Accueil | Slider actualités | La fabuleuse histoire du Remor

Partager l'article

Actu

La fabuleuse histoire du Remor

Intérieur Café Remor 1923 Derrière le bar Bortolo l’un des trois frères et sa femme hilda et la serveuse la tante Paula © DR Photo de l'intérieur en 1949.© DR Réunion de la famille Remor avec le staff en 1940 © DR Décoration de parapluie en 2018.© DR
<
>
Intérieur Café Remor 1923 Derrière le bar Bortolo l’un des trois frères et sa femme hilda et la serveuse la tante Paula © DR

Il est des lieux à Genève dont il suffit de mentionner le nom pour évoquer une fabuleuse histoire familiale ainsi qu’au public des souvenirs propres à plusieurs générations. Le café Remor de la plaine de Plainpalais en est un des illustres ambassadeurs. J’ai eu le plaisir de rencontrer le fils de Georges-Félix Remor, un des fondateurs: Antoine, à qui il a confié en 2000 les rênes de ce lieu mythique.

Antoine, le Remor appartient depuis déjà trois générations à votre famille, vous avez d’ailleurs fêté son centenaire l’année dernière. Qui était à l’origine de cette aventure en 1921?

À l’origine, c’est ma famille, qui voulait fuir la pauvreté de sa vallée. Mon arrière-grand-père était forgeron, il forgeait des clous. Les quatre frères décidèrent vers 1895 de partir en Autriche pour faire une formation dans le domaine de la pâtisserie et des glaces. Une fois la formation achevée, un des frères partis en Allemagne pour monter une fabrique de pâte de noisette et de pistache, qui s’appelait Sante Remor, et les trois autres frères commencèrent une carrière de glaciers en ouvrant leur premier établissement à Saint-Gall au début de 1900. Puis ils ouvrirent des établissements à Zurich, à Lucerne, à Lausanne, et plusieurs à Genève.

Peppino, avec ses frères Bortolo et Giorgio, a ouvert en 1921 le Salon des glaces américaines, l’actuel café Remor. À l’époque, vous étiez visiblement plus connus pour les glaces que pour la restauration classique. Pourquoi les glaces américaines?

En 1930, les Italiens étaient assez mal vus, il y avait même eu des manifestations antifascistes. Mon grand-père importa la première sorbetière réfrigérée automatique des États-Unis. Elle remplaça l’antique procédé de blocs de glace concassés trempés dans de la saumure pour faire le froid. Comme à cette période, les États-Unis étaient à la mode, mon grand-père décida de renommer l’établissement le Salon des glaces américaines pour ces différentes raisons.

Et vous, Antoine, quel est votre parcours? Était-ce naturel de reprendre le flambeau familial ou aviez-vous d’autres ambitions?

Je suis architecte de formation. J’aurais bien voulu continuer dans ce domaine qui me passionnait, mais dans les années 90 la profession avait déjà bien changé. Les architectes se faisaient déjà remplacer par des entreprises générales; les bâtiments continuaient à tous se ressembler et le mot qui régissait et bridait la construction et la créativité était la rentabilité. En 1998, mon père m’a demandé si j’étais intéressé à reprendre l’affaire familiale. Je trouvais dommage de laisser tomber un établissement qui avait déjà une longue histoire derrière lui et j’ai vu en cette nouvelle opportunité un terrain où je pouvais m’épanouir au niveau de la créativité. Donc j’ai suivi une formation à l’École hôtelière de Genève et en 2000 j’ai intégré l’entreprise familiale pour suivre une formation accélérée de glacier et commerçant donnée par mon père.

On peut dire que votre établissement à une réputation internationale, depuis 22 ans que vous êtes au commandes. Avez vous une anecdote particulière, un souvenir amusant ou pas qui vous revient ?
Réputation internationale, c’est un grand mot même, si c’est vrai qu’il y a eu un établissement Remor à Boston aux USA et un à Canne sur la croisette.
Nous sommes connus à Genève car nous existons depuis 100 ans et c’est vrai que nous avons pu garder une âme, un lieu convivial chaleureux avec un savoir-faire ancestral.
Je me souviendrai toujours du G8 à Genève ou nous avons dus nous enfermer toute la clientèle de la terrasse et le personnel à l’intérieur pour fuir les jets de pavés et les gaz lacrymogènes. J’avais l’impression d’être dans un pays en guerre ou en état de siège.

Quelle est l’histoire de ces deux fameux lapins jaunes qui trônent devant votre établissement?

J’aime beaucoup le design et la décoration. J’étais inscrit sur des listes de grandes surfaces qui, une fois par année, faisaient du rangement et vidaient leur dépôt. Un jour, dans une de ces ventes, je suis tombé sur ces lapins. Ça a été tout de suite le coup de foudre entre nous. Je voulais aussi donner une image plus jeune et moderne à mon établissement que celle qui nous suivait (vieux tea-room). Donc je trouvais très original de mettre ces deux lapins jaunes devant mon établissement. Le lapin est un animal sympathique, il véhicule dans notre société différentes images et je trouvais que c’était plus original que les vaches peintes par des artistes que l’on pouvait retrouver un peu partout à cette époque. Un jour, un des deux a disparu. J’ai cru que c’était un burn-out car c’était juste avant Pâques. Trop de pression peut être, qu’il ne supportait plus cette fête qui le faisait passer comme si c’était eux qui pondaient les œufs en chocolat. Bref! Nous l’avons heureusement retrouvé, mais légèrement blessé. Pour finir, il a été victime d’un kidnapping par une bande organisée, mais aucune rançon n’a été demandée.

