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Dardagny à l’heure des vendanges

Photo ©Mathias Deshusses
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Photo ©Mathias Deshusses

Le mois de septembre est unique. Les rayons de soleil qui enveloppent en fin de journée les vignes d’une douce couleur orangée plongent les coteaux dans une ambiance magique. L’atmosphère de Dardagny est singulière en cette fin d’été, tant le vignoble fourmille d’activité. L’incessant va-et-vient des tracteurs et des remorques, l’odeur parfois âcre qui en émane et le ballet chorégraphié des ouvriers dans les rangées de vignes sont autant de petites choses qui rythment la vie du village en ce début d’automne. Le départ de la saison des vendanges au cœur de la campagne g’nevoise est donné.

C’est justement par une belle journée ensoleillée que j’arrive au Domaine Les Hutins. Ici, le vin est une affaire de famille. Ici, le raisin se cultive avec passion depuis cinq générations. Ici, le chasselas se fait cristallin, ciselé, étincelant, avec une structure étonnante et une fraicheur détonante. Dégustez donc un Bertholier 1er cru et revenez m’en dire des nouvelles. C’est à mon goût, et sans conteste, l’un des meilleurs chasselas de la région ! Ou comment sublimer un cépage encore trop souvent considéré comme bas de gamme par bon nombre de personnes. Mais je m’égare.

Au chemin de Brive, impossible de manquer le domaine ni d’ignorer la tâche qui l’occupe car c’est une énorme machine qui m’accueille au-devant de la cave. L’égreneur – j’apprendrai son nom plus tard – est une nouvelle machine qui permets de gagner un temps considérable tout en préservant le raisin. Lequel, par un processus de vibrations et de grilles, se retrouve nettement moins écrasé que dans un égrappoir traditionnel, m’explique Guillaume Zumbach, tout en surveillant la manœuvre d’un œil attentif. Guillaume est le fils d’Emilienne Hutin-Zumbach, et ensemble, ils cultivent la terre familiale. Emilienne a repris en 2008 le domaine, alors tenu depuis plus de 30 ans par son père, Jean Hutin, et son oncle, Pierre Hutin. Et cela se passe plutôt bien !

Justement, comment se déroulent les vendanges sur un domaine qui compte presque 20 hectares de vignes ? « En temps normal, nous avons cinq employés à l’année. Durant ces trois semaines intensives, ce ne sont pas moins de 20 personnes qui viennent nous prêter main-forte » me glisse Emilienne. Soit 16 coupeurs et 4 porteurs. « Ces vendanges s’annoncent bien. Pourtant, nous n’avons pas été épargnés. Après 2017 et son coup de gel, voici 2018 et sa grêle. La météo nous a joué un sale tour en juillet, et personne ne l’a vu venir. Mais elle nous a ensuite aidé en séchant les baies abimées, donc on ne va pas trop lui en vouloir. Ces aléas font partie intégrante de notre métier, il faut apprendre à composer avec », continue la viticultrice. « Nous avons d’ailleurs commencé les vendanges plus tard que dans d’autres régions, car cette attaque de grêle a eu pour effet de « bloquer » l’évolution du raisin, en terme de concentration et de teneur en sucre. Ce qui explique ce léger décalage au final », poursuit-elle. « Mais le timing est parfait, car les températures, entre 12° et 18°, sont idéales pour vendanger. Plus basses ou plus élevées, et c’est la marge de manœuvre qui se restreint pour la suite du processus, avec une construction du millésime plus délicate. »

D’ailleurs, comment se présente-t-il, ce millésime 2018 ? « Ce sera assurément un très beau millésime », me confie Emilienne, avec un brin de malice dans les yeux. « L’été a globalement été assez chaud, et surtout très sec. Du coup, les raisins ont forcément moins de jus, mais celui-ci est plus concentré. Tout cela va évidemment jouer sur l’équilibre et la complexité du vin », m’explique l’experte en œnologie. « En termes de volume, les quantités seront moindres, avec un tiers environ de moins qu’estimé. Mais 2018 sera incontestablement une belle année », termine-t-elle, le sourire aux lèvres. Un millésime de l’extrême, pourrait-on presque penser, au vu de ce qu’a enduré la vigne durant cette année.

Un millésime en grande partie bio, surtout. « C’est vrai, plus de la moitié de nos vignes sont actuellement en culture biologique », reprend Guillaume. « Et pour 2019, c’est l’ensemble du domaine qui sera officiellement traité avec de cette manière », m’annonce-t-il fièrement. Cette approche, sans herbicide, sans produits de synthèse, c’est lui qui en consolidé la pratique lorsqu’il a commencé à s’investir pour le domaine familial. Et il en est convaincu, la vigne s’en porte mieux. « C’est sûr, il y a des moments de doutes, c’est un travail de longue haleine et il faut du temps avant que cela ne porte ses fruits. La prochaine étape, qui a d’ailleurs déjà commencé sur plusieurs parcelles, c’est le travail en biodynamie, afin de rétablir l’équilibre entre le sol et la vigne. Tiens, regarde le Bertholier 1er Cru, justement. On sent clairement la différence ! » On lit une passion débordante dans son regard, et cela fait du bien.

Bon, mais alors, cela consiste en quoi, la biodynamie, exactement ? « C’est une méthode qui vient de Rudolf Steiner, et qui date de 1924 déjà », reprends Emilienne. « Il s’agit de redéfinir le rapport entre la terre et la vigne, en tenant compte des différents cycles de la nature, comme celui des astres notamment. » Et concrètement ? « On peut ajouter des tisanes d’osier ou d’orties lorsqu’on traite la vigne, pour renforcer l’activité, ou encore nourrir le sol avec des préparations à base de bouse de corne. Bien sûr, cela peut paraitre saugrenu dit comme ça. Mais il y a un vrai changement dans le comportement de la vigne, et je trouve que cela mérite réflexion. »

Et comment cette démarche est-elle perçue dans le petit monde viticole ? « Moi je ne juge pas. Chacun fait ce qu’il croit bon. Mais il y a quelque chose qui me parle, assurément. C’est un investissement en temps, en énergie et en argent. Mais c’est notre domaine, notre terre, et on souhaite le meilleur pour son avenir. » Au vu des résultats dans le verre, on ne peut que la féliciter et l’encourager dans cette démarche !

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