Il tourne le carrousel de la Madeleine. Sous l’œil bienveillant de la cathédrale Saint-Pierre, avec ses chevaux en bois du XIXe siècle, ses voitures des années 50 et ses broderies rutilantes. Voici trente-quatre ans que le manège n’a pas bougé de son emplacement au pied de la Vieille-Ville. Mais voilà que cela pourrait changer en 2013, car la place de la Madeleine subira d’importants travaux dès le début de l’année prochaine.
Comme annoncé en mars 2011 par Pierre Maudet (alors conseiller administratif de la Ville de Genève), l’abri antiaérien désaffecté situé à quelques mètres sera transformé en centre pour la jeunesse et l’expression artistique. Financés par la fondation Hans Wilsdorf, les travaux démarreront vraisemblablement en janvier et dureront plus d’une année dans ces fortifications datant des années quarante.
Sur la place Longemalle?
Juste en face, le carrousel de la Madeleine sera démonté comme chaque année – entretien oblige – au lendemain du cortège de l’Escalade pour revenir en mars 2013. Reste la question de l’emplacement. «Pour l’instant, nous n’avons reçu aucune information», explique Reynald Wetzel, exploitant et patriarche d’une famille de forains dont «les premières patentes dans la profession datent de 1878».
Du côté de la Ville de Genève, Raoul Schrumpf, chef de cabinet au Département de l’environnement urbain et de la sécurité, se veut toutefois rassurant. «Nous sommes actuellement à la recherche d’une solution afin que le manège demeure le plus proche possible de la place de la Madeleine. Dans tous les cas, ce sera très proche de ce périmètre, peut-être à une trentaine de mètres de là sur la place Longemalle.»
Quant aux autres commerçants, ils attendent des informations et se disent inquiets face au chamboulement que subira la place de la Madeleine.
Bien qu’optimiste, Reynald Wetzel, lui, peine toutefois à imaginer son carrousel ailleurs. «Regardez, on a même peint l’inscription «carrousel de la Madeleine», indique-t-il. Car la célèbre place genevoise pourrait se voir confisquer temporairement son attraction principale mais une chose est certaine, le manège a encore de longues années devant lui. «Au moins 100 ans… Non, l’éternité», lance son fils Frank.
Relève assurée
Après avoir été acquis il y a plus de 120 ans en Allemagne par l’arrière-arrière-grand-père de l’exploitant actuel, le carrousel a traversé les époques sans accrocs. Bien sûr, les coups de peintures sont fréquents. Sécurité oblige, des parois séparent désormais le moteur central des éléments du manège. Quant à la manivelle d’antan, elle a cédé sa place à un dispositif électronique. «Au départ, des chevaux tiraient le manège. Ensuite, c’était une motosacoche avant que le premier moteur ne soit installé en 1936», relate avec bonhomie Pierre Schauerjans. Il fut le propriétaire du carrousel durant seize belles années avant de céder les rênes de l’attraction à son neveu. Hormis une brève interruption, le manège est toujours resté en mains de la même famille. «Mon beau-père a installé le carrousel ici il y a 34 ans pour une fête des commerçants du quartier. Il devait y rester trois jours, mais on est toujours là .»
Aujourd’hui encore, Pierre Schauerjans et ses successeurs entendent sans cesse leurs clients s’adresser à eux et cette même phrase: «Je venais ici avec mes parents et maintenant j’y emmène mes enfants.» Et puis il y a Kurtis, 9 ans. Le dernier de la famille Wetzel. Bonne bouille, énergie débordante et déjà convaincu à l’idée de faire tourner le manège dans quelques années. Alors c’est sûr, ils seront encore nombreux, les enfants, à tirer leurs parents par la manche devant le carrousel de la Madeleine.
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