
Meyrin est une petite ville agricole. L’identité de la commune est composée d’un tiers de terres cultivées par une poignée d’exploitants. C’est le cas de Jean-Pierre Stalder, dont le nom est enraciné dans les archives meyrinoises depuis 1926. Ses productions sont rythmées par les saisons et offrent aux habitués un véritable bouquet de nature. Et pourtant, l’agriculteur-maraîcher affiche une mine soucieuse lorsque l’on aborde l’avenir.
Alors que les rues sont encore recouvertes d’un voile de brume matinale, M. Stalder, à peine perceptible, fait signe de le rejoindre depuis sa ferme au nom fruité, La Fraisière. À ses côtés, Christophe Stalder, son neveu. Nous montons dans un bureau accolé au large grenier, une bâtisse haute et creuse qui accueille, selon les saisons, toutes sortes de fruits et légumes. Ainsi, aubergines, choux balkaniques et autre paprika écarlate côtoient confitures et sirops de cassis, fraises, framboises ou groseilles. Le cultivateur d’une cinquantaine d’années perçoit sereinement l’avenir de sa ferme, car « nous sommes proches de la ville », confie-t-il. Puis, son regard s’emplit d’inquiétude. Il ressent le besoin de nuancer ses propos : « …mais il y a une pression qui plane sur l’agriculture ».
Crainte d’une «une urbanisation forcenée»
«On peut à tout moment nous menacer d’une route ou d’un parking », s’insurge M. Stalder. La crainte d’être phagocyté par « une urbanisation forcenée » l’amène même à douter du bien-être des Meyrinois. Puisque la paysannerie fait partie intégrante du patrimoine communal, sa perte annoncerait le déclin d’une identité. « Pourquoi le béton s’arrogerait-il le droit de recouvrir notre terre nourricière ? » Une question qui traduit un certain malaise au sein des agriculteurs meyrinois. Un long silence de réflexion s’installe puis il reprend : « Que cherche-t-on à faire ? Veut-on une propagation d’immeubles ou la préservation d’un arrière-pays ? La réponse à cette question nous informerait sur notre utilité ».
Un écoquartier mais moins d’agriculture
L’intégrité de l’agriculture meyrinoise vacille. Ce qui conforte Jean-Pierre Stalder et certains de ses collègues dans cette idée, c’est le « déclassement du terrain des Vergers ». Situé entre Champs-Fréchets et la piscine des Vergers, l’écoquartier en construction semble dors et déjà faire la fierté de la commune. Le projet se veut une alliance entre l’écologie et l’urbanisme. Cependant, elle conduit à l’effarement du cultivateur : « La commune soustrait à l’agriculture une parcelle importante ». L’adhésion des agriculteurs au projet de l’écoquartier faisait suite à un échange de bons procédés : les travailleurs de la terre donnent leur aval en échange de compensations diverses. « Or celle-ci sont aujourd’hui remises en question par ceux-là mêmes qui les avait annoncées », glisse franchement l’agriculteur.
La grogne des travailleurs de la terre est encore loin, mais les revendications deviennent de plus en plus palpables. L’agriculture meyrinoise est-elle en voie de trépas ? La brume matinale laisse place à un ciel clair et lumineux. Un ciel qui pourtant semble s’obscurcir au dessus de la tête de l’identité agricole de la commune.
- Jean-Pierre Stalder, propiétaire et producteur du domaine de La Fraisière Feuillasse, pose parmi les groseilliers à grappes rouges.