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Le canari de la chorale

Une cage parmi le matériel d’intervention des sauveteurs : la poignée est une bouteille d’air comprimé  pour la survie de l’oiseau-sentinelle © DR © DR
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Une cage parmi le matériel d’intervention des sauveteurs : la poignée est une bouteille d’air comprimé pour la survie de l’oiseau-sentinelle © DR

Lors de l’article du 10 juin, j’avais laissé notre chef de chœur Alvise Pinton attristé par la situation due au Covid-19. Il avait été malade, s’en était bien sorti, mais avait dû interrompre les répétitions et annuler le concert prévu début juin. Il espérait retrouver ses choristes après l’été.

Effectivement, le 2 septembre, il nous a envoyé un courriel d’informations, terminé par « Désolé beaucoup je suis ! Bisatous. » Afin de respecter les mesures dues au Covid-19, il a constitué 3 groupes : l’ensemble des ténors et basses et 2 groupes d’une quinzaine de sopranos et altos. Je fais partie du n°2. Certain-e-s choristes ont renoncé à participer à cause du virus. Selon le planning, chaque jeudi, deux groupes sont convoqués, l’un de 19h30 à 20h30, l’autre de 20h45 à 21h45 (avant, nous répétions tous ensemble de 20h15 à 22h15). La fois suivante, les horaires sont inversés. Une semaine sur 3, un groupe a congé. Enfin, la 4e, nous nous retrouvons tous et toutes à la chapelle de Perly. Le planning est assorti de recommandations sur les gestes barrières : masque jusqu’à sa place, désinfection des mains en arrivant.

Le 17 septembre, mon groupe est attendu à 20h45. J’ai le temps de regarder la météo et le début de Temps présent avant de partir. Après 8 minutes à pied, je pénètre dans la salle, me désinfecte les mains, appose ma signature sur la feuille ad hoc, vais m’asseoir devant, éloignée de mes voisines, enlève mon masque, que je glisse dans une enveloppe en papier (et non dans un plastique, comme le préconisent les experts). Ah ! Nous avons un nouveau pianiste, David, le précédent a été appelé dans opéra français. La salle a été aérée. Notre directeur arbore un sourire qui lui fait le tour du visage, tant il est content de nous revoir. Nous interprétons le premier chant, les voix s’élèvent… A la fin, nous reprenons la Missa gallica, que nous ne chanterons peut-être jamais en public. Il est plus difficile de s’exercer en sachant que nous ne nous produirons pas en concert à la fin de l’année. J’ai retrouvé l’ensemble des choristes le 8 octobre dans la chapelle, vaste mais froide, où nous sommes moins séparé-e-s que dans la salle. Cela m’inquiète. En effet, plusieurs chorales ont été des foyers de contamination. Ce qui s’explique : des dizaines de personnes expectorent pendant deux heures dans un lieu fermé.

A Noël 1970 chez mes parents, j’étais enceinte de 6 mois et je me suis évanouie à cause des bougies qui avaient dévoré l’oxygène. Il a suffi de les éteindre et d’ouvrir une fenêtre pour que je revienne à moi. Mais cet incident m’a rendue particulièrement sensible au manque d’air : la mémoire du corps. Je suis comme le canari de la mine : très sensible aux émanations de gaz toxique, il s’évanouissait (ou mourait), et les mineurs se dépêchaient de sortir de la mine, afin d’éviter une explosion ou une intoxication. J’essaie donc d’obtenir que nous laissions une fenêtre ouverte, afin de renouveler l’air. On me rétorque qu’il fait trop froid, comme si l’on ne pouvait pas garder son manteau ! Je renonce donc à jouer au canari, en attendant des jours meilleurs.

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Huguette Junod s’intéresse très tôt à l’écriture. À douze ans, elle gagne un concours radiophonique pour adultes ; dès l’âge de treize ans, elle publie des contes puis des articles dans différents journaux. Pendant 33 ans, elle est professeure de français à l’école secondaire genevoise, où elle fait connaître la littérature romande. Parallèlement, elle anime des ateliers d’écriture et organise des manifestations culturelles. En 1987, elle fonde les Editions des Sables. Elle a touché à tous les domaines : le journalisme, la chanson, le théâtre, la publicité, la poésie, le récit, la fiction, l’essai, et publié une vingtaine d’ouvrages. Huguette Junod a obtenu le Prix des Écrivains genevois en 1986 pour le récit Ceci n’est pas un livre et en 2008 pour le poème Le Choix de Médée. Depuis janvier 2013, elle écrit chaque semaine une chronique féministe dans « Gauchebdo ».

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