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Les Libellules tournent la page du «désespoir»

Les Libellules tournent la page du «désespoir»

Concierges et résidents placent leurs attentes dans cette réhabilitation pharaonique et unique en son genre. En attendant, ils transitent dans des appartements provisoires.

«Je vous préviens, s’ils détruisent mon carrelage, je n’y retourne pas!» Le doigt levé, une habitante des Libellules fait un arrêt au local du concierge en rentrant des courses. Dans quelques jours, elle quittera son appartement pour un logement provisoire. Cela devrait durer six mois avant qu’elle ne retrouve son trois-pièces totalement rénové.

Dans cet immeuble de la commune de Vernier, les travaux s’avèrent pharaoniques. Démarré en 2012, le chantier aboutira en 2015. Tour à tour, les huit allées et les quatre coursives qui traversent l’édifice bicolore sont vidées et remises à neuf. Pour cela, un système de rotation a été mis sur pied afin de loger successivement les 1200 habitants du quartier dans 64 appartements vides.

C’est en 2005 que les prémices de ce projet colossal étaient évoquées. La Fondation Emile Dupont, propriétaire des lieux, présentait alors son projet avec ces termes: «Les Libellules, du désespoir à l’espoir.» Huit ans plus tard, la mue est en marche.

Un projet à 50 millions

Il faut dire qu’avec le taux de chômage et la concentration de personnes à bas revenus les plus élevés du canton, les 504 appartements des Libellules abritent une population dont «les situations sortent de l’ordinaire», assure Ernest Greiner, vice-président de la Fondation Emile Dupont. Cet ancien député, qui fut également le premier facteur des Libellules en 1968, multiplie les va-et-vient dans le quartier. Car la fondation qu’il représente prend des pincettes, enchaîne les séances publiques et bulletins d’information. Un site Internet est même régulièrement alimenté par les gérances ou les autorités qui y vont de leurs messages à la population. Enfin, la fondation met des déménageurs à disposition des habitants. «Ce n’est pas un immeuble comme les autres, c’est pourquoi nous voulons que cela se fasse de la manière la plus harmonieuse possible», explique Ernest Greiner. Au final, l’enjeu est énorme: la réhabilitation d’un quartier tout entier qui aura coûté près de 50 millions de francs.

Ainsi, les appartements, mais aussi l’extérieur sont chambardés. Les longues coursives intérieures, peu lumineuses et génératrices d’insécurité, verront naître dix «espaces de vie» financés par la Fondation Hans Wilsdorf, amplement vitrés et encastrés entre les appartements. Parmi les changements, les garages ont déjà été sécurisés et des pavillons sépareront les habitations de la route. En contrepartie, les loyers augmenteront de 10 à 20%.

«Pas d’illusions»

En attendant 2015, l’heure est donc au ballet des ouvriers. Là au milieu, le téléphone de José Picallo ne cesse de sonner. Lui a déjà pris possession de son appartement rénové, mais il est surtout l’un des deux concierges de ce bâtiment – 8 entrées, 10 étages – en forme de canne de hockey. «Bien sûr que tout ceci est utile, dit-il avant de conduire la visite. Il y a beaucoup de cas sociaux ici et certains appartements sont dans un état déplorable. Je ne me fais pas d’illusions: certains logements seront de nouveau dans un sale état un an après la rénovation. Mais il y a aussi des gens bien aux Libellules.»

Plus loin, à l’épicerie ou au café où se concentre la vie sociale du quartier, les travaux monopolisent les discussions. Et malgré les chamboulements quotidiens ou les craintes liées au carrelage de certains, rares sont ceux qui remettent en question la nécessité de la réhabilitation. «Des bandes squattaient les garages, mais depuis qu’ils ont mis des portes électriques, on voit la différence», fait remarquer «Ciccio». Ce rentier AI sera l’un des derniers à prendre possession d’un appartement refait à neuf. Ce sera en 2015. Quant à l’augmentation de loyer, elle ne semble pas l’importuner outre mesure. «Je paie 400 francs pour un deux-pièces et mon loyer passera à 450 francs. C’est raisonnable, non? Et puis, où est-ce que je vais trouver un appartement à ce prix-là à Genève?»

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Passionné par l’info au coin de la rue, j'ai commencé à écrire dans ma commune de Vernier.
En parallèle, un site Internet consacré au foot des talus, des études et expériences dans le journalisme local ainsi que de longs voyages à vélo ont tracé mon parcours.

1 commentaire

  1. Je suis une ‘vieille’ des Libellules : quand j’y suis arrivée l’immeuble n’était pas achevé ! J’y ai grandi à la belle époque : celle où tout le monde se connaissait, où les enfants jouaient dehors ou allaient ramasser des fruits et légumes là où passe maintenant la route du Pont-Butin, celle-ci même que j’ai vu construire et qui, au début, à été source de nombreux et dramatiques accidents(une petite pensée pour celle qui aurait aujourd’hui 49 ans mais dont la vie a été fauchée il y presque 40 ans)l’époque où on partait jouer dans les ‘jardins abandonnés’ là même où les terrains de foot et de tennis ont été construits. A l’époque où tout était propre, calme et sûr. Cela a duré de très nombreuses années et puis cela a changé un peu mais que l’on vienne pas me dire que les Libellules ne sont qu’un réservoir de gens à problèmes ! Il y a eu des petites chicanes, des histoires de trafic de drogue mais quel quartier n’en a pas connu ? N’en connaît pas ? Bien sûr associer ces histoires à sa population défavorisée ont fait les titres de la presse mais la facilité des toitres ‘choux-gras’ sans connaître le lieu et les gens ce n’est pas du journalisme. J’ai quitté l’immeuble en 1988 mais ma mère y a habité jusqu’en 2009 c’était à l’époque du frère de M.Picallo dont l’article parle. J’ai donc connu les premières rénovations mais là encore que l’on ne vienne pas accuser les habitants d’avoir dégradé l’immeuble : avoir remplacé des stores solides par des stores en tissu et à l’extérieur c’était de la pure bêtise ! Tout comme nos vieux ascenseurs, bien moins souvent en panne que les nouveaux. Logements sociaux peut-être, des gens à problèmes mais une fois de plus quel quartier peut se vanter de ne connaître aucun problème ? A moins de savoir faire taire les langues et dissimuler sous le manteau les bêtises et trafic de certains par des ‘relations de papa’…que le quartier de Genève qui n’a jamais pêché lance la première piere aux Libellules…j’habite loin des Libellules mais je retrourne à Genève 5 à 6 fois par an et je ne pourrai jamais m’arrêter de me promer dans MON quatier. La preuve est que mes enfants ont joué dans la même cour que moi alors que je leur racontais tout ce que j’ai vécu de beau et de grand dans ce quartier.Face à ma petite école, mon école primaire, mon terrain de basket.
    La vie change, les gens changent, les problèmes d’aujourd’hui ne sont pas ceux d’hier. C’est valable aux Libellules comme à Berne, Paris ou New York.
    Quand on a connu les Libellules on les aime à jamais

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