Parler de Maurice Gardiol tient de la gageure tant ses engagements passés et présents sont nombreux, que cela soit au sein d’organisations à caractère social, spirituel, politique ou culturel. Ce septuagénaire surprend autant par sa tranquille ferveur que par sa détermination à transformer notre monde en un lieu meilleur. Ce sont ces qualités qui lui ont permis de faire avancer les causes qui lui tiennent à cœur qu’il s’agisse de l’intégration des migrantes et des migrants ou de l’accès pour tous à la formation. Connu à Plan-les-Ouates pour son engagement au TemPL’Oz Arts -association qui propose des spectacles en lien avec la spiritualité et les questions de société-, il a également été membre du Conseil municipal de sa commune. Plus largement, à l’échelle genevoise, il a œuvré dans de nombreuses associations en lien avec les migrants et au sein de l’église protestante en tant que diacre. Portrait d’un homme aussi discret qu’engagé socialement.
Une bande d’étudiants très remuants
Regard pétillant et sourire avenant, Maurice Gardiol me raconte comment maturité commerciale en poche, il a commencé une double formation à l’université de Genève et à l’Institut d’Études Sociales. Mais c’était sans compter mai 68. Les grandes remises en question du moment le poussent à abandonner ses études universitaires pour se concentrer sur la réforme de l’Institut d’Études Sociales. « Nous étions une bande d’étudiants très remuants » se rappelle-t-il avec un sourire malicieux. « Nous contestions le système en place et avons préparé une refonte complète du programme d’étude et des méthodes d’enseignement que l’Institut a mise en place dès la rentrée suivante. Pour moi, cela a été une période marquante car j’y ai appris l’importance de l’engagement collectif. »
Au CSP
Entré au Centre social protestant (CSP), il fait partie d’un groupe de jeunes travailleurs sociaux qui revendiquent des changements en profondeur devant permettre une plus grande exemplarité de l’organisation à l’interne comme à l’externe. Ils obtiendront notamment un salaire unique pour l’ensemble des collaborateurs, du simple nettoyeur au directeur. Dans son travail au CSP, il accompagne les réfugiés dans le dédale des démarches administratives. En 1972, le CSP lui demande de créer – en lien avec d’autres organisations d’entraide – un secteur « réfugiés » spécifique à la Suisse romande. « Ce premier engagement a été très intense, car dans ces années-là, les vagues de réfugiés se suivaient de près : ougandais fuyant le régime d’Amin Dada, réfugiés chiliens, boat-people vietnamiens ».
Un engagement religieux
Son parcours prend un nouveau tournant en 1977 : il se marie avec Edith, une collègue du CSP, et fonde une famille. A la même époque, un ami pasteur le convainc de le rejoindre pour l’aider à animer des groupes de jeunes et d’adultes. Ce poste à temps partiel lui permet de conjuguer vies professionnelle, familiale ainsi que d’autres activités qui lui tiennent à coeur. Il suit la formation diaconale et occupe dès 1986 un poste d’aumônier oecuménique auprès des réfugiés à l’aéroport, puis dans le centre d’enregistrement des requérants d’asile à la Praille (www.agora-asile.ch).
Camarada
Sous l’égide du CSP, l’Association Genevoise d’entraide aux Réfugiés (AGER) est créée en 1982. Cette association, dont Maurice Gardiol sera président durant 36 années, propose des cours de français aux populations migrantes afin de leur permettre une meilleure intégration dans le tissu genevois. « Les cours existant à l’époque n’étaient pas adaptés à leurs besoins. L’AGER a été pionnière en recourant à la démarche pédagogique Gattegno et à la méthode Silent way®. Avec le temps, l’équipe a constaté qu’il y avait très peu de femmes dans ces cours. Pour toucher cette partie de la population, nous avons réalisé qu’il fallait proposer un lieu qui leur soit réservé et disposer d’un accueil pour leurs enfants en âge pré-scolaire». C’est chose faite dès 1990 : un centre femmes s’ouvre, d’abord à Châtelaine puis à la Servette. Aujourd’hui, ce centre, rebaptisé Camarada en 2002, accueille près de 1400 personnes par année et donne plus de 6000 heures de français, d’alphabétisation et de formations diverses (www.camarada.ch).
Une retraite active
Après son retrait du diaconat à 62 ans, il relève un nouveau challenge : celui de l’Assemblée constituante où il est élu sous les couleurs du parti socialiste-pluraliste. « Ça a été quatre années de travail intensif. La nouvelle constitution a ses limites mais je pense qu’elle représente un réel progrès. La formation obligatoire jusqu’à dix-huit ans a été l’un des sujets qui m’ont beaucoup tenu à cœur. » Aujourd’hui, la septantaine vaillante, il continue son engagement dans de nombreuses associations où ses compétences et son réseau représentent des atouts très appréciés. Et lorsqu’il n’œuvre pas pour une association, il écrit ses pensées et réflexions. Citons La boussole et le baluchon – questions aux carrefours de ma vie, qui a reçu en 2020 le Prix Daniel Colladon, et le récent ouvrage collectif Paroles d’espérance en temps de crise, tous deux publiés aux éditions Ouverture qu’il dirige depuis 4 ans (www.editionsouverture.ch).