Lorsqu’en mai 2020, la Confédération a imposé des mesures sanitaires aux cafetiers-restaurateurs, vous avez eu une idée originale. Laquelle?

En cette période particulière où tout le monde a été contraint de rester chez lui, où l’on ne pouvait plus voyager, je trouvais qu’il fallait faire rêver les gens. J’ai trouvé que le thème du train était très approprié. Surtout en Suisse. J’avais dans l’image ces anciens trains à compartiments comme l’Orient-Express ou le train dans le film de Harry Potter avec une part de magie en plus. À la place des séparations en plexiglas, j’ai trouvé que des petits rideaux bordeaux pouvaient très bien aller et donner une ambiance très feutrée. Ils sont amovibles, permettant une certaine flexibilité avec les tables, et ils sont tous fixés sur des porte-bagages que nous avons construits sur place. Je les ai agrémentés d’anciennes valises que j’ai en grande partie chinées au marché aux puces. Pour donner encore plus une impression d’évasion et ce petit côté magique, j’ai remplacé le plafond par un ciel de nuages changeant de couleurs selon l’heure de la journée.

En effet, la décoration intérieure actuelle du Remor n’a plus rien a voir avec ses origines et avec tous les autres cafés d’ailleurs, vous y avez apporter beaucoup de chaleur et d’originalité. Pour l’architecte diplômé que vous êtes, est-ce un terrain de jeux créatifs? Aimez-vous donner une deuxième vie aux vieux objets ?
En effet mis à part les décorations éphémères que je me permets de faire chaque fin d’année la salle principale est restée quasiment identique. Ces décoration sont ma touche personnel et comme vous dite mon évasion. J’ai crée une année un sapin retourné en parapluie rouge, une autre année un arbre grandeur nature, une autre fois des aurore boréales en carton ondulé et je vais normalement partir sur le thème de l’océan pour fin 2022 avec des méduses flottant au plafond. Au fur et à mesure des années j’ai construit différents meubles pour améliorer l’organisation de l’entreprise. J’ai créé un bar qui n’existait pas et l’ai construit avec la structure d’un lit que j’ai trouvé chez Emmaüs. La vitrine de pâtisserie est un ancien piano que j’ai transformé et frigorifiée et dans la salle arrière j’ai utilisé plusieurs armoires pour cacher un meuble frigorifique un meuble bureautique et emballer la vitrine de glace. J’aime beaucoup les vieux objets car ils ont une âme une histoire. J’aime leurs donner une deuxième vie surtout leur donner une nouvelle fonction. La plupart de ces meubles sont fait avec du bois brut et assemblés à l’ancienne. C’est-à-dire qu’il est assez facile à démonter et il est facile de leurs donner une autre forme contrairement aux meubles actuels qui sont fait pour être montés utilisés et jetés.

Alors depuis toutes ces années, quelle est, à part les glaces, la spécialité du Remor actuellement?

Nous sommes passés de glacier à tea-room à je pense maintenant une brasserie. Nous sommes connus pour nos glaces artisanales, que nous faisons toujours sur place, mais cela fait de nombreuses années que j’ai développé les pâtisseries maison comme le fameux cheesecake poire-gingembre, la tarte Tatin, la tarte au citron vert meringuée. Nous avons un chef pâtissier qui nous prépare artisanalement toutes les pâtisseries sur place et utilisons des produits naturels sans conservateurs.

Mais en parallèle, j’ai aussi développé la restauration. On nous connaît aussi avec un plat original et unique comme l’assiette des trois salades que mon père a créée il y a quarante-quatre ans. C’est une assiette équilibrée composée d’une salade de féculents, d’une salade de légumes cuits et d’une salade de crudités. Avec ce plat, vous pouvez voyager en Europe ou en Orient, ou aller jusqu’en Asie, selon l’inspiration de notre chef et les recettes ancestrales. Et depuis une dizaine d’années, avant toute cette euphorie d’établissements à hamburgers, nous sommes connus aussi pour nos hamburgers maison, que nous faisons avec du pain artisanal et de la viande fraîche préparée sur place.

L’année dernière, vous avez fêté le centenaire. De quelle manière?

Je voulais faire des événements chaque mois en créant une soirée à thème avec un musicien et une pin-up qui aurait animé la soirée. Chaque mois, on aurait fêté une décennie de plus: 1920, 1930, etc. Malheureusement, l’instabilité de cette période nous a contraints à tout annuler, mais j’ai quand même pu organiser une exposition de photos retraçant les différents établissements tenus par la famille et des photos historiques des différents fondateurs.

Avez-vous des enfants? Pensez-vous que l’un d’eux pourrait reprendre le flambeau? Comment voyez-vous l’avenir?

J’ai une fille de 13 ans, qui s’appelle Amélie. Pour l’instant, elle est au Cycle d’orientation, donc c’est encore un peu tôt pour le dire, mais je privilégie ses études de base avant qu’elle fasse un choix. Ça me ferait plaisir que l’entreprise reste dans la famille, mais c’est quand même une profession très dure et exigeante, et je veux que ma fille fasse un métier où elle peut s’épanouir.

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager l'article

J'écris un article
Photo du profil de Dominique Wyss
Journaliste, productrice et animatrice d'émissions durant quelques années auprès d'une radio locale genevoise, Dominique est actuellement rédactrice free-lance auprès de divers magasines. Elle a décidé de l'investir également pour Signé Genève.

Ajouter un commentaire

Votre adresse email ne sera pas affichée. Les champs obligatoires sont indiqués *

You may use these HTML tags and attributes: <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <s> <strike> <strong>

J'accepte les CGU

Mot de passe oublié

Inscription