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Le Trialogue, une association qui vient en aide aux laissés pour compte de la société

Accueil en temps de pandémie. © René Magnenat Doris devant la villa. © René Magnenat Doris Gorgé. © René Magnenat
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Accueil en temps de pandémie. © René Magnenat

Une pancarte fixée sur la devanture d’une villa au chemin de la Forêt m’a interpellé autrefois, puis j’ai aperçu la même au chemin Jean-Louis Prévost : « Le Trialogue » ! Pour une fois qu’un mot nouveau pour moi n’était pas un cadeau du franglais, je me suis intéressé à son étymologie. Le trilogue ou trialogue tire son nom d’une forme littéraire, le trilogue, qui signifie une conversation à trois.
C’est avec une grande curiosité que j’ai saisi mon téléphone pour appeler le numéro figurant sur l’affiche. Une voix pleine d’empathie m’a répondu, me demandant aussitôt de quelle aide j’avais besoin. Je me suis présenté puis je me suis rendu au 17, chemin Jean-Louis Prévost où s’est installé récemment le Trialogue. Cette association créée en 1996 par Doris Gorgé, écrivaine publique et le docteur Bernard de Wurstemberger, est reconnue d’utilité publique. Il s’agit d’un réseau de solidarité animé par une trentaine de professionnels bénévoles en accompagnement social, en droit, en assurances sociales, en ressources humaines et en informatique. Installé durant plusieurs années au chemin de la Forêt, dans une zone de développement désormais en chantier, le Trialogue a récemment déménagé dans une coquette petite villa mise à disposition par la Ville de Genève.
Le Trialogue peut être comparé à une ruche dans laquelle l’effervescence est constante. De neuf heures le lundi au jeudi soir, un va-et-vient continuel anime le bâtiment. Une cuisine, une salle de réception, un grand local d’accueil et plusieurs petits salons d’entretien occupent les deux niveaux de la villa.
Je me laisse guider par la créatrice et présidente, Doris, qui se donne corps et âme à l’association depuis vingt-cinq ans sous le regard et avec l’aide de Charles, son mari, tous deux bénévoles. Les soucis et les difficultés sociales engendrés par le chômage ont été multipliés par la pandémie de Covid 19. Dans un canton où l’office de l’emploi et l’Hospice Général ont pourtant la réputation d’être coopérants et même souvent efficaces, le délai de prise en charge des travailleurs ayant perdu leur emploi est hélas de plus en plus long. Ce fait place ces gens dans une grande précarité morale et aussi matérielle. Lorsque ni les syndicats ni les offices cantonaux ne peuvent intervenir assez rapidement, les personnes sans emploi sont aiguillées vers l’association du Trialogue. Des permanences juridiques accueillent les consultants pour les rassurer et les aider à résoudre leurs problèmes administratifs. En effet, les personnes les plus démunies ne connaissent souvent pas les lois ni les démarches pour demander de l’aide officielle afin de toucher les subventions de l’assurance chômage. La plupart des demandes faites aux juristes bénévoles concernent des contestations de pénalités infligées par la caisse chômage. Il faut dire que le plus souvent les chômeurs se sentent incompris, voire pas suffisamment écoutés par les conseillers de l’office de l’emploi, eux aussi surchargés.
En ce lundi après-midi de permanence juridique, pendant que les consultants masqués attendent leur tour, qui dans le corridor, qui sur les escaliers devant la porte d’entrée, je m’entretiens avec Jocelyne, qui œuvre comme juriste bénévole deux jours par semaine tout en se préparant à l’école d’avocature. Cette activité lui procure une expérience professionnelle directe et développe son empathie envers les personnes en difficulté. Elle me déclare alors que l’écoute et le contact humain sont les éléments essentiels pour rendre aux interlocuteurs leur estime de soi, tant ils se sentent parfois dévalorisés lors de leur premier entretien. Il faut aussi faire preuve de beaucoup de patience et de fermeté, ne pas les laisser parler de tout et n’importe quoi, car d’autres attendent leur tour. Elle doit s’appliquer à bien reformuler ce qu’elle a compris des plaintes ou demandes émises par les consultants. Bien sûr, le classeur du droit du travail est toujours sur la table, prêt à être ouvert car tout doit être précis. Bon, faut que je la laisse car on la demande pour du sérieux. C’est que la file d’attente de la permanence est longue !
Il fait bon, je relis mes notes sur la terrasse de la villa en dégustant un petit café. C’est alors que me rejoint une femme que je n’avais vue que de dos, occupée à taper sur le clavier de son ordinateur dans un coin de la pièce principale. Elle se présente : Ariane, écrivaine publique bénévole.
Elle rédige des lettres de motivation en recherche d’emploi pour des personnes ne maîtrisant pas suffisamment le français pour postuler à une place de travail. Elle en rédige quatre par jour soit presque cinquante par mois. Elle s’efforce de mettre en avant les qualités humaines des candidats.
Une chose essentielle pour que ces démarches entreprises par le Trialogue soient efficaces, et ne doivent pas être sans cesse refaites, c’est que tout soit conservé par écrit sur un support informatique et sur une clé USB à disposition du consultant.
Un guide des droits et devoirs du chômeur est à disposition de chacun. Il peut aussi être téléchargé sur le site www.guidechomage.ch. Il donne des conseils pratiques pour éviter dans la mesure du possible toute pénalité au début de la période de chômage. Il conseille surtout à chacun de conserver tous les documents échangés avec les offices concernés.
Le Trialogue offre aussi de quoi se remplir l’estomac afin de pouvoir se remettre en état de poursuivre sa quête d’emploi et de reconnaissance. Or, il se trouve que les bénévoles s’épuisent peu à peu, si bien qu’avec le temps, il faut que de nouvelles forces viennent rejoindre la formidable équipe qui se consacre depuis tant d’années au secours des cas les plus urgents. De nouvelles aides sont nécessaires tant du point de vue juridique que social. Des dons pour des aides urgentes sont également les bienvenus.
Doris Gorgé est fière du travail accompli. Chaque année, ce sont environ 13000 prestations qui sont accordées aux consultants, dont la plus grande partie en conseils juridiques et en lettres de candidature. Il ne faut pas négliger les nombreuses demandes d’aide sociale ni les tentatives de mettre un terme à l’endettement des plus vulnérables. Chaque lundi matin un colloque regroupe les juristes qui y échangent leurs expériences et leurs idées.
Après vingt-cinq ans de complet dévouement, Doris va céder le flambeau à une jeune juriste motivée et volontaire, Soumaya, qui occupera le poste de Secrétaire Générale dès la fin de l’année. Nul doute que l’exemple donné par ce quart de siècle d’investissement personnel constant va servir à perpétuer cette magnifique association.

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Photo du profil de René Magnenat
Enseignant retraité. Prof de sports et maître d'internat à l'Ecole Internationale de Genève et à la Châtaigneraie, il a ensuite enseigné au Cycle d'Orientation la gym, le français, l'information professionnelle, l'initiation au théâtre et au cinéma. Marié, trois filles adultes, deux petits-fils, il pratique la randonnée, l'écriture, mais à cause du Covid 19, il se languit du chant et du théâtre.

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