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Rencontre avec la directrice du centre LAVI

Les bureaux du Centre Lavi. © DR Consultation dans les bureaux du Centre Lavi. © DR Les bureaux du Centre Lavi. Consultation.. © DR Muriel Golay directrice du centre Lavi.
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Consultation dans les bureaux du Centre Lavi. © DR

La vie n’est pas un long fleuve tranquille, on le sait, et parfois surgissent des épreuves à surmonter mais il arrive dans certains cas que certaines prennent une dimension insoluble, que l’on soit dépassé par les événements et qu’alors on doive demander de l’aide extérieure , surtout si, par exemple, l’on est confronté aux violences domestiques.
Le centre LAVI est là pour écouter et conseiller les personnes victimes d’infraction diverses.
Rencontre avec sa directrice, Muriel Golay.

Muriel quand a été fondé le centre et par qui ?

Le Centre LAVI a ouvert ses portes à Genève en janvier 1994, juste une année après l’entrée en vigueur de la loi fédérale. Dès sa création, il a travaillé avec un statut associatif autonome. 3 personnes à temps partiel composaient l’équipe initiale, dont une coordinatrice, Colette Fry, qui a longtemps dirigé le Centre. Le premier Comité de l’association était présidé par Geneviève Mottet-Durand, ancienne députée au Grand-Conseil genevois (1981-2001).
Avec un peu plus de 200 bénéficiaires par an à ses débuts, il a rapidement vu augmenter les demandes qui n’ont eu de cesse de croître avec le temps.
L’histoire de la LAVI avait en fait commencé presque 15 ans plus tôt, sur un plan politique, avec le dépôt d’une initiative populaire en faveur de l’intégration du principe de l’aide aux victimes dans la Constitution suisse. Il avait fait l’objet d’un contre-projet des chambres fédérales qui a été accepté par le peuple le 2 décembre 1984, à 82% des voix.
Entre le texte soumis dans l’initiative et la loi adoptée, des améliorations ont été apportées au projet, notamment concernant les proches (conjoint-e-s, parents, frères et sœurs, enfants), qui peuvent également recevoir un soutien des Centre LAVI et ont des droits relativement similaires à ceux des victimes directes.

Qu’est-ce qu’une victime au sens de la LAVI , d’après ce que j’ai compris il faut trois conditions, lesquelles ?

En effet. Précisons d’abord que la LAVI est une loi qui vise à reconnaitre, soutenir, protéger et indemniser les personnes victimes d’infractions pénales ou leurs proches ayant subi, de ce fait, une atteinte à leur intégrité physique, psychique ou sexuelle.
Le Centre LAVI apporte aux personnes concernées une aide psychologique, sociale, matérielle et juridique. Nous agissons de façon confidentielle et gratuite.
Les critères primordiaux qui fondent le droit à l’aide aux victimes sont d’ordre juridique : l’infraction et l’atteinte doivent être réalisées, et un lien de causalité directe doit exister entre elles. Il faut de plus préciser que la loi s’applique de façon restrictive aux situations les plus graves : tous les articles des chapitres concernés du code pénal ne relèvent pas de la LAVI et l’atteinte à l’intégrité doit être importante.

Quelles sont les infractions que vous traitez ?

Chaque année, le Centre LAVI prend en charge environ 2’500 personnes, dont 1’500 nouvelles situations. 70% sont des femmes. Une bonne partie des cas relève de la violence domestique (40% des nouvelles situations prises en charge en 2020). Parmi nos consultant-e-s, figurent majoritairement des personnes qui ont subi des lésions corporelles, simples ou graves (44%). 20% environ de nos bénéficiaires ont été atteint-e-s dans leur intégrité sexuelle (viol, contraintes sexuelles, inceste, etc.), souvent par une personne connue. Les femmes sont particulièrement surreprésentées dans cette catégorie (plus de 90%). De plus, nous recevons des personnes qui ont vécu des contraintes et des menaces (10%) ainsi que diverses autres infractions (11%). Environ 15% des demandes concernent des problèmes auxquels la LAVI ne s’applique pas (infraction à l’étranger, etc.). Enfin, nous soutenons des proches de personnes décédées par homicide. Ces cas dramatiques restent fort heureusement peu nombreux (moins de 1% en 2020).
Depuis quelques années, le Centre LAVI s’occupe de nouvelles catégories de victimes, par exemple les personnes victimes de traite des êtres humains. Ce délit n’a pas toujours été aussi bien identifié et l’augmentation constante des situations est probablement à mettre avant tout sur le compte des mécanismes de dépistage et de prise en charge interinstitutionnels particulièrement développés à Genève où une volonté politique forte existe depuis de nombreuses années pour s’attaquer à ce phénomène.

