour l’instant, aucun exécutant n’a été désigné.» Puis il livre son état d’âme: «Nous avons le sentiment qu’au Lignon, les propriétaires font le strict minimum.»

Du côté de Wincasa, la régie immobilière mandatée par le propriétaire du centre commercial, à savoir la caisse de pension de l’Etat de Zurich, on n’entend pas assumer les coûts: «Notre rôle est de gérer les locaux. Même si on nous a soufflé l’idée, ce n’est pas à nous de mandater une entreprise pour scier ce symbole du quartier», affirme un responsable. Quant à la Commune de Vernier, elle reste en retrait et patiente en vue des grands travaux de réaménagement de la route du Bois-des-Frères et de l’avenue du Lignon. Ceux-ci devraient démarrer en 2014.

Une association s’active

Au final, le premier mouvement concret vient de l’association LignONthemove, qui s’est proposée de nettoyer la boule devenue boulet. Des contacts sont en cours afin de financer les travaux et d’offrir de petits jobs à des jeunes du quartier. La sphère retrouvera alors peut-être sa couleur d’origine. C’est déjà ça.