«Le ping-pong est un jeu, le tennis de table est un sport»

Les 12 et 13 octobre derniers, le CTT Bernex vivait la 16ème édition de son tournoi annuel de tennis de table. Une occasion pour se pencher sur ce sport méconnu en discutant avec Laurent Langel, l’entraîneur du club. 

Signé Genève : Qu’est-ce qui vous plaît dans le tennis de table ?

Laurent Langel : Ce qui m’a plu dans le tennis, c’est le fait que ce soit un sport individuel. Contrairement aux sports collectifs, on arrive tout de suite à voir ses progrès. Il y a un classement personnel et lorsqu’on apprend à faire de nouveaux coups on est satisfait de progresser dans quelque chose. En plus, le sport en soi est aussi très intéressant : il allie réflexes, vitesse, physique, mental,…

SG : C’est donc un sport très complet…

LL : Oui comme beaucoup de sports. Il faut des qualités physiques, psychiques et tactiques. On peut être très fort techniquement et physiquement, mais si mentalement on est fragile dans les moments importants on n’arrivera jamais à un bon niveau. Le tennis de table nous apprend à avoir confiance en soi dans les moments difficiles.

SG : C’est le 16ème tournoi que Bernex organise, est-ce un bon cru ?

LL : Oui, avec 182 inscrits, on a frôlé le record de participation d’il y a deux ans qui est de 200 inscrits. C’est un très bon chiffre par rapport aux autres tournois sur Genève, c’est même le plus grand tournoi de Romandie. Il y a eu de très beaux matchs, les meilleurs joueurs étant classés A17 (le plus haut niveau de classement en Suisse est A20 ndlr), et il y en avait beaucoup ce qui est rare sur ce genre de tournois.

SG : Est-ce que le niveau du tennis de table est bon en Suisse ?

LL : Non, il n’est pas bon sur le plan international, ce serait mentir de dire le contraire. Aujourd’hui pourtant, il progresse. La Fédération suisse de tennis de table a mis un nouveau concept du sport d’élite en place afin que, dans chaque région, on travaille ensemble pour éviter que chacun fasse sa propre cuisine dans son coin. Mais, au niveau international, il vient d’y avoir les championnats d’Europe et les garçons ont fini 25ème et les filles 27ème. La meilleure joueuse suisse est 350ème mondiale et le meilleur joueur 400ème. Mais on espère que ce sera mieux ces prochaines années, tout étant mis en œuvre pour ça.

SG : Le tennis de table est un sport mixte. Est-ce que les femmes ont un bon niveau par rapport aux hommes ?

LL : En fait, c’est un peu un mystère. Il y a très peu de femmes qui jouent au tennis de table alors que c’est un sport qui ne nécessite pas forcément de la force : le finaliste de la série d’hier avait 13 ans (il n’y a pas de catégories d’âge au tennis de table ndlr), pesait 35 kilos, avait peu de force et pourtant c’était le deuxième meilleur joueur du tournoi. Pour les filles, c’est donc un sport très intéressant,  elles peuvent rivaliser avec les hommes, ce qui est impossible au tennis par exemple, où le défi physique est trop important. Malgré cela, il y en a très peu, en Suisse comme dans les autres pays. Du coup, quand on est une fille et qu’on est assez bonne, on est rapidement dans les meilleures suisses. A Bernex, on a Mireille Kroon qui a été championne suisse des moins de 13 ans. Elle a un bon niveau et est largement la meilleure en Suisse, mais à l’international elle ne régate pour l’instant pas du tout. Mais l’avantage, c’est que cela la motive à persévérer et que la Fédération suisse mise à fond sur elle.

SG : Pourquoi le tennis de table est-il aussi peu médiatisé ?

LL : C’est un cercle vicieux : vu qu’on n’a pas de résultats, on n’est pas médiatisé ; vu qu’on n’est pas médiatisé, on n’a pas d’argent et vu qu’on n’a pas d’argent, on n’a pas de résultats. C’est le cas de tous les petits sports. Swiss Olympic soutient la Fédération de tennis de table de manière très faible par rapport au football ou au hockey sur glace. Du coup, on a peu d’argent à investir dans le sport d’élite. Il y a seulement deux entraîneurs nationaux. A titre de comparaison, ils sont 50 pour le football ! Les résultats ont de la peine à venir et les médias ne s’intéressent pas à nous. Personne ne remarque la 350ème joueuse mondiale quand il y a des Federer ou des Wawrinka qui sont dans le top 10. Pour que le sport soit plus médiatisé, il nous faudrait un Federer au tennis de table. Pourtant, de plus en plus de médias s’intéressent à nous : lors du Swiss table tennis open de Lausanne, qui est un tournoi mondial majeur, la RTS est venue faire des reportages et certains journaux ont écrit des articles. Rachel Moret, la meilleure joueuse suisse, est romande et a donné plusieurs interviews. Ça vient gentiment…

SG : Est-ce qu’aujourd’hui il est possible de vivre du tennis de table en Suisse ?

LL : En tant que joueur, non. Les quelques joueurs qui en vivent sont aussi entraîneurs. A l’étranger par contre, il y a beaucoup de joueur de tennis de table professionnels. En Suisse, il est possible de gagner sa vie en tant qu’entraîneur sans problème, surtout à Genève qui est l’un des endroits les plus développés pour le tennis de table avec Zurich. Par contre, pour être joueur, il faut s’exiler en Allemagne ou en France qui sont de grands pays pour le tennis de table.

SG : Pour conclure, est-ce qu’il faut dire « tennis de table » ou « ping-pong » ?

LL : C’est toujours la question (rires). Mon premier entraîneur me disait « Le ping-pong est un jeu, le tennis de table est un sport ». La nomination officielle du sport est « tennis de table ». Dès qu’on est dans les médias, on utilise « tennis de table » pour se donner un air plus sérieux, montrer que c’est un vrai sport et pas un hobby, mais entre nous, quand on en parle, on dit « Viens, on va jouer au ping ! ».