Quand on est victime d’une infraction, quelle qu’elle soit, Peut-on venir directement dans votre centre ?
Le Centre reçoit sur rendez-vous uniquement. Il doit être contacté prioritairement par le biais de sa permanence téléphonique, au 022 301 01 02. Nous sommes pour le moment joignables les après-midis du lundi au vendredi, de 14 à 17h, ce qui est insuffisant pour répondre à toutes les demandes.
Les personnes victimes s’adressent à nous soit grâce à leurs recherches sur Internet, soit car elles ont été orientées vers nous par des professionnel-le-s, par exemple la Police cantonale. Celle-ci a un devoir d’information particulier vis à vis des victimes. Lors de ses interventions, elle leur remet une information écrite sur le Centre LAVI. Elle leur demande leur accord pour nous communiquer leurs coordonnées, ce qui nous permet ensuite de les contacter directement et de les inviter à un rendez-vous. Nous avons aussi une collaboration étroite avec l’Unité médicale d’urgence sociale (UMUS) qui intervient la nuit et les jours fériés pour prendre en charge des situations d’urgence, notamment liées à la violence. Pour les personnes victimes, pouvoir être soutenues dans l’urgence et obtenir rapidement un premier rendez-vous au Centre LAVI est souvent essentiel : elles peuvent être confrontées à des délais judiciaires qui leur imposent des délais courts ou encore devoir fuir des situations dangereuses pour elles et/ou leurs proches. C’est pour cela qu’il est crucial qu’elles soient soutenues aussi vite que possible. Souvent, des conseils ou un soutien de première urgence sont d’ailleurs fournis durant le premier appel ou dans sa suite directe.
Au contraire, s‘il s’avère que la personne ne relève pas de notre compétence, une orientation vers le réseau sera faite.

Quand toutes les conditions sont malheureusement remplies, comment aidez-vous concrètement les personnes, par exemple pour les cas de violences domestiques ?
Nous fournissons des informations et orientons les personnes à toutes les étapes de leur parcours. Nous pouvons aussi fournir un accompagnement en tant que personne de confiance tout au long de la procédure judiciaire.
Des prestations financières peuvent aussi être accordées lorsque cela est nécessaires dans l’urgence ou à plus long terme. Nous octroyons celles-ci sous forme de bons qui financent des prestataires tiers. Nous collaborons avec un vaste panel de professionnel-le-s dont je profite de saluer ici la qualité du travail auprès des victimes. Par exemple, nous pouvons avoir à prendre en charge des nuits d’hébergement, des heures de consultation d’avocate, des séances de psychothérapie, mais aussi des changements de serrures, lorsque la personne doit être protégée de l’intrusion de l’auteur, etc. La quantité et le type de prestations sont cadrées par nos directives et obéissent au principe de subsidiarité (c’est-à-dire que nous examinerons en priorité si un autre débiteur est compétent, que cela soit l’assistance sociale ou juridique, la LAMAL, la LAA, ou autre).
Les consultations au Centre sont toujours gratuites. La prise en charge des prestations financières, elle, passé un certain seuil, est susceptible de diminuer, selon la situation financière de la personne. Le barème légal est cependant assez généreux. Ainsi, à plus long terme, le Centre financera entre 100% et 0% des prestations financières demandées.

