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La Destinée de l’ancien poste de police de la Servette

Photo (c) Mathias Deshusses
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Photo (c) Mathias Deshusses

C’est un endroit que bon nombre de g’nevois connaissent bien. Le numéro 59 de l’avenue Wendt a abrité durant plusieurs décennies le poste de police de la Servette. Jugeant les lieux trop vétustes, les policiers ont déménagé en 2016 dans un nouveau poste flambant neuf, sis au bas de la route de Meyrin. Ainsi désertés, les locaux sont restés désaffectés de longs mois. Avant d’être repris par Marie-Jo, une charmante grand-maman de six petits-enfants, avec pour projet d’ouvrir… un salon de tatouage !

En réalité, le salon existait déjà. Situé un peu plus bas, à la rue Carteret, et victime de son succès, il était devenu trop exigu. Il convenait donc de trouver une arcade plus adaptée et l’ex-poste de police était le coup de cÅ“ur de Marie-Jo : « J’ai toujours su qu’on s’installerait ici. Parfois, la vie est faite d’une succession de hasards en lesquels il faut avoir confiance ! », me lance la dynamique entrepreneuse. Nous sommes en février 2018 et, après de longs mois de tractations, puis de travaux d’aménagement et de décoration, le nouveau salon de tatouage, qui fait également office de galerie d’art, ouvre au public. Et ce n’est rien de dire que le lieu a changé. Dès l’entrée, on est immédiatement propulsé dans un univers singulier, alternant entre style steampunk et atmosphère post-apocalyptique, le tout teinté d’un soupçon d’inspiration façon HR Giger. Une lampe faite d’une énorme chaîne semble se dresser depuis le sol, avant de retomber en éclat sur un élégant sofa, de type chesterfield, avec de gros boutons et un cuir délicieusement vieilli. Sur les murs blancs au look un peu décrépi sont accrochées des Å“uvres d’art à base de fer et de rouille, tandis que trône au milieu de la pièce une table basse faite d’un fût d’huile éventré, tout droit sorti de Mad Max.

La décoration, c’est l’œuvre de mon chéri, l’artiste Alexandre Abyla », me glisse Marie-Jo lorsque je la questionne sur la transformation des lieux. « Quand les gens arrivent, beaucoup pensent qu’on a laissé les locaux bruts, dans leur jus, tels qu’on les a trouvés. Et bien non, tout est factice, les murs ont été entièrement lissés, et il y a six couches de peinture », me lance la presque sexagénaire avec un sourire espiègle. Sûre de son effet, elle continue en me désignant du doigt un pan de mur : « Tu vois cette rouille, là ? En fait, c’est de la peinture, ça aussi ! » Je m’approche et me rends compte que c’est en effet un trompe-l’œil. L’illusion est parfaite. « Et c’est pareil pour les portes », poursuit Marie-Jo, « elles sont en bois, mais ont été peintes pour donner l’impression du métal usé ». Contre tout attente, l’ambiance est chaleureuse et le mélange des matières, entre cuir, bois et métal, fonctionne plutôt bien. On se sent immédiatement à son aise, tout en percevant l’énergie créatrice qu’un tel lieu doit être capable d’insuffler aux artistes qui y officient.

Après la traversée de deux salles en enfilade – une salle de pause, puis un studio photo -, toutes deux traitées avec le même soin méticuleux, j’arrive dans le studio de tatouage proprement dit. Là aussi, l’ambiance est particulière. Très brute, comme si tout était fait pour que chacun des tatoueurs – et tatoueuses – puisse s’approprier sa place de travail et repartir d’une page blanche. Un lieu inspirant, sans l’ombre d’un doute. Aux murs sont accrochés des rectangles de fers à béton, servant de supports aux différentes esquisses et photos de tatouages réalisés. La pièce compte cinq places de travail, dont deux sont occupées. Le bruit du dermographe vibre le long des parois. Le bras tendu à la merci de l’aiguille, une jeune femme serre les dents… en souriant. A mon arrivée, le tatoueur marque une pause, me regarde et me lance un tonitruant : « Salut, moi c’est Kevin, je suis le meilleur tatoueur du monde ! » Le ton est donné. Ici, tout le monde se tutoie, l’ambiance est décontractée et la bonne humeur communicative. Kevin, dit « Blackbird », est un des tatoueurs « résidents », donc présent sur place tous les jours. Avec les « semi-résidents », uniquement au salon certains jours, ainsi que des « guests » réguliers, venant des quatre coins de la planète et emportant avec eux leur style unique, l’éclectisme est de mise. L’avantage de travailler dans un tel lieu ? Du haut de ses sept années d’expériences, Kevin me l’explique sans détour : « Par le passé, j’ai eu des boutiques à Paris et à Cannes. Des expériences gratifiantes, mais très chronophages. Ici, je n’ai pas de personnel à gérer et je peux me consacrer à 100% au côté artistique. Mon esprit est libre et je suis tranquille, car je peux m’appuyer sur Marie-Jo pour l’administratif. Et puis, il y a du monde, on est plusieurs à travailler ici, et c’est très inspirant ! »

Car chez Destinée, c’est un peu comme une grande famille, avec une patronne affectueusement surnommée « Maman », qui veille au bien-être de ses résidents, comme au bonheur de ses clients : « Ma plus grand réussite, c’est que les gens soient contents et reviennent », conclut Marie-Jo, avec des étoiles plein les yeux. Une belle humilité, par ailleurs certainement en rapport avec le franc succès que remporte le lieu.

Alors si l’envie vous prends d’aller découvrir ce salon atypique, le mieux est encore une visite dominicale lors d’un « Flash Day » (le prochain a lieu le dimanche 9 juin), une journée où l’ensemble des tatoueurs sont présents, avec des petits dessins que vous pouvez sélectionner et qui seront dessinés sur votre épiderme en une heure maximum. Vraiment le meilleur moyen de découvrir ce lieu convivial, de s’imprégner de cette ambiance si particulière et, qui sait, peut-être d’encre aussi…

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