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Une histoire de pétasses

Photo ©Mathias Deshusses
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Photo ©Mathias Deshusses

A 39 ans, Magali Bican est une g’nevoise pure et dure. Et fière de l’être ! « Je suis bien ici », me glisse-t-elle dans son appartement de St-Jean. « Pour rien au monde je n’irai habiter ailleurs. J’adore aller au contact des gens et Genève m’offre une richesse incroyable à ce niveau ». Son moment favori ? « Quand je suis autour d’une table et qu’on me demande ce que je fais dans la vie. Ma réponse est alors simple : je dessine des pétasses. Effet garanti ! »

Car oui. Magali dessine des pétasses. Et pour connaitre leurs origines, et ainsi comprendre que cela n’a, à la base, rien de provocateur, il faut revenir en arrière. De près de 30 ans. Magali, qui a toujours aimé dessiner, a alors sept ans. Peut-être huit. Et elle tombe sur des cartes en reliefs, représentant des danseuses de flamenco. « Tu sais, ce genre de carte avec une robe noire et rouge en tissu, cousue, avec une danseuse à la taille hyper fine ? » m’explique Magali. Cette forme d’esthétisme traditionnel, pur, presque sensuel, la fascine. Alors elle veut leur donner vie. Et parce qu’elle trouve que ses esquisses se la jouent, se la racontent, se la pètent… elles deviennent des pétasses. Un mot d’enfant, simple, innocent, qui l’a suivi toute son adolescence, jusqu’à sa vie d’adulte. « Quelque chose m’attire dans ces femmes que je dessine, je trouve ces silhouettes très inspirantes, il y a un côté léché, une sensualité qui s’en dégage et qui me subjugue totalement. Toutes les femmes sont différentes, et en même temps elles sont toutes parfaites. » Magali me parle et se raconte, elle s’en va, revient avec des esquisses, repart et re-revient. Elle dégage une véritable énergie positive et regorge de projets. Ses dessins plaisent et, contre toute attente – de son point de vue, bien sûr – pourraient peut-être bien lui permettre d’en vivre ! Car il faut reconnaitre que Groseille (son nom d’artiste) rassemble autour d’elle une communauté qui se retrouve dans ses dessins et s’identifie à ses si jolies pétasses.

Mais comment en est-elle arrivée là ? « Ma scolarité s’est bien déroulée, mais tout ce qui était sciences, ce n’était vraiment pas ça. J’ai découvert la formation de graphiste, et ça a été une évidence : ce serait les Arts Décoratifs. » En 2003, diplôme de graphiste en poche, elle se lance dans le monde du travail. Et atterrit dans le secteur hôtelier, dans un grand hôtel de la région. « Ce monde me passionne. Les beaux hôtels, leurs codes, leur classe… » Toujours ce petit goût pour l’élégance ? « Exactement ! Et si j’étais dans cet établissement en tant que chargée de communication, j’ai eu la chance de très bien m’entendre avec ma direction, qui me laissait beaucoup de liberté. Ça a été de très belles années, qui m’ont appris énormément de choses, et m’ont donné confiance en moi. » Heureuse et bientôt mère de famille. C’était il y a un peu plus de quatre ans. D’abord Charlie. Puis June. Entre elles, deux ans d’écart. Donc deux grossesses. « C’est là que je me suis mise plus sérieusement à dessiner. Je faisais des cartes de toutes sortes, de la papeterie, je les dessinais et je les offrais, chacune était unique. Pour moi, c’était juste une passion, une manière d’occuper mon temps pendant mes grossesses. J’avais besoin de faire quelque chose, de créer, d’occuper mon temps. Dans mon entourage, les gens adoraient, et me répétaient que je devais les vendre. Alors un jour, je me suis dit : « Allez, on va voir », et j’ai créé mon site internet. Juste pour montrer ce que je faisais. Et là, j’ai pris une claque : en une semaine, j’avais une quinzaine de mails, des demandes de prix, de tailles, etc… » Petit à petit, elle prend conscience que son travail plait.

Alors, quand elle se voit contrainte de quitter son emploi pour des raisons indépendantes de sa volonté, en décembre 2017, elle se pose des questions. Profitant du temps désormais à disposition, elle tente de développer ses pétasses, poussée par Mr Groseille, qui croit dur comme fer à son talent. Car oui, il ne faut pas oublier Mr Groseille, dans tout ça. Julien. « Mon amoureux », me glisse Magali avec les yeux qui pétillent. « C’est difficile d’y croire, difficile de les voir comme un produit, difficile de percevoir un potentiel financier. Ça prend du temps. Cela fait partie de moi depuis tellement longtemps ! » Et pourtant, ça fonctionne. Avec le temps, elle se fait connaître et reconnaitre. Il y a eu les badges. Il y a eu les calendriers. Des petits tirages, une centaine d’exemplaires. Vendus aux copines, au gré des rencontres, ou sur les marchés. « Les marchés, c’est vraiment difficile. Ça demande beaucoup d’investissement. C’est génial car tu rencontres plein de monde et que tu fais connaitre ton travail. Mais ça te vide complétement ! » C’est là qu’elle rencontre justement Stéphanie Vidonne, qui suivait déjà son travail de près. L’auteure de « Quand tu me prends dans tes bras, je vois ma vie en Lila », qui ne vous est pas inconnue si vous suivez mes articles, et qui vient d’ailleurs de sortir sa suite, « De l’aurore au sépia », lui propose une collaboration : illustrer son 1er roman qui traite justement de la relation entre deux femmes. « J’adore ces collaborations. Stéphanie et moi, on a eu une véritable connexion dans la féminité. Elle joue avec les mots, moi avec les dessins. On s’est totalement complétées, et ça a été très enrichissant ! »

En parallèle de ses mandats de graphiste, elle a donc développé un concept innovant : la « pétasse sur mesure ». Vu mon air de mâle interrogatif, elle me précise son idée : « De nos jours, l’image de soi est super importante pour les gens. Tu montres ta vie sur les réseaux, tu fais des selfies tout le temps. Pour changer, je les dessine ! Moi, ce que j’amène, c’est une mise en valeur, pour des clientes qui ont envie de se montrer d’une façon différente, sous un angle original. Ce n’est ni un portrait, ni une caricature, c’est mon interprétation que je livre, avec ma sensibilité. » Et ces pétasses sur mesure rencontrent un certain succès. L’exercice n’est pourtant pas évident : « C’est un apprentissage difficile. Pour moi, la satisfaction de ma cliente est essentielle, il faut qu’elle se reconnaisse dans mon esquisse, que ça lui plaise. Je ne dois pas viser ma perfection, mais la sienne. Et bien souvent, ce n’est pas la même. Il m’a fallu apprendre à lâcher prise. »

Aujourd’hui, consciente de son potentiel, celle qui se fait appeler Groseille cherche à développer autant le côté graphisme que le côté « Pétasses », avec l’illustration comme valeur ajoutée. On ne peut que croire que cette véritable boule d’énergie, au charme espiègle, continuera à séduire les genevois avec ses projets. Mais au fait, « Groseille », ça vient d’où ? « Ah ah, c’est une bonne question ! Je ne sais pas précisément à quand ça remonte, mais en fait, j’appelle mes copines comme ça. Et c’est resté ! »

A déguster sans modération sur www.groseille.ch et sur www.instagram.com/groseille.ch.

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