Au vu de la situation sanitaire et du semi-confinement durant la première et deuxième vague du virus, avez-vous constaté plus de demandes à ce sujet ?

Nos ressources contraintes ne nous ont pas permis de répondre à toutes les sollicitations, ce qui rend difficile cette évaluation. Le suivi de notre permanence téléphonique montre cependant clairement des pics de demandes, qui sont malheureusement restées pour partie insatisfaites à la fin du premier semi-confinement. Dès la fin de l’été, nous avons aussi vécu des périodes similaires, de forte sollicitation, mais avec irrégularité. De nombreux témoignages nous indiquent cela étant que la situation sanitaire a aggravé les violences existantes, ce qui rejoint le constat d’autres associations de premier recours comme La Main Tendue, AVVEC ou PHAROS, les deux dernières étant spécialisées auprès des victimes de violences dans le couple.

D’après vous , la violence psychologique est aussi importante que la violence physique, comment faites-vous pour détecter si les personnes qui font appel à vos services sont vraiment des victimes ? Contrôler la véracité des propos de la victime ?
S’agissant de violence psychologique, probablement la plus répandue s’agissant de violences conjugales, nous ne sommes le plus souvent pas compétents car elle ne répond pas aux critères de la loi.
Nous prenons en charge les cas les plus sévères, quand l’intensité de la violence provoque des atteintes assimilables à des lésions corporelles simples, ou par exemple lorsqu’il y a des menaces de mort et, naturellement, que la personne est très atteinte dans sa santé.
S’agissant de la véracité des propos de nos bénéficiaires, comme je vous le disais en début d’entretien, la LAVI procède d’une intention très généreuse du législateur suisse mais son application est cadrée de façon très serrée. Ainsi, le Centre LAVI peut fournir des conseils et des prestations d’urgence avec un minimum de procédures, mais l’étendue de ses bénéficiaires est strictement limitée. Ces restrictions concernant le statut de victime au sens de la LAVI obligent les intervenant-e-s du Centre à examiner, dès les premiers contacts avec les personnes qui nous sollicitent, si la situation peut être prise en charge par nos soins ou si elle nécessite une réorientation dans le réseau. Dans l’urgence, c’est en effet sur la base du récit de la personne victime que nous nous basons. Dans un second temps, nous exigeons le cas échéant plus d’éléments visant à attester la vraisemblance des faits allégués. Cela dit, souvent, cela n’est pas vraiment une nécessité : la personne arrive par exemple après une intervention de la Police, ou elle apporte un constat et des factures médicales. Il arrive aussi qu’elle nous contacte quand une procédure judiciaire est déjà en route, ce qui fait qu’elle nous fournit de nombreux éléments factuels qui étayent ses propos.

Vous m’avez parlé d’un soutien symbolique de l’état aux victimes d’infractions, une « instance d’indemnisation de la vie », en quoi cela consiste-t-il ?

Oui, en effet. Il s’agit d’une réparation par l’Etat du préjudice résultant de l’infraction. Une indemnisation et/ou un tort moral peuvent être accordés à la personne victime ou à ses proches avec l’objectif de compenser en partie les frais engagés, respectivement des souffrances, physiques et morales, résultant de l’infraction. Cela s’applique lorsqu’aucune procédure pénale n’a été possible (auteur-e inconnu-e ou en fuite notamment) ou si l’auteur-e de l’infraction a été reconnu-e coupable mais n’est pas solvable. Il existe des plafonds, de 120’000 CHF pour l’indemnisation, qui est de plus octroyée sous condition de revenu, et de 70’0000.- pour le tort moral. Ces montants sont souvent très inférieurs à ceux que l’auteur aurait dû payer selon le droit civil. Ils reflètent en ce sens une reconnaissance « symbolique » de l’Etat.
La personne victime pourra déposer une demande auprès de l’Instance d’indemnisation du canton dans lequel a eu lieu l’infraction.
A Genève, une Instance d’indemnisation indépendante du Centre LAVI fait ce travail (tél. 022 546 51 13). Les personnes peuvent cependant naturellement aussi s’adresser à nous pour avoir plus de renseignements à ce sujet.

