Ces douanes fantômes qui hantent la frontière

Sur la trentaine de postes-frontières que compte le canton de Genève, seuls quatre sont aujourd’hui actifs. Si certaines bâtisses servent encore aux entraînements des douaniers, les autres dépérissent. Reportage.

La route en bitume s’arrête juste avant un petit pont de pierre surplombant l’Allondon, dans les bois, non loin de Satigny. De l’autre côté, c’est la France. Au-delà, c’est un chemin de terre qui prend le relais à travers un champ où des chevaux broutent tranquillement. Pourtant, c’est là que la balade se termine: la voie est fermée par une barrière, verrouillée par un cadenas. Sur le côté, à quelques mètres d’une petite guérite abandonnée, un panneau défraîchit annonce la couleur: «Attention. Service Fiscal. Passage Interdit».

Pour rejoindre le département de l’Ain, il faut donc rebrousser chemin. Quelques kilomètres plus loin, sur la route du Mandement à Dardagny, le franchissement de la frontière se fait en revanche sans encombre. Seul signe indiquant qu’on quitte la Suisse, un panneau du même service fiscal invitant le voyageur à se présenter à la douane de Bardonnex pour toute déclaration.

Plus que quatre postes ouverts

Tels des navires échoués sur le rivage, des dizaines douanes à l’abandon sont ainsi disséminées tout le long des 110 kilomètres de frontière qui séparent le canton de Genève de la France. Au total, il y aurait trente-quatre points de passage qui, jadis, étaient contrôlés par le Corps des gardes-frontière. «Aujourd’hui, en plus des patrouilles mobiles, quatre lieux de garde fixe subsistent à Bardonnex, Cornavin, Vallard et Ferney», confirme l’adjudant Michel Bachard, porte-parole des douaniers genevois.

Les trente autres points de passage entre la Suisse et la France sont depuis plusieurs années fermés. Une fermeture qui a débuté en 1993-1995, notamment pour des raisons de manque d’effectifs, avant de prendre un coup d’accélérateur au printemps 2009 avec l’entrée en vigueur des accords sur l’espace Schengen et la fin des contrôles systématiques de personnes aux frontières.

Quelques bâtiments vendus à des privés

De Jussy à Satigny, en passant par Veyrier, Troinex ou Chancy, les postes de douanes, suisses comme français, sont pour la plupart vides. «Ces bâtiments appartiennent à la Confédération. Seuls quelques-uns ont été vendus et sont désormais occupés par des particuliers ou des entreprises, précise l’adjudant Michel Bachard. Pour les autres, bien qu’ayant l’air abandonnés, en réalité ils servent toujours. Ils nous permettent notamment d’héberger les gardes-frontière qui viennent en formation à Genève.»

Abandonnés mais pas pour autant oubliés. En effet, certains points de passage font quotidiennement l’objet d’une attention particulière. Equipés de barrières métalliques, ils sont chaque soir fermés à la circulation. Et ce, jusqu’au petit matin. «Faute d’effectifs, cette tâche a été confiée aux communes qui mandatent des sociétés de sécurité privées pour procéder à leur fermeture chaque jour vers 19 h», explique Michel Bachard.

Les postes-frontières laissés-pour-compte ne sont pas près de disparaître du paysage genevois, la Confédération n’ayant pas prévu de les démanteler. Et, qui sait? Peut-être reprendront-ils du service un jour.

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