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L’« action directe » pour lutter contre les violences faites aux enfants, le cas de l’association Templiers Post Tenebras Lux

Venus de la Chaux-de-Fonds, du Valais, de Vaud et de Genève, des membres de l’association Templiers Post Tenebras Lux posent pour la « photo de groupe » (crédit photo : Malou et Photos-Timide)
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Venus de la Chaux-de-Fonds, du Valais, de Vaud et de Genève, des membres de l’association Templiers Post Tenebras Lux posent pour la « photo de groupe » (crédit photo : Malou et Photos-Timide)

Née et basée à Genève, une association présente dans toute la Romandie combine amour de la moto et lutte contre les violences faites aux enfants. Tour d’horizon d’un projet aussi détonnant que convaincant.

Rendez-vous a été pris un dimanche de novembre au tranquille Café de la Presse, où votre narrateur se trouvait alors en avance. Ce qui suit ne saurait être retranscrit par l’exercice de l’article de presse, tant le spectacle de l’arrivée d’une vingtaine de motards de l’association « Templiers Post Tenebras Lux » fut ébouriffant. Surgirent donc des rues alentours, précédés par de vrombissantes sonorités, moult individus aux guidons de motos de forte cylindrée et arborant une vestimentation analogue, toute de cuir noir, de patchs et d’autres éléments identitaires de l’association susmentionnée. Contraste radical avec la quiétude dominicale de la Cité de Calvin garanti ! Ceux-ci avaient à cœur de venir en nombre, afin de témoigner de la capacité de mobilisation du collectif et de sa « force ». La plupart d’entre eux se serait requinquée autour d’une bonne fondue plus tôt dans la journée… Mais point trop n’en faut, et la nature du propos suivant proviendra d’un échange avec quatre membres de l’association (qui en compte une petite cinquantaine), dont les trois qui l’ont fondée et forment le « comité ». Pour les désigner, l’usage du « road name » (nom de route) sera de rigueur : Poc préside l’association, Largo le seconde en qualité de vice président, Bubar assure le côté opérationnel avec sa casquette de « capitaine », et Flox interviendra en tant que membre actif.

Vous avez dit « Templiers Post Tenebras Lux » ?

D’emblée est explicité le caractère apolitique et areligieux de ce groupement, dont l’activité a démarré en 2015 mais s’est formalisée en 2021. D’ailleurs, précision de circonstance, «  Post Tenebras Lux » ne s’apparente pas vraiment à Genève et à sa mythologie. L’association Templiers Post Tenebras Lux se rattache plutôt à l’idée de « lumière après les ténèbres » appuie Poc. Empruntant un certain imaginaire médiéval, celui-ci use de l’analogie de la « protection des plus faibles » en déclamant « on est des chevaliers, sur notre cheval de métal ». « L’état d’esprit, c’est que les enfants (malmenés) sont dans les ténèbres avant de faire notre rencontre ». Ce narratif s’inspire d’un mouvement né aux États-Unis (Bikers Against Child Abuse), où « un enfant abusé dans son enfance a trouvé refuge dans un autre type de famille, celles des bikers (motards) » complète Largo. Cette notion de « famille » reviendra à plusieurs reprises lors de l’entretien. « C’est très symbolique ce qu’on fait, c’est de l’accompagnement (…), pour lui (l’enfant) prouver que les adultes ne sont pas tous les mêmes ». Plus concrètement, l’essentiel de l’activité de l’association réside dans du parrainage d’enfants ; « deux parrains par enfant, 24 heures sur 24, sept jours sur sept » s’empresse d’ajouter Flox. D’autres actions, plus spectaculaires mais néanmoins très ponctuelles, peuvent aussi s’inscrire dans leur mode opératoire. Enfin, la mise en lumière de cette problématique délicate et du positionnement de Templiers Post Tenebras Lux, au travers d’interventions variées ou de la production de supports didactiques, représente un autre axe de l’association. « On fait beaucoup de relations publiques » reconnaît le président (ils auront par exemple une tente à la fête de l’Escalade).