Vous publiez de nombreuses brochures , quelles sont-elles ?
Elles sont toutes disponibles en ligne ou sur commande en format papier. Elles comportent de nombreuses informations pour les personnes victimes, leurs proches ou les professionnel-le-s qui les accompagnent, que cela soit sur la LAVI en général, sur les violences conjugales ou encore les abus sexuels sur mineur-e-s. Nous avons aussi des flyers en plusieurs langues qui peuvent être disposés dans des salles d’attente ou des réceptions.

J’imagine que vous êtes entourée de plusieurs collaborateurs, quels sont-ils ?

L’équipe est composée d’une douzaine de collaborateurs-trices fixes, dont 7 psychologues intervenant-e-s LAVI, 2 collaboratrices administratives et une juriste, auxquel-le-s s’ajoutent ponctuellement des stagiaires et des bénévoles.

Muriel Golay, quel est votre plus joli souvenir en tant que directrice du centre et d’accompagnatrice de victimes d’infractions ?

Parler de « joli » souvenir est sans doute délicat quand on travaille dans mon domaine ! Cela dit, je me souviens par exemple d’une femme, victime d’une contrainte particulièrement sordide de la part d’un client. Je l’avais accompagnée au Tribunal avec une collègue. Madame n’était plus toute jeune, elle dégageait un mélange de fragilité et de force qui m’avait impressionnée. Elle expliquait fort bien au Président du Tribunal à quel point l’agression l’impactait encore au quotidien de nombreux mois après sa survenue. Elle n’arrivait plus à travailler, alors que son revenu lui permettait jusque-là d’élever ses 4 enfants, tous encore en études. C’était une femme profondément atteinte dans son intégrité … et une maman comme les autres, très inquiète pour la sécurité et le bien-être de ses enfants. Je profite de souligner qu’il nous arrive souvent, en tant que professionnel-le-s, d’être en quelque sorte soutenu-e-s, nous aussi, par la dignité, la persévérance et l’extraordinaire courage des personnes que nous accompagnons. Il faut souligner que les intervenant-e-s LAVI, pour tenir sur le long terme et éviter la fatigue liée à la violence des situations que nous prenons en charge, doivent absolument cultiver de manière concrète, en interne, des valeurs fortes de justice, d’équité, de respect, de solidarité et de bienveillance, … sans oublier l’humour qui est aussi très présent entre nous ! Je participe à mon modeste niveau à maintenir ce climat de travail favorable … et par ricochet, j’ai donc la chance d’avoir déjà de nombreux souvenirs très positifs avec mon équipe.

Vous êtes subventionné par l’état de Genève mais aussi par des donateurs privés, comment procéder si l’on souhaite vous aider ?

Le canton nous subventionne, mais ce montant ne permet pas de couvrir l’entier de nos charges courantes. Une partie de mon travail consiste donc à chercher des fonds auprès d’autres collectivités publiques ou auprès du secteur privé. Nous avons la chance de pouvoir compter sur des dons de personnes ou de fondations. Ceux-ci nous permettent, soit de financer une partie des charges de fonctionnement du Centre, soit des projets spécifiques liés directement à l’aide aux victimes. En effet, de nombreuses actions sont encore nécessaires pour améliorer la prise en charge de ces dernières, mais ce qui exige plus de ressources. En ces temps difficiles, nous avons plus que jamais besoin de soutiens généreux pour assurer ce volet si important de notre mission !
Les donateurs-triceps peuvent nous soutenir par le biais d’un virement sur notre CCP 12-312907-3. Nous avons aussi un formulaire de don en ligne, sur notre site Internet centrelavi-ge.ch.

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Photo du profil de Dominique Wyss
Journaliste, productrice et animatrice d'émissions durant quelques années auprès d'une radio locale genevoise, Dominique est actuellement rédactrice free-lance auprès de divers magasines. Elle a décidé de l'investir également pour Signé Genève.

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