Une méthodologie bien rodée

Si à ce stade, quelque perplexité sur le bien fondé de cette association a priori insolite vous animerait encore, sachez d’une part qu’elle est reconnue d’utilité publique, et d’autre part qu’elle emprunte exclusivement le mode non-violent. De surcroît, chaque aspirant parrain doit montrer patte blanche, en présentant un extrait « spécial » du casier judiciaire – celui requis pour les activités au contact d’enfants notamment –, « pour être limpide » souligne Flox. Ensuite, « une période d’« essai » d’une quinzaine de mois par membre » est observée. L’association est principalement sollicitée sur des questions de violences sexuelles, par un proche voire par la victime directement, et via le bouche à oreille la plupart du temps (Bubar). Poc rappelle d’ailleurs que « les auteurs de violences psychiques, physiques ou sexuelles se trouvent être dans plus de 85 % des cas des membres de la famille ». Une fois donc le premier contact pris, le comité se réunit afin de « valider » le cas. En parallèle de cette étape est recueilli au minimum un document formel (type plainte) garantissant que « les choses sont démontrées et factuelles » ; condition sine qua non à une intervention du collectif. Deux à trois membres organisent par la suite une première visite au sein de la famille. « On essaie (aussi) d’avoir le témoignage de l’enfant (…), pour voir ce qu’il vit, chez lui, au quotidien » marque Largo. Lors de ces étapes, « on essaie d’être assez réactif, de se montrer disponibles » dit Flox. « Une discussion avec les parents, sur la méthode à mettre en place », est également engagée ajoute Bubar ; la demande d’aide provenant en général d’eux.

« La plupart (d’entre eux) ont déjà tout essayé » (Bubar)

Au delà du caractère louable de l’association, celle-ci a en fait pour ambition de combler certaines imperfections des dispositifs socio-légaux existants. Les clés ici pour adresser ces manques résident dans la disponibilité et la réactivité du collectif. « On est disponibles 24 heures sur 24 et sept jours sur sept, à l’inverse des services sociaux » tranche d’entrée Poc. Flox et Bubar le rejoignent, et ce dernier exprime entre autres que « nous, on aura toujours une solution, car on est pas régis par des trucs trop compliqués ». Largo ensuite expose que « souvent, ils ont activé l’École, les services sociaux… puis il viennent à nous ». Le propos présenté ici demeure cependant univoque sur un point : il n’est nullement question de se substituer à « la loi », mais au contraire d’agir en complémentarité avec elle, et sur le mode de l’« action directe ».
Ce mode de faire s’appuie en grande partie sur la présence autour de l’enfant, et sa visibilité. « Le seul fait de montrer que l’enfant est entouré arrête la spirale (…), on est très impressionnés de voir qu’en général, une action change la donne » expose Largo. Flox approuve son confrère et insiste sur la dimension dissuasive de cet accompagnement. En prolongement de cet aspect, soulignons également la portée structurante et thérapeutique de l’appartenance à ce groupe, à cette nouvelle « famille ». Bubar abonde en ce sens, en précisant qu’ « ils cassent l’isolement ressenti par l’enfant (…), et que la victime regagne confiance ». L’affiliation au groupe et sa logique dissuasive se matérialise par exemple lors d’actions liées à la problématique du harcèlement scolaire. Nous en conviendrons, « lorsque 35 Harley arrivent (éventuellement à la sortie des classes), ça s’entend » (Poc). Ajoutez à cela la lisibilité d’une telle entreprise, avec l’ensemble des membres arborant les mêmes couleurs, celles-là même que révèle le sweatshirt offert plus tôt et alors étrenné par l’enfant. Des interventions sur le chemin de l’école voire dans des bus scolaires peuvent aussi se produire, interventions au cours desquelles, notons le, le collectif ne cherche aucunement à confronter le harceleur ; ils n’en connaissent même pas l’identité.
Pas de castagne à l’horizon donc, « on est pas là pour venger l’enfant, pour faire les justiciers » insiste notre capitaine. A ce jour, Templiers Post Tenebras Lux estime à 36 le nombres d’enfants sous leur « protection ». Les concernant, le degré de suivi varie. « Si les abus ont cessé, on checke (vérifie) tous les six mois… sinon on intervient à nouveau » assure Poc.

Finalement, cet « amour (et cette culture) de la moto » ne constituerait-il pas tout bonnement un outil, un prétexte pour s’engager dans la bien noble cause de la défense des enfants ? Sublimer la « force » et son pendant violent, et l’élever en tant que « valeur, dès lors qu’elle est tranquille et protectrice », pour paraphraser le flyer de présentation de l’association. Mission relevée et réussie ; paroles de chevaliers sur leurs destriers de noir et de chrome !

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Photo du profil de François-Florimond Fluck
Au cœur de ma démarche dans Signé Genève, la récolte de matériaux de terrain: expertise d'usage, initiatives inspirantes et/ou détonantes... Et puis je propose des "traductions" de ces matériaux, c'est à dire que j'essaie d'écrire une histoire "journalistique" avec ce qu'on me confie, et d'en révéler une certaine teneur.  A votre service!

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